Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bruno Le Maire, sa tactique et sa stratégie

Bruno Le Maire, sa tactique et sa stratégie

 

Disons le d’emblée, il n’est pas question d’égratigner un quadragénaire sympathique et doué qui a fait ses preuves au gouvernement et qui a toujours su tirer son épingle du jeu avec grâce mais aussi avec une redoutable dextérité. Il se trouve que depuis quelques semaines, voire quelques mois, vous ne pouvez pas allumer votre téléviseur sans le voir, sans l’écouter parler de son dernier livre. Et il se livre (sans méchant jeu de mots) toujours aux mêmes critiques de lui-même, de ses amis politiques, du fait qu’il est père de quatre enfants (que D- les garde), qu’ll a démissionné de la haute fonction publique (en fait il était diplomate) et que lui, en réalité, lave plus blanc que blanc, car il a un courage que d’autres n’ont pas…

 

Mais derrière cette candeur affichée et cette innocence proclamée, un peu comme un homme qui avancerait étendard déployé, se cache tout de même une stratégie servie par une tactique éprouvée.

 

Une petite rétrospective : lorsque Dominique de Villepin était au Quai d’Orsay, M. Le Maire était encore dans son corps d’origine. Et il a su capter l’attention et l’intérêt de son ministre auquel il a consacré un ouvrage assez étonnant quand on le relit aujourd’hui. Quand M. de Villepin a remplacé Jean-Paul Raffarin à Matignon, M. Le Maire a aussitôt hérité du poste de conseiller spécial, un poste qui n’existait pas avant lui. Lorsque le préfet Mongin a été nommé à la tête de la RATP ; Bruno Le Maire a naturellement pris sa place comme directeur de cabinet. On le voit, un homme se plaçant adroitement partout, en ascension constante, damant le pion à tout concurrent potentiel et Dieu sait que ce n’est pas ce qui manque dans ces milieux là, ceux-là même que l’auteur critique, voire blâme à longueur de chapitres de tous ces livres.

 

Il se fit ensuite élire dans une circonscription confortable, celle de Jean-Louis Debré. La première fois que j’ai parlé de Bruno Le Maire, ce fut dans le bureau de mon ami Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, et en entendant sa réaction, j’ai tout de suite compris que ce diplomate serait nommé au gouvernement… Ce qui finit par advenir.  En dépit de la grave brouille opposant son ancien mentor au président de la République, M. Le Maire sut naviguer avec une grande adresse entre les différents écueils.  Quelle diplomatie !

 

Quand on le regarde bien (ce que j’ai fait hier soir salle Pleyel lors d’un concert de l’orchestre philharmonique de Berlin, à l’invitation de Madame l’Ambassadeur) on a l’impression d’avoir affaire à un grand enfant, innocent et désarmé… Ce n’est pas le cas et c’est bien ainsi car dans le milieu de grands fauves dans lequel il évolue il n’y a pas de pitié.

 

Depuis la défaite de N S. M. Le Maire a évité de se compromettre dans la querelle Fillon-Copé, se déclarant un non-aligné (encore une brillante trouvaille de sa carrière diplomatique), s’alliant avec une collègue, une femme comme NKM, et n’hésitant pas à donner des conseils aux uns et aux autres, se montrant désintéressé mais toujours bien présent partout afin de ne pas être oublié, le moment venu. Une chose me gêne : il insiste trop sur sa démission de la haute fonction publique et sur ses quatre enfants. Il devrait savoir que les milieux auxquels il s’en prend sont redoutables et ne connaissent pas les sentiments de piété, ni même de commisération… Certains vont aller voir ce qu’il en est vraiment.

 

C’est donc un subtil mélange entre un intellect rigoureux, de qualité, et une candeur apparente empreinte d’innocence et de désintéressement. Cette impression est tout de même remise en question par ce parcours sans faute qui laisse deviner une personnalité tout autre…

 

Alors que dire en conclusion ? J’apprécie les capacités de l’homme qui avait même fait savoir, jadis, qu’il parlait couramment l’allemand avec Angela Merkel (étant germaniste moi-même), j’apprécie aussi ses incontestables talents littéraires, sa volonté de détruire les castes héréditaires de la haute fonction publique, son souci de l’autre comme dirait Levinas (ce matin sur LCP il a donné quelques exemples de cette partition : cambriolages, baisse du pouvoir d’achat, etc…).

 

Pourtant, j’ai l’impression qu’il y a là un petit déficit de sincérité. Les hommes politiques ont une constante, la continuité. Quand ils sont en poste, ils ne rêvent que d’une chose ; rester et continuer.

 

C’est peut-être ce qui sépare le pouvoir temporel du pouvoir spirituel. Voyez le cas du pape, il faudrait s’inspirer d’un si haut exemple.

 

La politique doit être structurée par l’éthique. C’est loin d’être le cas et c’est la raison pour laquelle les gens la jugent si sévèrement. Je sais que ces propos seront qualifiés d’aimables rêveries. Mais après tout des hommes comme Bruno Le Maire pourraient mener à bien un tel programme. Il en possède le talent, il en a la volonté.

 

Je consens volontiers à lui faire crédit.

 

Mais il faut de l’authentique sincérité.

 

Maurice-Ruben HAYOUN

In Tribune de Genève du 28 février 2013

Les commentaires sont fermés.