Mais que se passe t il donc à Genève avec les Iraniens ? On doit craindre sérieusement que les Mollahs, par un tour de passe passe exégétique dont ils sont coutumiers, ne réussissent à faire passer des vessies pour des lanternes aux yeux des négociateurs occidentaux. Le monde libre dispose d’un merveilleux outils pour conduire les Mollahs à venir à résipiscence, il serait désastreux de lâcher la proie pour l’ombre. On sait pertinemment bien que les Iraniens, et surtout le nouveau pouvoir autour de M. Rouhani, a fait de la levée des sanctions le clef de voûte de son programme, et on sait aussi bien que la population iranienne ne va pas tarder à se soulever contre ses maîtres si le régime économique n’est pas un peu assoupli. Alors les Iraniens sont prêts à diffuser autant de fumée qu’il faudra pour enfumer les Occidentaux. La réaction courroucée du Premier Ministre israélien le prouve : il a rappelé que toutes les options étaient sur la table, et on sait ce que cela signifie, si les Occidentaux mollissaient et se laissaient endormir par le savoir-faire des Iraniens. Encore une fois : quand un pays n’a rien à cacher, il peut jouer cartes sur table, or c’est ce que refusent les Iraniens opiniâtrement depuis plus de dix ans… Le fait que les ministres des affaires étrangères se soient si imprudemment précipités à Genève pour écouter les Iraniens sera utilisé par ces derniers auprès de leu opinion publique alors que le changement de régime à Téhéran devrait être l’objectif final, avoué ou inavoué. On sait bien que le régime des Mollahs ne peut pas vivre en paix avec le reste du monde/ On se souvient de la manière dont il a violé les règles internationales, donnant l’assaut à une ambassade, américaine en l’occurrence, foulant aux pieds le principe d’extra territorialité. Emprisonnant et maltraitant des diplomates qui bénéficiaient pourtant de l’immunité inhérente à leurs fonctions.. Les Iraniens ont donc un besoin urgent de revenir dans les circuits bancaires internationaux, d’exporter leur pétrole et de ré-oxygéner leur économie que des sanctions justifiées asphyxient depuis un certain temps. On n’en est plus aux rodomontades d’Ahmaninedjad qui prétendait de manière mensongère que les sanctions ne feraient pas dévier son pays de la trajectoire nucléaire qu’il a choisie… Aujourd’hui, ce pays ressent durement le contre coup de sa propre politique à courte vue et de la folie qu’il y avait à menacer l’Etat d’Israël d’une destruction totale. Si les Occidentaux savent faire preuve de persuasion, ils auront finalement gain de cause. Au fond, les sanctions ne gênent que l’Iran, pas les Occidentaux et à ce niveau, la France mène une politique exemplaire de rigueur et de vérité : l’Iran ne doit pas développer de bombe atomique ni être sur le seuil de l’avoir. Il y a les menaces israéliennes qui pourraient être mises à exécution et apporter une touche finale à toute cette affaire. Personnellement, je ne le souhaite guère mais les Etats ont des impératifs qui dépassent largement les désirs ou les calculs des individus. Mais il reste un point de nature éthique dont les diplomates internationaux semblent bien peu se préoccuper : c’est le bonheur des peuples, leur désir ardent de vivre librement, sans crainte ni oppression. Or, on semble prêt à sacrifier la volonté des Iraniens de ne plus vivre sous la férule d’un régime autocratique et anti démocratique. Du temps où Madame Hillary Clinton était Secrétaire d’Etat, elle avait annoncé que les Gardiens de la révolution avaient pris possession de l’Etat auquel ils dictaient la marche à suivre, prospérant sur la ruine accélérée de leur pays et ne regardant que leurs intérêts privés. On suit d’ailleurs avec une grande attention les critiques de ces mêmes milieux, dirigées contre M. Rouhani et son équipe. On distingue aussi le soutien calculé du Guide suprême du régime qui, pour le moment, accorde parcimonieusement sa confiance mais qui, le cas échéant, pourrait bien couper l’herbe sous les pieds de la nouvelle équipe. Jusqu’ici il a fait preuve de réalisme politique ; comprenant que le prédécesseur de M. Rouhani menait le pays dans le mur, il a empêché la candidature d’un proche de l’ancien président et mis en orbite le président actuel en lequel le peuple voyait une sorte de sauveur, un leader quittant la rhétorique guerrière d’Ahmaninedjad. Toutefois, en dépit des apparences, il n y a plus de monolithisme granitique en Iran, l’équilibre des pouvoirs y est encore très précaire : nul ne peut exclure un renversement de tendance ou un infléchissement de la politique dans un tout autre sens.. Les Gardiens de la révolution n’ont guère apprécié le coup de fil entre les présidents iranien et américain. Et ils l’ont fait savoir, et le fameux Guide a jugé bon de prendre un peu ses distances tout en continuant à appuyer un appui discret. N’oubliez pas que l’Iran est le berceau du chi’isme et que cette tendance religieuse constitue une sorte d’affranchissement persan par rapport à l’islam purement arabe. Une sorte d’antidote au panarabisme. J’avais lu cette pertinente remarque chez Ernest Renan mais aujourd’hui je suis entièrement convaincu de son bien-fondé.. Leurs théologiens sont passés maîtres dans la virtuosité exégétique et sont capables de faire ce qu’ils veulent à n’importe quoi. S’il y avit un peu moins de grands ignorants dans ce bas monde, on saurait qu’il y eut, durant la période perse, une belle idylle entre les judéens et les ancêtres des Iraniens actuels. Peu de gens savent que le Pentateuque a connu sa touche finale durant cette même période, les Perses demandant aux Judéens selon quel code, quelle loi, voulez vous être jugés, dirigés et gouvernés… C’est alors que fut fourni le Pentateuque, basé sur la loi de Moïse. Je rappelle aussi qu’il y a quelques années j’ai donné une édition, parue dans la revue Da’at (Université de Bar Ilan) du commentaire des vingt-cinq propositions figurant en tête de la seconde partie du Guide des égarés de Moïse MaiMonide. Eh bien ce commentaire fut rédigé en arabe par un certain Mohammed ibn Zakhariya al Tabrizi. Ce penseur musulman a rédigé ce commentaire lors de la seconde partie du XIIIe siècle et vivait à Tabriz.. Dans son introduction il nomme Maimonide selon son nom arabe mais reconnaît qu’il est juif : Moussa ibn Maimoun ibn Abd Allah al) Cordoubi al Israili……… C’était le temps béni où les intellectuels juifs et musulmans apprenaient les uns des autres. Maimonide d’Al-Farabi, d’Avicenne et d’Ibn Badja et, inversement, Mohammed al-Tabrizi de Maimonide… Il nous faut donc achever cette chronique dominicale sur une note d’optimisme : qu’un Iran régénéré, pacifique et porteur de paix et de justice, émerge de ce guêpier dans lequel certains de ses fils, et pas vraiment les meilleurs l’ont mis. Et d’où il doit absolument sortir en changeant de politique de mode d’action. Pour n’avoir que des mais de par le monde.