L’Afrique du sud sans Nelson Mandela
L’homme qui vient de quitter ce monde et auquel la majorité des dirigeants de la planète s’apprêtent à rendre un dernier hommage est un personnage qui n’est pas vraiment de l’espèce humaine mais plutôt angélique. Avoir passé 27 ans dans une prison avec ses compagnons de lutte, en sortir et refuser de se venger, de faire payer aux oppresseurs d’hier le mal qu’ils lui ont fait, cela relève d’un ange. Et second point, être le père de la nation et n’exercer qu’un seul mandat alors qu’il aurait pu, comme ses collègues d’Afrique noire, devenir un tyran corrompu, voilà qui tranche avantageusement par rapport à la pratique habituelle. C’est donc un homme hors du commun, un être absolument extraordinaire qui nous quitte. Même dans sa vie privée, il a su faire la part des choses et accorder son pardon. Lorsqu’il se rendit compte de ce qu’avait son épouse Winnie alors qu’il se trouvait en détention, il se contenta d’en divorcer mais a tenu à la protéger , même de loin, notamment après de graves accusations qui pesaient sur elle… Et puis il y a aussi cet amour des enfants, de tous les enfants quelle que soit la couleur de leur peau.
Certes, on peut aussi dire qu’un certain calcul sous-tendait toute son action. Il savait qu’il n’était pas capable de diriger un tel pays, que sans les Blancs l’Afrique du sud ne serait pas allée bien loin, que l’économie était à terre et que les lois de la vie internationale requéraient d’autres compétences… Cela aussi est vrai. Mais ne suffit pas à détruire le mythe.
Je ne cacherai pas que je suis un peu contrarié de voir ce tintamarre médiatique autour de la dépouille mortelle d’un grand homme. Impossible d’ouvrir un journal, d’écouter une radio ou de regarder une télévision sans tomber sur de telles obsèques. Chacun, même parmi les hôtes étrangers, va tenter de tirer la couverture à lui. On ne devrait pas se servir d’un mort. Les morts sont sacrés, intouchables.
Mais lorsque tout ce ci se sera évanoui, c’est bien connu, tout finit par passer, les Sud africains se retrouveront seuls face à eux mêmes. Et ils n’auraient plus cette statue du commandeur au-dessus de leur tête.
Ce sera l’heure de vérité : sauront-ils préserver l’héritage de Mandela ? Nous verrons bien.