Le premier ministre turc à Bruxelles
M. Erdogan n’a pas laissé un souvenir impérissable de son passage à Bruxelles. Celui que ses nombreux adversaires politiques nomment en Turquie le sultan, pour bien montrer qu’il gouverne le pays comme jadis on gouvernait l’empire ottoman, aura montré au président de la Commission Européenne de quel bois il se chauffe. Alors que la police judiciaire de son propre pays enquête durablement sur des scandales politico-financiers qui l’ont contraint à remanier profondément son gouvernement, tant ils impliquaient ses proches, le sultan a réagi conformément à sa nature : il a mis à pied des dizaines de policiers et de magistrats, les accusant d’instrumentaliser contre lui un complot ourdi depuis l’étranger. Et comme l’Etat d’Israël est devenu sa bête noire, il y voit la main du sionisme et de milieux qui lui sont proches. Ce ne sont pas encore les protocoles des sages de Sion.. mais soyons patients. C’est vraiment désolant. Je me souviens qu’il y a quelques années un premier ministre de la Malaisie avait assisté impuissant à la chute catastrophique de la monnaie de son pays ; eh bien, au lieu de s’en prendre à une économie mal dirigée, il s’en prit à la juiverie internationale qui, dit il, domine les milieux bancaires internationaux.
Nous n’en sommes pas là avec M. Erdogan, mais comme le soulignait le journal Le Monde dans un récent éditorial, le premier ministre turc qui fut jadis joueur de football fait le match de trop (verbatim)… Le cours en zigzag de la politique étrangère turque montre que l’homme est trop impulsif. Alors que son armée (dont il se méfie) coopérait fructueusement avec l’Etat hébreu où s’entraînaient ses aviateurs et ses parachutistes, il met fin bruyamment à ces échanges dont son pays a pourtant grand besoin et s’allie avec les ennemis d’hier, la Syrie, qu’il finit par vouer aux gémonies, traitant son leader actuel de boucher. Alors que les USA protègent son pays, membre de l’OTAN, depuis des lustres, il les accuse de pactiser avec un célèbre opposant particulièrement puissant en Turquie, M. Güllen. Pour M. Erdogan, un pays qui abrite son adversaire politique et qui ne fait que respecter le droit des gens, est nécessairement contre lui et devient son ennemi.
Comment voulez vous admettre son pays au sein de l’Europe ?
Que l’on nous comprenne bien : la Turquie est un grand pays et les Turcs une grande nation. Mais l’Europe, c’est autre chose, c’est plus une culture qu’un continent. Ce pays peut jouer un rôle en Asie centrale où d’anciennes républiques soviétiques musulmanes seraient ravies de coopérer avec elle. Pour adhérer à l’Europe, il faut partager un minimum de valeurs communes. Alors, encore un effort, Monsieur le Premier Ministre !