Les tristes résolutions du sommet des Etats arabes au Koweït
Il est difficile de croire à un printemps arabe lorsqu’on prend connaissance des résolutions adoptées ou plutôt des irrésolutions survenues lors du sommet arabe à Koweït city. On se défend mal de l’impression d’un vaste retour en arrière, une replongée dans une époque que l’on croyait définitivement révolue. Cela rappelle les quatre non de Khartoum qui tournaient le dos au réel. On sait ce que cette politique est devenue…
En effet, sur aucun point d’actualité brûlante, les Arabes enfin réunis, n’ont pris de décision marquante ni fait d’avancée significative. Je relève ici trois sujets : la clarification de la position du Qatar qui fait une politique en zigzag, la situation en Syrie où l’opposition armée réclame une pleine reconnaissance et des armes sophistiquées et enfin les négociations de paix entre la Palestine et Israël.
Le Qatar avec sa télévision al-Jazeera joue double jeu, peut-être même bien plus. Il encourage les intégristes au Mali et ailleurs, s’en prend au régime syrien, fréquente Israël dans les coulisses tout en aidant le Hamas à survivre à Gaza, pactise avec les USA tout en soutenant leurs ennemis, bref une sorte de finasserie élevée au niveau d’une diplomatie d’Etat… Comprenne qui pourra, et même le changement d’émir n’a pas apporté de clarté, notamment aux yeux du puissant voisin, l’Arabie Saoudite, qui scrute l’œil inquiet de telles dérives…
Les relations avec le régime de Bachar el Assad sont empreintes d’une ambiguïté encore plus grande. On se souvient des déclarations tonitruantes du père de l’Emir actuel qui rêvait de fêter la fin du ramadan à Damas, sur les ruines fumantes du palais de Bachar… Aujourd’hui, le sommet accueille l’opposition et lui permet de s’exprimer sans toutefois lui accorder le siège réservé au régime. C’est que Bachar s’est révélé plus coriace qu’on ne le pensait. Il a regagné du terrain, il reconquiert les positions perdues les unes après les autres et il n’est pas déraisonnable de penser qu’il se maintiendra au pouvoir en juin prochain. L’appui irano-palestino-russe se révèle décisif. Il y un peu moins d’un an, ce blog a été l’un des premiers à signaler que Bachar reprenait confiance et que les atermoiements des USA avaient prolongé sa longévité. Le recul US s’explique par la même attitude des Arabes à l’égard des mouvements de contestations armées : on ne veut pas confier des armes sophistiquées à des groupes islamistes comme al-Nosra. A quoi bon remplacer un extrémisme par un autre qui serait bien pire ?
La troisième inconséquence de ce sommet dont les Etats arabes semblent avoir le secret : ils ont dit non à la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif. En agissant ainsi, les membres de ce sommet ne rendent pas service à la paix ni même aux Palestiniens. L’Etat d’Israël a toujours été considéré comme un Etat juif, c’est la raison de sa création et de son existence. Méconnaître une telle vérité est très grave et dénote un refus du principe de réalité (Realtätsprinzip). C’est donc un mauvais signal. Mahmoud Abbas avait déjà des difficultés, non seulement financières mais aussi politiques, notamment avec le Hamas, eh bien le sommet du Koweït lui complique singulièrement la tâche…
C’est regrettable.