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Sainteté et diplomatie: le voyage du Pape François au Proche Orieny

Sainteté et diplomatie ; à propos du voyage du pape François au Proche Orient

Au moment où je commence à rédiger, le Pape François et son hôte palestinien viennent d’achever leurs brèves allocutions respectives.  En dépit de toutes les précautions oratoires, de toute cette volonté de ne froisser personne, de ne décevoir personne, de répondre aux attentes de chacun, on ne peut pas attendre des miracles de cette visite, si importante en soi et que de notre part, nous saluons avec respect. Sans en attendre grand chose.

Le pape François a prononcé une belle homélie sur la paix. Mais il a aussi insisté sur la nécessité de protéger les Chrétiens d’Orient, d’accorder la liberté à chacun de pratiquer son culte. Et il a maintes fois répété que les Chrétiens d’Orient doivent être traités de façon égale et équitable en terre d’Islam.

Voyez le titre sainteté et diplomatie, voilà un couple de termes absolument inconciliables, en latin on dirait contradictio in adjectio, une contradiction dans les termes mêmes. La diplomatie, c’est l’art de ne jamais dire non, de dire peut-être quand on pense non, de dire oui quand on pense peut-être, car si on dit non, on n’est pas diplomatique. Or, la sainteté représente tout le contraire, et comme ici bas nous avons affaire à une impossible sainteté, cela ne marche simplement pas. Comment dire aux Arabes ce qu’ils veulent entendre, sans se mettre à dos les Israéliens, qui, soit dit hélas en passant, viennent de perdre encore deux de leurs concitoyens, victimes d’un attentat dans le musée juif de Bruxelles, capitale de l’Europe ? Comment voulez vous commencer de bâtir de nouveaux rapports dans de telles conditions ?

Certes, si l’on écarte les bondieuseries et les pieuses naïvetés, on se rend compte que le pape poursuit aussi un objectif plus personnel (et qui pourrait le lui rapprocher ?), celui du sort des Chrétiens d’Orient dont la situation est déplorable tant en Irak, qu’en Syrie, en Palestine et ailleurs dans le monde islamique. Il vous suffit d’écouter discrètement les conversations de Libanais chrétiens dans des cafés de la place Victor Hugo à Paris pour comprendre leurs peines, leurs craintes et leur espérance.. Comme ils hurlent généralement dans leurs portables en parlant avec leurs familles demeurées à Beyrouth, on se rend compte, quand on sait bien l’arabe, que le pays du Cèdre n’est plus vraiment un paradis pour les Chrétiens.. Le pape François devait donc soigner les apparences et presque donner des gages aux Palestiniens qui, c’est de bonne guerre, tentent d’exploiter au mieux cette visite très médiatisée pour attirer l’attention de l’opinion publique internationale.

Mais si cela pouvait faire avancer l’espoir, nul n’y trouverait à redire. Hélas, ce n’est pas le cas.

Cette visite comporte donc des arrière-pensées qui montrent que même la diplomatie vaticane ne parvient pas à introduire victorieusement l’ingrédient de la sainteté dans sa démarche qui n’est pas toujours purement apostolique. Certes, nul n’a oublié la phrase provocatrice de Staline : Le pape, combien de divisions ? Il peut se retourner dans sa tombe aujourd’hui en voyant ce qu’est devenu son empire bâti sur le sang, la mort et l’oppression tandis que la parole du Dieu vivant continue de résonner d’une bout à l’autre de l’univers, d’émouvoir et de toucher au plus profond d’eux-mêmes des dizaines de millions de Russes…

Le Saint Siège a une voix et une voix qui porte. Mais dans ce problème du Proche Orient cela ne suffit pas, hélas. Depuis des décennies que ce conflit existe, on n’a pas vraiment avancé. Les Israéliens savent très bien qu’en cas de difficulté ils se retrouveront toujours seuls face à leurs ennemis qui, en dépit des apparences, ne font que retarder le moment décisif, celui où une marée étrangère tentera de les engloutir. Israël ne veut plus se retrouver seul à enterrer ses morts.

Que l’on me comprenne bien : je résume ce que pensent les Israéliens au fond d’eux mêmes et je ne crois pas qu’ils se trompent. Bien au contraire. Même les plus progressistes parmi eux ne comprennent pas que Mahmoud Abbas se mêle de la nature de leur Etat, un Etat-nation des juifs, donc un Etat juif. Face à ce micro Etat, certes devenu une super puissance régionale, il y a de nombreux Etat arabo-musulmans qui ne s’embarrassent  guère des règles de la séparation entre la politique et la religion.

Que peut faire le pape dans cet imbroglio ? Tout d’abord, s’intéresser aux Chrétiens d’Orient, principale motivation de son voyage, les encourager à rester sur place, ne pas quitter cette région qui vit naître Jésus (un Juif, l’Eglise l’a maintes fois oublié, hélas)) et où le christianisme fit ses premiers pas. Or, au train où vont les choses, ce territoire sera bientôt christenrein en raison du fanatisme de certains.. Seul l’Etat d’Israël constitue une heureuse exception.

Il y a aussi un autre élément qui sert d’arrière-plan à la visite du Saint Père : c’est le statut des Chrétiens en Israël. Ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui considèrent qu’ils n’ont rien à voir avec l’arabité, qu’Israël les traite bien, que c’est leur pays et que, par conséquent, ils doivent le défendre les armes à la main, comme les Druzes et le Bédouins (deux types de citoyens qui forment l’ossature du corps des garde-frontières de Tsahal). Et il s’agit d’un corps d’élite de l’armée israélienne… De jeunes chrétiens veulent donc servir dans l’armée, ce qui ne fait pas l’affaire des Arabes israéliens lesquels y voient une tentative de division de leur camp, celui du refus et de la négation du caractère sioniste d’Israël…

Lorsqu’il sera à Jérusalem, donc dans la capitale de l’Etat d’Israël, le pape François que je trouve personnellement fort sympathique et qui a invité au sein de sa délégation son collègue et ami le grand rabbin d’Argentine, va tenir un autre discours, d’une autre teneur, tout en exhortant à la paix.

Le pape François a eu la sagesse de reprendre la belle allégorie du vieux prophète hébreu Isaïe (VIIIe siècle avant notre ère) qui recommandait aux nations de transformer leurs glaives en socs de charrues et leurs javelots en serpes. La guerre sera déclarée hors la loi, voilà le véritable ancêtre du pacte Briand-Kellog…… Cela prouve une nouvelle fois que le peuple d’Israël a toujours chéri et recherché la paix. Aujourd’hui, on ne saurait lui demander de s’autodétruire par amour de cette même paix…

Je ne pense pas que ce déplacement sera stérile, mais je n’en attends pas grand chose car on ne dit pas suffisamment aux Arabes ce que sont les droits inaliénables du peuple juif sur cette terre qui a vu naître Jésus qui y a vécu, prêché et trouvé hélas la mort, à la suite d’un verdict prononcé et appliqué par les Romains.

Une fois de plus, les juifs ont perdu l’un des leurs et pas n’importe lequel. Il ne serait pas inutile qu’on en portât aujourd’hui aussi témoignage.

Ou bien devons nous en conclure que la sainteté n’est vraiment pas de ce monde ?

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