Les enseignements à tirer de cette confrontation armée entre Tsahal et le Hamas
Il peut paraître insensé de tirer des enseignements d’un conflit qui repart de plus belle comme un bûcher menaçant. Et pourtant on peut s’y risquer, tant les conséquences de cette confrontation qui risque de durer encore assez longtemps, sont graves.
Voyons en premier lieu le champ de bataille : pendant toutes ces années non pas de paix ni de tranquillité mais d’un simple cessez le feu (jamais respecté à cent pour cent), le Hamas a mis au point, sous la férule de ses instructeurs iraniens, une militarisation de la bande de Gaza sans égale. Apparemment, les services israéliens , pourtant réputés parmi les meilleurs, n’ont rien vu, pas même les multiples tunnels aboutissant dans leur propre territoire : apparemment, ils n’ont pas tiré les leçons de l’aventure de Gilad Schalit, lequel avait été enlevé justement par un commando du Hamas entré en Israël par cette voie souterraine. Le creusement de ces tunnels parfois à plus de 20 mètres sous terre n’a jamais attiré l’attention ; or, il fallait des tonnes de béton, des excavatrices, des wagons pour évacuer le sable et les pierres, introduire des madriers et de tiges de soutien des parois, installer un minimum d’éclairage, etc… bref, tout une économie souterraine qui ne faisait pas passer de l’Egypte voisine, uniquement des denrées alimentaires.
Certes, il ne faut pas accabler les services israéliens car durant le bref intermède islamiste, incarné Mohammed Morsi, les tunnels avec l’Egypte ont été saturés d’armes et de munitions, avec la bénédiction des islamistes qui fermaient les yeux : au cours de ce temps là, le Hamas a pu se renforcer, sans qu’Israël n’ait pu élever la moindre protestation puisque les islamistes au pouvoir n’auraient rien fait et même auraient tout nié en bloc.
Deuxième point, les missiles et les obus de mortier. Bien qu’ils soient encore très loin de la perfection, les artificiers et les armuriers du Hamas ont, hélas, réalisé, d’incontestables progrès, au point que même sous un tapis de bombes, leurs machines de guerre ont continué à fonctionner, soumises à une mise à feu télécommandée dans des centres de commandement souterrains. La même chose pour leur système de transmission et de communication, Ni Tsahal ni son armée de l’air, ni même ses espions infiltrés dans les rangs mêmes du Hamas n’ont atteint leur objectif.
Benjamin Netanyahou a mis trop de temps à décréter l’offensive terrestre car on sait aujourd’hui que les engins lance-missiles sont enterrés et ne peuvent être vraiment neutralisés que par des hommes sur place. L’aviation, malgré sa toute puissance, en est incapable. La meilleure preuve est fournie par la capture par les unités d’élite de Tsahal de près de vingt membres du Hamas qui sont interrogés et donnent des informations aptes à mieux savoir comment fonctionne ce lacis de souterrains où les islamistes stockent leurs armes.
Que faire aujourd’hui ? L’état-major israélien a compris qu’il lui fallait démanteler entièrement cet arsenal qui menace la paix et la sécurité de tout Israël et bien au-delà. La réaction la plus inattendue est venue d’Egypte qui a encore dû subir des attaques des islamistes contre ses soldats, à la lisière de la frontière avec la Libye : plus de vingt soldats ont péri, sans compter d’autres attaques perpétrées contre l’armée égyptienne en plein cœur du Sinaï. Non seulement le maréchal président a téléphoné à B. Netanyahou, mais il a détruit maints tunnels d’approvisionnement avec son pays, bloqué à la frontière de Rafah des centaines de partisans du Hamas, venus soutenir leurs frères d’armes, et même proposé un pacte de cessez le feu ouvertement en faveur d’Israël, ce qui a conduit le Hamas à se tourner vers d’autres, plus compréhensifs, comme la Turquie et le Qatar.
Ceci me conduit à aborder l’aspect internationale de la crise : les USA de Barack Obama sont absents du conflit. Certes, hier Obama a redit le soutien de son pays à Israël et son droit à exercer une légitime auto-défense. Mais on sent bien que l’homme ne fait que réciter un couplet de circonstance et que sa fin de mandat n’est vraiment pas fulgurante. Cet homme peine à redonner du souffle à son pays et a les yeux tournés vers la Chine et l’Asie. En revanche, les Britanniques ont soutenu Israël fermement, de même que l’Allemagne qui s’interdit, et pour cause, toute démarche hostile envers l’Etat juif. Reste la France dont les hésitations provoquent l’émoi de ses habitants, qu’ils soient juifs ou pas, surtout en ce jour anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv à laquelle Jacques Chirac avait jadis donné un éclat particulier.
Et puisque nous parlons de la France, évoquons les récents débordements antisémites d’une frange bien définie de la population. Ses militants ont enfreint la décision des autorités et ont violemment manifesté hier à Paris Auparavant, ils avaient déjà crié dans les rues leur terrible slogan : Mort aux juifs (sic) ! Les autorités ont certes réagi, mais pas vraiment avec la rigueur et la célérité qui auraient convenu. Les éditorialistes ont parlé d’exutoire de toutes les frustrations d’une jeunesse en désarroi, écartelée entre deux appartenances et en gésine d’une cause, celle des Palestiniens, à laquelle elle pourrait s’identifier et qui lui permettrait de manifester contre un système qui la maintient à la lisière de tout…
Il est indéniable que de telles manifestations, non réprimées alors que non autorisées, auront des conséquences immenses : la France va se vider de ses juifs qui l’aiment et ont toujours cru en elle. Tous les gouvernements ont voulu croire à une politique d’intégration de personnes qui jouxtent les dix pour cent de la population totale, c’est à dire du corps traditionnel français. Dans un excellent article paru dans le journal Le Monde, Arno Klarsfeld a fait l’historique de cette dégradation des relations : l’affaire Merah, le meurtre d’Ilan Halimi, les agressions de juifs dans l’espace public, les prêches violemment antisémites de quelques prédicateurs que l’on tarde à expulser du territoire national, etc… Cela commence à faire un peu trop. Et ce ne sont pas de timides remarques condamnant l’importation ici même du conflit du Proche Orient qui changeront quelque chose.
En cette journée solennelle de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv où l’on combat la barbarie, le gouvernement doit sortir de sa torpeur. Il faut se représenter ce que cela signifie pour les juifs français d’entendre qu’on appelle à leur meurtre. Déjà, dans certains milieux, on remet sur la table le débat d’il y a quelques années : les juifs ont ils encore un avenir en France ?
Personnellement, j’aime la France, je suis un philosophe et un écrivain français et je suis même, me dit-on, l’un des plus jeunes commandeurs de la légion d’honneur.
Mais moi aussi, aujourd’hui, je me pose des questions. Et il serait bon pour tous que des réponses fussent enfin apportées.
Faute de quoi il serait trop tard.