Chronique d’Israël (2)
Au rythme où vont les choses dans la région, il semblerait bien que je me sois trompé en annonçant la chute du Hamas, son affaiblissement notoire et son désir de signer un long cessez le feu, contraint et forcé. C’est le contraire qui s’est produit, pourtant je ne me suis pas trompé car c’est sous la pression du Qatar, furieux d’avoir été écarté de la négociation par l’Egypte et Israël, qui a menacé Khaled Mach’al d’expulsion s’il ne faisait pas capoter les négociations et s’il ne reprenait pas les hostilités contre Israël.
Le Qatar joue un jeu dangereux et il est hautement improbable qu’Israël oublie ce fâcheux incident. Mais ce qui me frappe le plus, ce n’est pas le comportement erratique d’un jeune Emir qui croit pratiquer une politique étrangère à coup de milliards, mais plutôt l’impavidité de la population d’Israël, face à ce qui se passe dans le sud du pays. Je me suis promené à Tel AViv, à Herliya, à Natanya, les cafés et les terrasses des restaurants sont pleins à craquer, la population se prélasse au soleil, les mariages, les bar mitzwot se multiplient. Certes, quand je suis descendu d’avion à Ben Gourion, j’ai bien vu des pancartes indiquant où se trouvaient les abris en c as d’attaque, mais guère plus. Pas un passager ne pressait le pas, pas l’ombre d’une inquiétude, rien.
Lors de leur grand rassemblement à Tel Aviv sur la place Rabin qui avait mobilisé des dizaines de milliers de personnes, certaines pancartes arboraient l’inscription suivante : une alerte rouge (tséva’ adom) à Sdérot a la même importance qu’une alerte rouge à Tel Aviv. Cela se passe de commentaire. Les habitants de cette région méridionale se sentent abandonnés par le gouvernement, il faut le dire et le souligner : ils ne comprennent pas les raisons de la retenue gouvernement qui ne donne pas les ordres qu’il faudrait à Tsahal. Il y a un peu moins d’une semaine, certaines rumeurs ont fuité (sic) de la part du haut commandement qui se lamentait de ne pas recevoir d’ordres clairs, ajoutant même qu’il s’était agi d’occuper toute la bande côtière, en une semaine l’affaire aurait été bouclée, mais il y aurait eu plus de victimes parmi les soldats..
Il y a dans ce pays un certain flegme qui n’a rien de britannique mais qui est imposé par les faits. C’est ainsi, un pays qui, depuis sa naissance, n’a jamais connu un seul jour de paix véritable. Les gens vivent entre deux guerres, deux attaques, deux menaces, un peu comme un promeneur, surpris par la pluie, passe entre les gouttes pour éviter d’être trempé.. Et on finit par se dire, eh bien qu’ils bombardent le sud. Cela passera et le dôme de fer fera le reste… Mais les habitants de la zone méridionale du pays ne l’entendent pas de cette oreille. Hier, los du dîner au bistrot Jacky, le serveur m’indiquait que Sdérot subit les attaques depuis 14 ans. Et cela devient insupportable. En effet, qui peut mener une vie normale dans de telles conditions ?
La reprise des attaques sur Israël depuis avant-hier a influé sur la stratégie du grand Etat major de Tsahal. Ce matin, on apprenait que les forces armées ont neutralisé trois chefs militaires des terroristes à Gaza, l’incertitude règne, par contre, sur le sort de Mohammed Dief qu’Israël avait maintes fois tenté de tuer par le passé. Est-ce à dire que le gouvernement s’est décidé à frapper le Hamas à la tête, voyant qu’on ne pouvait rien attendre de la direction politico-militaire du Hamas ? Rien n’est à exclure.
En fait, la signature d’un long et authentique cessez le feu eût été une bonne chose pour Gaza dont la population aurait alors bénéficié d’une vie plus calme et l’on aurait estimé plus vite les besoins de la reconstruction. La chose n’est pas impossible, ce n’est pas la quadrature du cercle et la majeure partie des pays arabes limitrophes accepte la neutralisation du Hamas, sans oser le dire. L’Egypte, elle, a de sérieuses raisons d’en vouloir aux terroristes du Hamas qui ont prêté la main aux frères musulmans de l’autre côté de la frontière. Au fond, la guerre à Gaza a servi de révélateur.. Elle a aussi dessiné la carte du Moyen Orient de demain.
Je reviens de Herzliya où aucun signe de tension n’était perceptible, comme si le pays n’était pas en guerre et que les missiles tirés contre la partie sud d’Israël ne représentaient aucun danger significatif. Nous avons déjeuné avec une famille qui part dans la nuit vers les USA où leurs enfants vont poursuivre leurs études. A ma question concernant les menaces du Hamas de bombarder l’aéroport Ben Gourion, j’ai reçu pour toute réponse un gros éclat de rire. Et de retour à Natanya, de là où je suis, -je peux contempler une mer magnifique dont les rivages sont noirs de monde. Il faut dire que la chaleur bat des records. Je comprends la rancœur des gens du sud qui se trouvent confrontés aux attaques.
Y a-t-il une issue à ce conflit qui dure depuis si longtemps et que nul n’est encore parvenu à résoudre ? J’écoute la deuxième chaine israélienne qui donne des informations en continu : l’Etat d’Israël en reste à sa décision première : le calme contre le calme, la guerre contre la guerre. Et ils ajoutent : on verra qui se fatiguera le premier, de nous ou d’eux. Et c’est probablement pour donner un avertissement qu’hier soir et ce matin très tôt, l’armée de l’air a ciblé et neutralisé trois importants officiers de la branche armée du Hamas dont il fut question plus haut.. Le doute subsiste quand à Mohammed Dief dont les membres de sa famille sont donnés pour morts. Mais est ce la solution au problème ?
En écoutant la chaîne israélienne francophone, on peut comprendre que l’on était très proche d’un cessez le feu mais que le Qatar, comme je le disais plus haut, a exercé des pressions pour rallumer le conflit..
Mais ce Proche Orient est la région des surprises. Qui sait ? Tout peut arriver. Et nul n’est à l’abri d’une bonne surprise. Les choses peuvent changer du tout au tout en un temps record.
MRH