Le dilemme d’Ankara : l’Etat islamique ou les autonomistes kurdes ?
Il aura fallu ce terrible attentat attribué à l’E.I pour que Ankara choisisse son camp, et encore pas d’une manière officielle ni visible. Le nombre de victimes est si élevé que plus aucun doute n’était permis. Le président Erdogan a enfin compris qu’il lui fallait sortir de cette zone grise dénoncée par les USA et les Occidentaux : les Turcs permettaient à l’EI de transporter à travers la frontière armes, combattants, ravitaillements, bases arrière, hôpitaux pour soigner ses militants, recrutements de combattants de tous les pays du monde… Sans la bénédiction d’Ankara, l’EI n’aurait jamais pu tenir jusqu’à aujourd’hui.
L’attentat a jeté Ankara dans les bras des USA et du front anti EI. Désormais les Américains pourront utiliser une base aérienne très proche de la Syrie, ce qui va décupler leurs possibilité d’intervention. Les Turcs eux-mêmes ont bombardé hier dans la nuit des positions tenues par les rebelles, ce qui va changer le cours de la guerre.
Ce double jeu turc s’explique par un seul facteur : la Turquie ne veut pas d’une province kurde autonome à cheval sur trois pays : la Turquie, l’Irak et l’Iran. D’où son jeu trouble du temps où Kobané luttait désespérément pour sa survie, d ‘où l’interdiction faite aux combattants kurdes de soutenir leurs frères de l’autre côté de la frontière. Sans les frappes de l’US Army, les Kurdes n’auraient jamais pu reprendre cette ville. Et encore, on a vu que l’E.I. a lancé une offensive contre la ville martyre, tuant plus de deux cents civils.
Est ce que la politique turque va changer ? C’est peu probable tant la question kurde est importante aux yeux d’Ankara, elle menace même, potentiellement, l’unité du pays.
On peut les comprendre. Mais il faudra bien un jour prendre le taureau par les cornes et régler cette question kurde de manière civilisée. La Turquie est une grande nation, certes sur le déclin depuis des décennies mais elle pourrait mieux intégrer les Kurdes et concéder plus de place à l’identité kurde, partie inséparable de l’identité turque ou ottomane.
Mais pour cela il faudrait que M. Erdogan reconsidère ses positions et rompe avec l’islamisme, même modéré. Mieux vaut prendre l’initiative que de se voir prochainement imposer des choses.
Rien n’est pire que les espaces gris, il faut choisir son camp. Ankara y a mis du temps. Et maintenant il faut agir.