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Les insaisissables subtilités de la diplomatie française

Les insaisissables subtilités de la diplomatie française

C’est acté, c’est décidé, l’armée de l’air française va attaquer l’Etat Islamique en Syrie, contrairement à la stratégie préalablement adoptée par le chef de l’Etat. Il faut remarquer un certain nombre de paradoxes savoureux dont se nourrit cette diplomatie. Ce n’est pas du persiflage, mais une nouvelle fois, plutôt la preuve que les outils ou les moyens de cette puissance moyenne qu’est devenue la France ne sont guère adaptés aux ambitions internationales qu’elle affiche.

On se souvient de la décision du président Fr. Hollande de s’en prendre au régime syrien et de bombarder le quartier général des forces loyalistes syriennes. Et le Président Obama, à la dernière minute, avait contraint la France à stopper net ses plans d’attaque .

C’est la preuve que les puissances occidentales ne peuvent rien faire dans aucune partie du monde sans l’aval des USA. Ils sont les plus forts et exercent le leadership mondial. B. Obama l’a rappelé sans ménagement à l’aide d’une métaphore dont ses compatriotes sont assez friands : ce n’est pas parce que nous avons le plus gros marteau que tous les problèmes qui se posent à nous sont des clous… En d’autres termes, c’est à nous de décider quand et où nous devons et voulons frapper !

Si l’on compare les frappes françaises à celles des Américains (que l’on se rassure, aucune ne mettra l’E.I. à genoux), la disproportion est indéniable… Mais ce qui est assez amusant, c’est d’entendre le Premier Ministre insister sur l’indépendance de la décision française. Après tout, un peu de cette ancienne phraséologie gaulliste ( l’indépendance nationale, une certaine idée de la France) ne peut pas faire de mal dans un vieux pays où le sentiment anti-américain n’a pas entièrement disparu.

Là, par contre où l’on se pince le nez pour s’assurer qu’on ne rêve pas, c’est quand on entend Manuel Valls dire que l’on n’est pas l’ami du régime syrien, que Bachar est le boucher de son peuple, etc… etc…

Certes, ce monstre barbare n’est pas notre ami ; mais si  la France effectue des frappes sur les territoire syrien, un minimum de coordination avec les troupes syriennes est indispensable, incontournable. Je ne dis pas qu’on va soutenir Bachar mais inéluctablement, objectivement parlant, on lui donne un coup de main car son armée, réduite à la portion congrue, est à bout de souffle et que, pour prévenir l’effondrement du régime, V. Poutine a envoyé de substantiels renforts.

La situation est très complexe. C’est vraiment choisir entre la peste et le choléra. Mais cela évoque une situation qui s’était présentée au cours de la seconde guerre mondiale : David Gourion, le leader historique du sionisme en Palestine mandataire, fut confronté à un dilemme semblable : d’une part, les Nazis qui effectuaient un génocide des Juifs d’Europe alors que les Britanniques, puissance mandataire, interdisaient l’entrée des Juifs dans leur patrie ancestrale…

Que faire ? Voici ce qu’à dit Ben Gourion : tant que la guerre sévit en Europe, nous sommes aux côtés des Britanniques contre les Nazis qui exterminent nos frères. Quand la bête immonde sera vaincue, nous nous occuperons des Britanniques qui empêchent nos frères rescapés du génocide d’entrer en Terre promise…

C’est exactement ce qu’il faut faire dans le cas de la Syrie : Daesh menace le monde dans son ensemble, et donc aussi la France. Il faut s’allier, même au diable, pour le vaincre. Une fois le danger écarté, il faudra stabiliser la Syrie, laquelle ne ressemblera plus à celle de Bachar ; on voir mal le boucher de Damas reprendre la main pour continuer à tyranniser son peuple.

Mais de grâce que le gouvernement français cesse de nier les évidences. On ne peut pas intervenir dans le ciel syrien, sans au moins l’aval des Russes ou des généraux de Bachar…

Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du  16 septembre 2015

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