Nicolas Sarkozy / «L’insupportable culpabilisation des Européens et des Français.»
Cette phrase est tirée d’un article du Figaro de cette semaine. Elle dénote une prise de conscience, elle marque un éveil à une certaine réalité : la chute du moral des Européens, insatisfaits de leur histoire, de leur civilisation et de leur religion… Une sorte de haine de soi généralisée, dont Théodore Lessing a lancé l’idée en 1939 dans un ouvrage qui a fait date et qui fut traduit et réédité maintes fois chez Pocket.
La haine de soi est avant tout l’expression exacerbée d’un violent et profond malaise. Un mal-vivre, une honte face à son histoire et à son identité. Ce sentiment gagne non seulement la France (mais si elle est plus atteinte que d’autres) mais l’ensemble des pays de l’Union Européenne.
C’est aussi un malaise identitaire, j’ai presque envie de rependre le titre du fameux livre de S. Freud, Das Unbehagen in der Kultur, que tous les lycées de France et de Navarre ont lu et tenté de comprendre en classe terminale. Mais aujourd’hui, le mal est autrement plus grave et les hommes politiques, même les mieux armés et les plus expérimentés peinent à apporter des réponse car il y a un décalage entre la course effrénée après le confort et l’aisance matériels, d’une part, et l’éclairage spirituel ou religieux, d’autre part. Le résultat ne s’est pas fait attendre : dès que la crise économique a renforcé son emprise sur des continents entiers et que le chômage est devenu endémique, les hommes et les femmes sont soudain découvert la vacuité de leur existence et la nudité de leur âme. Pendant des décennies on ne s’est pas une seule seconde occupé de cette âme, celle de chaque individu, celle du monde, (Weltseele), celle de l’Europe. Confrontées à ce malheur, les populations européennes se sont mises à détricoter leur passé, elles l’ont récusé, rejeté sans discernement, créant sous leurs pieds un abîme dans lequel elles sombrent depuis des décennies.
L’ancien chef de l’Etat n’a pas tort de parler de l’insupportable processus de culpabilisation des hommes de notre continent. On oublie souvent tout le bien qui est sorti de l’Europe, même si l’esclavage et la Shoah constituent un inamovible et impérissable signe d’infamie, la flétrissure sur le front de Caïn.
Aucun autre continent n’a autant fait de découvertes ni produit autant d’œuvres de l’esprit. Et aujourd’hui, face à un afflux inconsidéré de réfugiés (les vrais et les faux), l’Europe renvoie d’elle-même une image comme d’un miroir brisé. Certes, la générosité, la solidarité avec nos frères humains sont des devoirs sacrés, mais à l’impossible nul n’est tenu. Certains observateurs intelligents ont récemment fait remarquer qu’en recevant tous ces réfugiés dès aujourd’hui, on se prive des places pour les sans abris de l’hiver prochain. Verra t on d’ici deux ou trois mois des hordes de réfugiés hanter les rues de Paris, étalant leur misère devant la presse du monde entier ?
Pourquoi donc les riches monarchies pétrolières du Golfe n’acceptent elles pas chez elles des réfugiés alors que l’Europe le fait ?
Voilà au moins une raison d’être fier de son passé et de son avenir, et de les assumer pleinement.