Les derniers secrets du IIIe Reich par François Kersaudy & Yannis Kadari, Perrin
Ce livre, si solidement documenté et si sobrement écrit, se lit comme un roman policier. En six chapitres passionnants, les auteurs relatent des aspects moins connus du IIIe Reich.
Le premier texte s’appelle T4, nom de code d’un institut d’hygiène racial e consistant à éliminer directement tous les malades mentaux et les sujets dits anormaux ou inutiles à la société, selon les Nazis. Des vies qui sont inutiles à la Vie. T4 signifiait simplement la Tiergartenstrasse au numéro 4.. Après avoir assassiné plus de 70.000 personnes, les Nazis durent opérer plus discrètement, suite au sermon violemment antinazi d’un évêque à la fois courageux et célèbre qui dénonçait leurs pratiques honteuses
On sait que Hitler rêvait de se construire une capitale dont le luxe et la majesté feraient pâlir de honte et d’envie, Londres et Paris.. Avec son architecte préféré A. Speer il échafaudait d’innombrables plans dont la concrétisation devait durer jusqu’en 1950 ! On apprend en lisant ce second texte que le Führer se prenait vraiment pour un architecte doué et inventif. La ville devait s’appeler Welthauptstadt Germania. Mais en se suicidant dans son bunker souterrain Hitler a laissé un amas de ruines.
Le troisième texte, probablement le plus palpitant, se fait l’écho d’une incroyable ruse de guerre, appelée la forteresse alpine : on fit courir le bruit que le Reich, conscient de sa fin prochaine, avait construit un Reich souterrain au pied des montagnes, stockant dans des galeries souterraines des armes, des vivres et des munitions afin de se soustraire à l’emprise de l’ennemi et de rebâtir un Reich invincible. Cette légende, ce mythe ont intrigué les états majors alliés qui ont failli se laisser prendre, déviant de leur route qui devait les conduire directement à Berlin. Cette légende a réapparu récemment en territoire polonais où des promeneurs prétendirent avoir découvert , dans une immense galerie souterraine, tout un train (celui d e Goering ?) chargé d’armes et de tableaux de maîtres… Cette histoire a fait long feu, même si l’on sait que les Nazis avaient bel et bien caressé le projet, à la veille de leur chute, de reprendre la main.
Le texte suivant, portant le nom de code de loup-garou (Werwolf) consistait justement à former une armée de résistants qui attaquerait les arrières des troupes d’occupation en Allemagne. C’est Himmler qui en eut l’idée et qui la fit avaliser par Hitler. L’état major allié dut mettre les soldats en garde contre de telles pratiques qui firent quelques dégâts. Certains Allemands qui avaient accepté de collaborer avec les alliés, en étant maire ou officier d’état civil, le payèrent de leur vie.
On lit aussi un texte sur les idées que Hitler se faisait des USA où les limites de ce grand dément criminel apparaissent nettement : alors que c’est la machine de guerre US qui permit au Royaume Uni de tenir et de mettre à genoux finalement le Reich, Hitler imaginait pouvoir raser l’Amérique, allant jusqu’à exiger la fabrication d’avions de chasse avec un rayon d’action de plus de 4000 km…
Mais le dernier texte, celui qui est vraiment palpitant, est consacré à Martin Bormann, l’âme damnée du Führer que l’on nous décrit minutieusement comme un esprit redoutablement calculateur et manipulateur, plaçant ses hommes aux endroits stratégiques, filtrant les personnes ayant accès à son chef dont il était une sorte de secrétaire privé, sans oublier les innombrables titres qu’il s’était généreusement attribués. La question qui a passionné tant de monde, les historiens y compris, était de savoir si Bormann était mort à Berlin ou s’il avait pu s’enfuir, partir en Amérique du sud, etc… C’est incroyable ; tant de gens assuraient avoir vu Bormann dans tant d’endroits différents. Les procureurs généraux allemands ont commencé par le condamner à mort, ensuite on annula les poursuites pensant qu’on ne pouvait pas rechercher un criminel mort, le décès provoquant l’extinction des poursuites… Même s’il n’a pas fait d’études supérieures, cet homme avait d’indéniables talents d’organisateur, doublé d’un bon psychologue. Il avait su se rendre indispensable à Hitler lequel lui confiera ses dernières volontés à transmettre au Grand Amiral Dönitz. C’est dire !
Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 20 novembre 2015