La France et ses élites : le fossé ne cesse de se creuser Le refus de toute autocritique
Ce n’était absolument pas le thème de mon papier de ce matin, je pensais à tout autre chose, quand soudain les sondages concernant la relation des Français au personnel politique m’ont frappé de sidération : à des majorités écrasantes, les citoyens de ce pays rejettent leurs élites politiques, les accusent d’égoïsme foncier, d’un désintérêt total pour leurs préoccupations quotidiennes, bref de tout faire, à l’exception de ce pour quoi ils ont été élus.
Philosophe élevé à l’école plus de l’idéalisme platonicien que du réalisme aristotélicien, je pensais que ceux qui nous gouvernent avaient pour souci majeur le bienêtre général et non leur intérêt particulier, en tête duquel figure un point majeur : se faire réélire, poursuivre, même si les résultats ne sont toujours pas là… On fait tout, on est prêt à tout, même à truquer les chiffres du chômage, de la croissance, tout, pour rester au pouvoir.
Comme cette tendance est devenue générale, le public s’est entièrement détaché de ceux qui sont censés le guider, le gouverner, le servir au lieu de se servir.
Un bon mot me revient en mémoire, attribué à une mère de famille israélienne, donc dans un pays où tous se plaignent d’être mal gouvernés. Elle disait ceci : avant les élections, le mur te parle car il est entièrement tapissé d’affiches électorales promettant monts et merveilles, que tout ira mieux, qu’on rasera gratis, etc… mais après les élection c’est toi qui parles au mur…
Et c’est bien vrai : une fois qu’ils sont élus pour la durée d’un mandat, les politiques se transforment en politiciens qui ne disent jamais non mais ne font jamais rien. Il fallait entendre les réponses de J-Ch Cambadélis ce matin sur I-Télé face à Bruce Toussaint… Rien, un vide sidéral ! On a l’impression que les partis politiques sont des coques vides, qu’ils ne se renouvellent pas, que c’est toujours la même chose. Du coup, les gens ne vont plus voter et quand ils le font, ils élisent des partis extrémistes, dont le FN. Mais c’est aussi un parti qui se recentre, se rénove et devient pratiquement honorable.
Il est frappant de constater la caractère flagrant et général du rejet, voire du dégoût (le mot n’est pas de moi, il figure dans un sondage) ; et les moyennes s’étalent entre 65 et 81% ! Du jamais vu !
En France, la fracture est nette. Il y a des pépinières qui forment des gens qui passeront leur carrière ou leur vie à se détacher du peuple qui les a pourtant élus : ils ne vivent pas comme lui, ne pensent pas comme lui et pourtant le gouvernent, décident de son avenir tout en préservant soigneusement le leur…
Il faut un Nouveau Penser, il faut instiller non plus seulement une dose de proportionnelle mais plutôt un soupçon d’éthique dans la politique. Il faudrait comprendre enfin que certaines victoires couvrent de honte ceux qui les remportent et des défaites qui honorent les citoyens honnêtes qui les subissent.
Mais les politiciens peuvent dormir sur leurs deux oreilles, ce n’est pas demain que cela arrivera. Ils ont encore de beaux jours devant eux. Mais un jour le vase finira par déborder et le chemin à parcourir en sens risque d’être très , très long…