La Syrie, la Turquie et la Russie : la guerre dans la guerre…
On parle parfois d’une loi dans la loi, d’un miracle dans un autre miracle, dans le cas qui nous occupe on peut hélas parler d’une guerre dans la guerre.
En raison de la survenue dans le conflit syrien d’un nouveau belligérant, la Turquie, qui , depuis le début du conflit, n’a jamais perdu de vue ses propres intérêts. On se souvient de Kobané, il fallut toute la force de persuasion des USA et de l’UE pour que les Turcs cessent enfin de fermer les yeux sur les mouvements de Daesh, permettant ainsi aux Kurdes syriens de libérer la ville. Mais depuis près de trois jours, l’armée turque bombarde les Kurdes depuis son propre territoire ; or ces kurdes là se trouvent du même côté que Bachar et la Russie : ils avancent dans le nord de la Syrie, aidant à reconquérir des localités qui vont leur permettre de faire la jonction avec d’autres territoires du Kurdistan, ce qui nourrit le phantasme d’un ensemble autonome kurde bénéficiant de la continuité territoriale. Pour Ankara, c’est un cauchemar, c’est le souvenir de la guerre civile, c’est la phobie du démembrement. Les USA et l’UE peuvent pleurer du matin au soir, les Turcs ne relâcheront pas leur pression, ce qui risque de les mettre au contact des troupes et de l’aviation russes, provoquant une confrontation armée entre les deux pays. On en est déjà largement aux invectives, les Turcs accusant les Russes d’agir comme des terroristes lesquels leur rendent la monnaie de leur pièce avec autant de délicatesse.
Le conflit syrien va changer de nature et de configuration, ce qui a hélas échappé à l’OTAN et aux USA ; ne parlons pas de l’UE qui n’existe que sur le papier et ne dispose d’aucune force armée crédible.
Changement sur le terrain : on se rend compte que les Russes ont jeté toutes leurs forces dans la mêlée, en quelques mois ils ont rétabli la situation sur le terrain en faveur de Bachar qui n’hésite plus à dire qu’il entend reconquérir toute la Syrie, cela prendra le temps que cela prendra. Il faut bien reconnaître que Poutine a bien synchronisé l’activité de son armée avec celle de sa diplomatie : un vrai disciple de von Clausevitz ! Mais il tire surtout profit de l’incapacité proverbiale d’un Obama, véritable ombre de lui-même…
Mais ce qui est pire, c’est qu’après les Turcs les Saoudiens entrent dans la danse avec pour objectif majeur, non pas d’exterminer Daesh comme ils le prétendent, mais la volonté de réduire l’influence iranienne en Syrie Et si les choses devaient se préciser, on assisterait alors à un guerre régionale de grande envergure. Il est évident que le Moyen Orient tout entier en sortirait profondément transformé. Tous ces pays aux frontières arbitraires et imposées par les anciennes puissances coloniales vont chercher à se renforcer, ce qui va les mettre en conflit avec d’autres intérêts, notamment ceux des pays voisins. Et la question kurde va ressurgir avec violence : qui arrêtera les Kurdes victorieux sur lesquels les USA s’appuient et qui se sont révélés être les alliés les plus forts et les fiables du Pentagone sur le champ de bataille ?
Les Turcs ont compris qu’ils risquaient d’hériter d’un sérieux problème généré par la crise syrienne… Mais voilà ils font partie de l’OTAN et s’ils ont une confrontation armée avec les Russes, on risque de devoir se porter à leur secours.
Peut-on dans les prochaines décennies empêcher ou simplement retarder l’avènement d’un Kurdistan indépendant et démocratique ? C’est peu probable, les Turcs devront soit accorder une plus large autonomie, soit faire avec.
Je ne pense pas que l’actuel président soit l’homme de la situation. Surtout s’il lance sa division blindée contre la Syrie…