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Ankara, Beyrouth, Damas, Moscou, Ryad, Téhéran, Tel-Aviv, etc…

Ankara, Beyrouth, Damas, Moscou, Ryad, Téhéran, Tel-Aviv, etc…

Un nouveau Proche Orient se dessine sous nos yeux sans qu’on s’en rende vraiment compte, c’est une région où la situation d’Israël n’est plus la seule à nourrir les inquiétudes, je dirais même que la situation de l’Etat juif s’améliore considérablement en raison des rivalités régionales et ethniques internes à la culture islamique. Qu’est ce à dire ? Tout simplement que le conflit israélo-palestinien après avoir été israélo-arabe, est en train d’être éclipsé par des confrontations internes opposant entre eux la plupart de ses voisins, sans qu’Israël y soit pour quoi que ce soit…

Nous sommes en présence d’un incroyable renversement de situation au point que certains des ennemis d’hier se muent en amis, suivant l’adage suivant : les ennemis de nos ennemis sont nos amis.

C’est peut-être une retombée positive de ce qui fut abusivement appelé les printemps arabes ; ce sont des journalistes occidentaux victimes de paresse intellectuelle qui ont fait un rapprochement avec ce qui s’était passé en Europe contre la loi d’airain du régime communiste. En fait, les secousses qui ont ébranlé le monde arabo-musulman sont plutôt des révoltes sociales dont aucune n’a vraiment porté ses fruits.

Ryad et Téhéran s’affrontent en Syrie par groupes armés interposés. L’Arabie ne se cache même plus et accuse ouvertement Téhéran de menées subversives et de tentatives de déstabilisation. Pire encore, elle suspend les livraisons d’armes à l’armée libanaise au motif que cela profiterait au Hezbollah, allié de l’Iran, un Hezbollah qui paralyse la vie politique libanaise : à preuve la récente démission du ministre libanais de la justice, je crois, qui s’en plaignit publiquement. Donc, une confrontation entre des chiites et des sunnites… qui fait des dizaines de morts chaque semaine !

Mais ce n’est pas tout, Ryad a établi un axe avec Ankara qui a d’ailleurs accueilli ses avions de chasse dans une de ses bases aériennes, proche de la frontière syrienne. Ryad et Ankara ont les mêmes objectifs en Syrie : affaiblir les Iraniens et leurs alliés locaux, et notamment chasser Bachar du pouvoir. Ce qui apparaît désormais très incertain.

Et dans ce contexte, ils vont se heurter à la Russie qui semble avoir tout misé sur Bachar même si, sous peu, elle aura des problèmes avec l’Etat islamique sur son propre territoire. Poutine essaie donc de calmer provisoirement le jeu sur le terrain mais reste prêt à en découdre. L’objectif est d’affaiblir l’ennemi et de le contraindre à siéger à la table des négociations.

Le torchon brûle donc dans le camp arabo-musulman, ce qui marginalise grandement le cas du Hamas de Gaza lequel commence à être sérieusement contesté sur place. Il n’est donc pas exclu qu’il provoque l’armée d’Israël à la seule fin de se remettre en selle. Pour l’instant ses amis et ses protecteurs, les Emirats arabes unis, le Qatar et l’Arabie l’en dissuadent fortement et lui font espérer un port à Gaza à condition qu’il se démilitarise complétement, ce qui conduirait Israël à lever le blocus. Evidemment, des puissances étrangères fiables contrôleraient ce qui se passera dans ce port… Est ce réaliste ? Pour l’instant, pas vraiment car la raison d’être du Hamas est justement la lutte armée ; et dans ce cas comment lui demander d’y renoncer ? Ce serait un auto-reniement, mais il faut bien savoir que l’esprit de Descartes n’a pas encore atteint cette région où certains arrangement font penser à une quadrature du cercle réussie… On estime à des millions de dollars les fortunes de certains hauts cadres du Hamas…

Cette évolution lente mais inexorable de la région montre que le problème majeur n’est plus le conflit avec Israël, pays hyper puissant et très avancé au plan technologique, mais bien les antagonismes locaux. La seule nouveauté est représentée par la Russie de Poutine qui n’a jamais rompu ses liens avec Israël où vivent plus d’un million et demi de Juifs russes. Ces Israéliens d’un type nouveau ont leur presse, leurs télévisions, leurs écoles et entretiennent des relations avec ceux des leurs familles restés au pays.

Un dernier point concernant l’activité russe dans cette région du monde. C’est le risque de confrontation avec la Turquie. Ceux qui connaissent Poutine disent qu’il fera payer très cher à Erdogan la destruction de son avion et la mort de l’un des deux pilotes…

La seule tache au tableau est représentée par l’Etat Islamique ; il est presque certain que les bombardements russes lui ont porté un coup fatal. D’un autre côté, Obama a enfin compris qu’il fallait l’endiguer en Libye où il migre, ne pouvant plus supporter les coups de boutoir de ses ennemis. Mais même en Irak, ses positions sont très menacées. La grande bataille de Mossoul se prépare et cette capitale régionales, forte de deux millions d’habitants, ne restera pas éternellement aux mains de Daesh…

Les pays du Proche Orient sont en ébullition, traversés par des antagonismes locaux. Et pour une fois, Israël n’y est pour rien, j’entends par là qu’on ne ressort plus la thèse du complot sioniste, responsable de tous les maux sur terre…. Ce qui prouve sans conteste que l’Etat juif a, durant toutes ces années, en fait depuis sa création, servi d’exutoire à des malaises et à des tensions qui n’étaient pas de son fait.

Un détail significatif : alors que l’Egypte d’Al-Sissi ne cache nullement sa ligne dure et sa collaboration sécuritaire avec Israël (l’Egypte a même prié Israël de ne pas alléger le blocus de Gaza), d’autres pays arabes collaborent avec Israël, mais sans le dire… Et Benjamin Netanyahou leur a récemment demandé à la Knését de se déclarer, de faire une sorte de coming out politique, cette fois…

Tribune de Genève du 25 février 2016

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