L’électorat allemand désavoue la politique migratoire de Madame MERKEL
C’était prévisible, c’était même attendu, ce qui démontre que nul n’est à l’abri de fautes d’appréciation et la longévité au pouvoir ne constitue pas une assurance tous risques contre l’erreur. Rien ne nous préserve de l’erreur, si ce n’est une attention accrue et la capacité d’écoute. Les sondages et le reste de l’Europe ont alerté la Chancelière qui n’a pas voulu en tenir compte. Le résultat ne s’est pas fait attendre (blieb nicht aus). Les électeurs ont durement sanctionné le parti de Madame Merkel qui a perdu des voix partout. Cela ne présage rien de bon pour les élections législatives générales qui auront lieu dans 18 mois.
Que la Chancelière prenne garde ! Le dernier titre du Figaro, pourtant peu suspect de politique germanophobe, était assez révélateur ; il disait que la France ne compte plus pour la Chancelière. En effet, elle avait, avant la réunion de Bruxelles, reçu le Premier Ministre turc qui fit, par la suite, preuve d’une arrogance et d’un cynisme peu communs. Il a même fait un chantage aux visas et aux réfugiés : il fait flèche de tout bois pour forcer l’entrée de son pays dans l’Union Européenne. Mais qui, en Europe, à part Madame Merkel, voudrait avoir une frontière commune avec le Syrie ou, pire, avec des républiques musulmanes, anciennement soviétiques ? C’est impensable.
Durant le weekend François Hollande a reçu ses homologues et collègues sociaux-démocrates d’Europe ; et à la fin il a dénoncé le chantage de la Turquie, il a cloué au piloris son exigence concernant les visas ! Imaginez ce qui se passerait si l’on supprimait les visas d’entrée des citoyens de ce pays : il arriverait aux autres pays de l’UE ce qui arrive aux Allemands, ce serait un flux continu, incontrôlé et contre lequel on ne pourrait rien faire ( post festum).
On a déjà eu l’occasion de dire ici même dans ces colonnes que les motivations profondes de la Chancelière n’apparaissaient pas clairement. Son pays contient déjà une forte minorité turque, notamment dans un quartier de Berlin, le Kreuzberg. Et tous les Turcs ne sont pas un danger ni un risque pour une nation chrétienne, loin de là, mais à forte dose, cela pourrait le devenir. Encore une fois, je le souligne, il ne faut pas généraliser mais voila les autres partis de droite et d’extrême droite l’ont fait. Et ils ont gagné ! Les électeurs les ont suivis.
Les historiens dateront probablement d’hier l’inversion de la courbe de popularité de la Chancelière. Je connais bien les Allemands pour avoir enseigné de nombreuses années dans leurs universités : Berlin, Heidelberg. Je sais quels sont les ressorts de leur culture. Leur réaction était prévisible. Non pas qu’ils soient xénophobes ou racistes mais tout simplement parce qu’ils ne sont pas prêts à renoncer à leur civilisation judéo-chrétienne. Ils tiennent à leurs valeurs : qui pourrait le leur reprocher ?
La Chancelière pourrait être prochainement menacée par le syndrome Margaret Thatcher, débarquée sans ménagement par son parti : désavouée, elle s’en est allée, tristement chez elle. Pourtant, des années durant, elle avait joui d’une très forte popularité.
Alors que devrait elle faire pour stopper la décrue (die Ebbe) : elle ne doit pas tenter d’imposer au reste de l’Europe, ses tendances turcophiles puisque même la France dénonce les atteintes aux droits de l’homme par M. Erdogan. Elle ne doit pas demander la suppression des visas.
Le fera t elle ? Franchement, j’en doute. Mais alors que deviendra le front franco-allemand ? Et que deviendra Schengen ?
Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 14 mars 2016