Quelle leçon devons nous tirer des résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche?
Le résultat a semblé prendre de court le monde entier. Toutes les rédactions ont joué les étonnées alors que, depuis des années déjà, l’extrême droite est un parti de gouvernement en Autriche. Je me souviens même d’une anecdote personnelle. L’ambassadeur, alors en poste à Poste, mon ami le Dr Ceska devait me remettre une haute distinction le Grosses Ehrenzeichen pour les sciences et la culture, un peu comme le titre de commandeur des Arts & Lettres chez nous. Et je lui avais demandé de surseoir à cette remise car je ne pouvais pas accepter une décoration d’un gouvernement où l’extrême droite était présente. Quelques mois plus tard, la cérémonie eut lieu.
Au fond, ce ne fut pas la fin du monde, l’Autriche est toujours membre de l’Union Européenne, son économie va bien, sa population n’augmente, certes, pas mais elle bénéficie d’un bon niveau de vie. Alors, où se situe le problème ? Tout simplement, les Autrichiens, à une forte majorité, veulent se sentir chez eux, chez eux, en Autriche, et se refusent à accueillir des gens d’une autre culture qui, dans quelques années, risquent de leur imposer leurs propres mœurs et traditions qui tournent résolument le dos aux tradition chrétiennes de ce pays.
La réaction du corps électoral autrichien s’inscrit dans ce contexte des racines culturelles et religieuses (geistig-religiös) de l’Europe qui, après avoir distribué quelques ares visas au compte-goutte (tropfenweis) ouvre toutes grandes les portes de l’UE, provoquant des déséquilibres, susceptibles d’introduire, dans un avenir prévisible, de graves disparités. Le même phénomène est déjà perceptible en France, quoique moins nettement pour le moment, mais le gouvernement fait preuve d’une grande prudence dans la gestion du dossier des migrants..
Bien que de la même origine germanique, l’Autriche n’a pas les mêmes problèmes que son puissant voisin allemand : certes, la natalité est en berne, mais ce n’est pas aussi grave que chez Madame Merkel qui sait que, sans l’accueil des migrants, l’Allemagne manquera bientôt de millions de bras. Ce serait, à terme, la ruine économique, si l’on ne prenait pas le taureau par les cornes (den Stier bei den Hörnern fassen). Les Autrichiens ne sont pas très nombreux et sont donc très attentifs à ce qu’un penseur français a nommé la théorie du grand remplacement. Franchement, n’étant pas un démographe, je ne puis juger de la pertinence d’une telle thèse mais je sais qu’elle s’impose toujours plus dans l’esprit des gens.
Quelles leçons doit on tirer de cette situation autrichienne ? Si le candidat du parti d’extrême droite devait l’emporter dimanche prochain, ce qui est probable, ce ne serait pas une catastrophe. Les Autrichiens, depuis la fin de la seconde guerre, luttent pour continuer d’exister. Leur histoire comporte des éléments qui les rendent très sensibles à toute présence étrangère chez eux. Mais il ne faut pas les taxer de xénophobie ni d’islamophobie car l’ancien empire austro-hongrois, dont ils sont les héritiers, était multinational et très ouvert. Aujourd’hui, le pays est réduit à des dimensions très réduites, un réflexe de repli sur soi est à craindre, mais demeure légitime.
L’Europe a des valeurs, des racines culturelles qui sont presque exclusivement judéo-chrétiennes. On comprend que certains se mobilisent pour les défendre. Ce que les Autrichiens croient devoir faire de leur point de vue.
Qui serait fondé à le leur reprocher ?
Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 26 avril 2016