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L’offense faite à François… …

 

L’offense faite à François… …

J’ai longuement réfléchi avant d’écrire ce papier. J’ai regardé comme tous les Français cette visite présidentielle à Chartres (dont le préfet Nicolas Quillet est un ami très cher) dans une grande usine qui produit de l’insuline ; il s’agissait, je pense, de montrer à la face du monde que le président et son ministre de l’économie s’entendaient bien et qu’il n’existait entre eux aucune divergence. C’est alors que le ministre s’est ingénié (volontairement?) à établir une certaine distance (au propre comme au figuré) avec le chef de l’Etat, lequel s’est même demandé à haute voix : mais où est Emmanuel ?

J’avoue avoir été parcouru par un sentiment d’indignation et de révolte : comment peut-on agir de la sorte lorsqu’il y va du chef de l’Etat, quel qu’il soit, l’actuel ou l’un de ses prédécesseurs ? Et puisqu’on parle de prédécesseur, j’en connais un qui aurait, dans l’heure, mis fin aux fonctions d’un ministre qui se serait rendu coupable d’une attitude si déplacée…

On dit beaucoup de choses sur François Hollande, on ne parle pas que de son impopularité, on lui attribue un esprit tortueux et machiavélique. Sur le coup, il a fait preuve d’une trop grande indulgence à l’égard de son jeune ministre qui a visiblement commis un faux pas. Si ce président était aussi rusé et aussi rancunier qu’on le dit, il n’aurait pas fait preuve d’une si grande patience… Il n’a pas pris la mine des mauvais jours, il a poursuivi la visite et la suite nous l’ignorons, mis à part quelques rares initiés dans son entourage.

Mais quel message a voulu faire passer le ministre à l’adresse des téléspectateurs ? Même animé des intentions les plus charitables, je serais bien le seul à penser que c’est une désinvolture juvénile, une erreur sans conséquence… Le ministre a bien montré ce jour-là qu’il entendait faire cavalier seul. Mais quand ? Dès à présent ? Franchement, cela devient très compliqué : il y a quelque temps, les commentateurs politiques voyaient en E. Macron l’antidote à Manuel Valls, soupçonné lui aussi de nourrir quelques pensées de projet personnel… En somme, le président aurait adopté une sorte d’entreprise de neutralisation. On a peine à y croire, mais le monde politique a des attitudes qui ne sont pas sans rappeler la loi de la jungle.

Que faire ? Il y a quelques années on a parlé des nouveaux philosophes, Rosenzweig avait parlé du Nouveau Penser, quand parlerons nous des nouveaux politiques ? Et en quoi consisterait cette nouveauté ? En une petite dose ou pincée d’éthique. Un peu de valeurs comme la gratitude, la fidélité…

Aucune action, aucune entreprise ne peut subsister durablement sur cette terre sans un fondement éthique. Plus que l’ontologie (science de l’être, fondement de toute la philosophie occidentale), l’éthique doit devenir la philosophie première.

On se souvient d’une réponse de François Mitterrand à une question sur la moralité des hommes politiques. Il fit cette réponse qui est el summum d’un inacceptable cynisme : ils sont comme vous, les hommes politiques !

Non, ils ne sont pas comme nous, ils ne doivent pas l’être, ils doivent être exemplaires, faute de quoi nous ne les aurions pas choisis.

S’il lui arrive de souffrir parfois d’insomnie, l’actuel ministre de l’économie devrait relire à la fois l’Ethique à Nicomaque d’Aristote et quelques chapitres du livre de l’Ecclésiaste…

Et au bout du compte, Fr. Hollande n’est pas si mal que cela.

Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 26 avril 2016

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