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Lettres d"Israël III: le vieux souk de Natanya

Lettres d’Israël III : Le vieux souk de Natanya

 

--Mais pourquoi donc criez vous si fort en parlant ?

-- C’est pour être sûr d’être entendu…

A lui seul, cet échange que j’ai eu avec un vendeur de primeurs dans le vieux marché de la ville résume tout Israël, sa situation dans la région et les relations que ses citoyens entretiennent entre eux par temps normal, si tant est que la normalité ait élu domicile dans ce pays si spécial.

 

Un marché révèle ce que l’on ne voit pas sur les terrasses des cafés ni dans une salle de restaurant. Vous avez sous les yeux des échanges directs, non formalisés. Vous êtes témoin direct de la réalité qui se déroule sous vos yeux. Et c’est bien le cas du souk. La plupart des classes sociales s’y côtoient. Et parfois, hélas, on sent ka gêne, la misère car ka vie est chère en Israël. Et ceux qui prétendent que la vie y est plus facile qu’ailleurs se trompent. Il suffit de voir comment le citpyen se jette sur l’argent, comment les nouveaux arrivés sont littéralement rackettés par les et les autres.

 

Les vendeurs du marché vantent en hurlant la qualité de leurs produits et surtout la modicité du prix. Ils crient à tue-tête. Rien n’est à l’arrêt ici, tout bouge, une énergie incroyable se déverse sur le chaland, surtout européen. C’est le seul endroit au monde où les vendeurs n’hésitent pas à apostropher le client qui ne réagit pas aussi vite qu’eux. C’est le seul pays que je connaisse où un vendeur vous fait attendre car il sirote son café ou se désaltère en buvant à même le goulot.

 

Un exemple : je m’approche d’un étal de mandarines ou de clémentines. Un jeune Soudanais m’annonce les prix du kilogramme. C’est dix-sept shékél. Comme sa prononciation est assez inhabituelle je fais signe que je ne comprends pas. Il me hurle à l’oreille le prix en arabe : sba’ ta’ch. Je Je regarde, cela ne le démonte pas. Mais quelque chose me frappe : il répète chaque mot prononcé par Danielle, pour apprendre la langue.

 

Ce détail change entièrement ma réflexion ; je me trouve devant un adolescent réfugié sur place après avoir bravé bien des dangers. Par tous les moyens dont il dispose, et ils sont hélas très réduits, il tente d’apprendre, de comprendre, de communiquer. Il a tout répété comme on révise une leçon d’histoire ou on apprend un poème à l’école primaire, une école que l’histoire et la vie ne lui ont pas permis de fréquenter.. Pensif, je m’éloigne, le pas lent ; sait il ce que je pense ? le reverrai-je un jour ? Sera t il encore en Israël ou sera t il renvoyé chez lui au Soudan ? Dieu seul le sait.

 

Il nous manque des pittot. On va chez Malka le roi de la pitta, c’est ainsi qu’il se nomme. Natanya est une ville francophone et le magasin de Malka est son haut-lieu, sa capitale de la francophonie : je n’ai encore jamais entendu personne parler hébreu dans ce magasin. Ni les clients, ni les vendeurs, ni le patron, ni sa femme.

 

Ce vieux souk est luxuriant, il déborde de victuailles et le vendredi matin il est impraticable. Les imprudentes qui n’ont pas fait leurs emplettes pour le chabbat la veille connaissent leur douleur : des temps d’attente multipliés par deux au moins.

 

Je n’aurai garde d’oublier de mentionner le marchand de pistaches. Personnage très important car nous en achetons beaucoup que nous ramenons dans nos valises. A Paris, les meilleures marques de cacahuètes ou de pistaches n’égaleront jamais celles-ci, faites selon un mode artisanal. Je connais le vendeur depuis de longues années, il ne sourit jamais. Cette fois-ci, pour le dérider, je lui dis qu’on est venu de Paris et qu’on ne se fournit que chez lui. Enfin, il esquisse un sourire qui atteint ses deux oreilles. Mais, Ô miracle, il fait enfin une déclaration que je résume : Paris, cela suffit ! Tu dois faire ta aliya. Il est grand temps. On t’attend ici.

 

Unique !! Connaissez vous un autre pays au monde, un seul, où un marchand de pistaches exhorte ses clients à changer de pays et à émigrer ? Si oui, faites le moi savoir.

 

J’ai souvent réfléchi sur la promesse de Dieu à Abraham : l’installation de ses enfants, nous les Juifs, dans un pays où coulent le lait et le miel. Ce que les simples d’esprit interprétaient dans ce sens : on reste assis les bras croisés et tout nous tombe du ciel, sans se fatiguer. Et je ne parle même pas des Arabes et des problèmes qu’ils posent des décennies.

 

Certains caricaturistes ont hasardé l’interprétation suivante : cette promesse divine à Abraham serait la plus grosse arnaque historique. Une fraude à l’échelle planétaire… Ce serait la plus grande tromperie sur la marchandise de l’Histoire. Commise par Dieu en personne à l’encontre d’un peuple qui n’en demandait pas tant. Quand vous prenez place à la terrasse d’un café, bien à l’ombre et que vous scrutez ces personnes âgées, transpirant sous le soleil et généralement souffrant de surcharge pondérale (rappelez vous le rapport des Juifs à la nourriture qui les rassure…), vous vous demandez si Dieu a vraiment voulu récompenser Israël, son peuple élu, en l’installant là où il l’a installé.

 

Et pourtant le sourire malicieux du vieux vendeur de spiritueux vous fait aussitôt changer d’avis. A ma demande mais où sont les bières, il répond dans un français approximatif : mais sous vos yeux !! Toujours cette infinie délicatesse israélienne qui fait le charme mondial des habitants de ce pays. Et aussi de leur réputation qui les précède. Mais il me plaît ce vieux monsieur qui a la peau basanée probablement à cause du soleil. Il me rappelle cette vieille femme qui disait à son vis à vis il y a quelques années : toda la ’ El ‘al médinat Israël : Grâce soit rendue à Dieu pour la terre d’Israël…

 

Oui, Grâces soient rendues à Dieu pour cette terre d’Israël que les avatars de l’Histoire ont tenue loin de nous pendant deux mille ans.

 

(Prochaine lettre d’Israël IV : Au bord de l’eau)

 

 

 

 

 

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