On aura beau chercher partout, envisager la question sous tous ses angles possibles et imaginables, tourner le problème dans tous les sens, tant que l’on ne se sera pas défait de quelques préjugés ou postulats allant de soi, on ne saisira pas l’essence de ce président si peu conformiste, qui traite d’autres chefs d’Etat de débiles, envoie des tweets de façon presque compulsive, bref un président US à nul autre pareil et qui défraie la chronique à l’longueur de journées.
Pourtant, si l’on consentait enfin à écarter les catégories explicatives en usage depuis des décennies, et qui furent imposées par la bien-pensance ou dictées par des idéologies dominantes conditionnant les salles de rédactions et les studios de télévision, on pourrait s’approcher d’explications proches de la vérité sur un homme qui, il est vrai, a une personnalité sortant de l’ordinaire. Pour comprendre ce style et cette action, qui tranchent tous deux par rapport à tout ce que nous avons connu, il faut se dire que Trump ne veut pas changer le système, il veut changer de système. D’où son refus d’entretenir avec la presse (généralement hostile) des relations identiques à celles entretenues par tous ses prédécesseurs.
Trump ne pouvait donc pas nous apparaître comme quelqu’un de sensé, d’équilibré, de pondéré puisqu’il ose défier un pilier de notre socio-culture contemporaine : le pouvoir de la presse, généralement orientée idéologiquement, n’est plus ce qu’il aurait dû être : c’est un contre-pouvoir, et non un pouvoir. Je me souviens d’un ami, membre du cabinet d’un ministre de l’intérieur, qui m’a raconté une rencontre entre son ministre et les dirigeants d’un grand journal du soir pour mettre au point un véritable deal : le journal s’engageait à ne plus critiquer la politique du ministre si celui-ci assouplissant sa position sur les revendications régionalistes d’une certaine région française…
J’étais stupéfait mais le conseiller en question m’a dit que la presse fait l’opinion et que cela transparaît dans les sondages du même nom… Si l’image est négative, ce n’est pas bon ; et personne ne se réjouit d’avoir une image négative. Eh bien, Trump n’aurait jamais passé un tel accord, même tacitement. La presse a donc pris de mauvaises habitudes, pensant brisant l’élan d’un tel homme, non issu du sérail et qui menaçait, d’une certaine façon, ses intérêts. Quand je pense qu’un grand journal US a osé publier avec sa livraison quotidienne un CD où le futur président parlait des femmes de manière inconvenante !! Et même ce coup de poignard n’a pas suffi pour compromettre son élection.
Les huit années d’Obama ont été un puissant somnifère. Songez que durant toutes ces années, les USA auraient pu briser la marche de la Corée du nord vers l’arme nucléaire, terrasser l’Iran qui n’en était qu’à ses débuts et était devenu exsangue suite aux sanctions frappant son pétrole et son secteur bancaire, etc… Il saute aux yeux que Trump a entièrement changé de cap. Les gens ne sont pas habitués à ce qu’un chef d’Etat s’exprime de la sorte. Mais il n’est pas sûr que sa méthode ne soit pas la bonne. J’en donnerai quatre exemples : a) il a vertement tancé le palestinien Mahmoud Abbas lui intimant l’ordre de cesser de verser de l’argent aux familles des terroristes qui attaquent Israël.
L’entrevue doit avoir été très orageuse. Cela n’a servi à rien mais Trump l’a fait. b) l’affaire de la Corée du Nord. Je vous assure que depuis le survol des côtes nord coréennes par les chasseurs bombardiers US, le dictateur sanguinaire ne dort plus que d’un œil. Encore un exemple du laxisme coupable d’Obama. Comment voulez vous arrêter autrement un fou qui menace tous ses voisins et fait des essais nucléaires chaque jour que Dieu fait… Pire encore : il menace même les USA. Comment ose t il ? Il se dit que Trump n’osera pas, qu’il fera comme le couple désastreux Clinton-Obama et que lui, pouvait avancer ses pions sans problème. La réponse de Trump ne s’est pas fait attendre… c)
En dépit des rodomontades iraniennes, les cercles dirigeants du pays sont très inquiets. Ils ont menti quant à un essai balistique, à la face du monde entier. Et on sent bien que le président Rouhani a tenu un discours belliciste pour se faire bien voir des Gardiens de la révolution (lesquels n’ont pas hésité à embastiller son propre frère frère qui lui sert aussi de conseiller spécial) d) Il y a aussi le cas d’Israël, le juif des nations, mis au ban de l’humanité civilisée, notamment à l’ONU où il était toujours condamné. Or Trump a nommé à l’ONU une ambassadrice qui a changé la donne. Israël est un Etat fréquentable, comme tous les autres, habilité à se défendre et à défendre ses citoyens. Ses prouesses technologiques dans tous les domaines pourraient profiter à leurs voisins. D’ailleurs, un certain front sunnite, donc anti-chiite, se dessine et Israël en fait partie. Signe que la sagesse commence à l’emporter sur la haine.
Dans ces quatre cas, Obama n’a pas fait son travail. Il a évité tout engagement sérieux. Considérez la manière homéopathique avec laquelle il a envoyé des renforts en Irak, laissant se développer toujours plus l’Etat islamique. La réponse officielle était de laisser l’Iran s’embourber en Irak et y subir des pertes sévères. C’est juste mais il fallait rectifier le tir plus tôt. On pourrait prolonger la liste des thèmes où Obama n’est jamais allé au bout de sa tâche. Il n’est donc pas étonnant que Trump se détourne du cycle Obama comme il le fait. Ceci n’est pas nécessairement un plaidoyer en faveur de qui que ce soit. C’est simplement une tentative d’ouvrir les yeux des gens sur l’idéologie dominante qui se veut formatrice d’opinion et aussi fondatrice d’identité.
En France, par exemple, on a interdit de facto, d’évoquer certains thèmes ; la réaction du public fut de se précipiter vers les partis extrémistes ou prétendus tels. On vient de vivre l’exemple allemand où la même chose s’est produite : près de 90 députés de l’AFD seront au Bundestag (on n’avait plus vu cela depuis la fin de la guerre) et le futur président Wolfgang Schäuble aura fort à faire. Je pense que Trump est l’indice qui nous prévient d’un changement total de perspective. Le politiquement correct ne pourra pas s’imposer éternellement.
Le monde va trop vite, les évolutions sont de plus en plus rapides. Si, face à ce monde qui change à la vitesse grand V on n’agit pas en s’adaptant, on se ra condamné à réagir après coup. Il faut tenir compte de cette évolution, faute de quoi de larges franges de l’électorat fuiront par rallier les partis extrémistes… C’est peut-être la grande leçon à tirer de l’élection d e Trump.