C’est un phénomène qui n’est pas vraiment nouveau, en tout cas en France mais aussi et surtout dans l’Espagne voisine. Chacun se souvient des Basques et de la violence armée qu’ils avaient dirigée contre l’Etat espagnol qu’ils affublaient de noms d’oiseaux… On se souvient aussi des velléités de certains séparatistes alsaciens qui entendaient faire cavalier seul dans l’Union Européenne. Et il ne faut pas oublier nos compatriotes bretons qui plaidaient naïvement pour une Bretagne libre…
Et pourtant tout ceci appartient au passé, plus aucun mouvement de ce type n’existe, toutes les régions se développement harmonieusement et personne ne songe plus à se séparer de Paris. Miracle du centralisme jacobin ! N’oublions pas la Kabylie que certains services spéciaux avaient encouragé à se distinguer de l’Etat algérien. Mais la répression a été si forte et si implacable que l’affaire a fait long feu.
La Catalogne, c’est autre chose, ce qui ne signifie pas à mes yeux que les catalans ont raison. Quand je pense à eux, je me souviens d’une fille d’origine catalane, d’une divine beauté, qui étudiait comme moi la germanistique. Elle m’avait dit un jour que son père était issu d’une famille de séparatistes catalans. En dépit de ces doux souvenirs de jeune homme, je ne suis pas convaincu de la justesse de leur cause, ces Catalans qui se veulent indépendantistes alors que les institutions européennes leur accordent la plus large autonomie possible.
En fait, si j’ai bien compris, leur revendication majeure, ils estiment subvenir aux besoins d’autres régions d’Espagne, moins prospères que la leur ; il considèrent aussi que leur histoire propre, leur culture, leur langue et leur littérature ont été mis sous le boisseau. Bref, ils jugent que les échanges ne sont pas du tout équilibrés et ils veulent remédier à cette situation. Ce qu’ils oublient, c’est l’endettement record de leur région, leur dépendance par rapport aux approvisionnements en matières premières et notamment énergétiques.
Dans le paysage européen, je ne vois vraiment pas ce que leur changement de statut pourrait leur apporter de plus. Si ce n’est la satisfaction de l’égo de quelques-uns qui se prendraient alors pour des chefs d’Etat.
Mais il y a un détail assez amusant que je voudrais mentionner ici et qui ne manque pas sel car il implique une puissance bien éloignée de cette problématique et de ces enjeux… Israël ! On dit que les bulletins de vote auraient été imprimés en Israël dans le plus grand secret et transportés par bateau sur place. Et pour donner corps à ce qui n’est peut-être qu’un canular on rappelle que le président de cette région indépendantiste avait récemment séjourné en Israël quatre jours durant…
Ce détail me sert de transition pour la suite, notamment le Kurdistan : qui, lui, a réussi son coup, puisque la consultation a bien eu lieu et qu’elle a plébiscité les partisans du départ de l’Irak, avec 92%, si tant est que ces chiffres soient fiables. Et là encore, qui voyons nous apparaître comme une poupée russe : notre grand ami le président Erdogan qui dit urbi et orbi que c’est le Mossad qui a organisé, favorisé et mis sur pied le référendum kurde…
Evidemment, avec une telle référence il était sûr de mettre dans le mille : le Mossad, vous vous rendez compte, cela fait rêver ou cela fait fantasmer. Certes, il y a parfois des drapeaux israéliens dans les défiles kurdes, oui, le gouvernement israélien appuie et soutien les revendications kurdes mais qu’est ce qui rend les revendications palestiniennes plus légitimes que celles des Kurdes qui eux, forment une nation (avec une langue, une histoire, un territoire, etc…) depuis bien longtemps. S’ils avaient été plus performants il y a un siècle, ils auraient arraché leur indépendance alors qu’ils sont plus de trente millions d’âmes, disséminées entre la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak. Certains disent même que les Palestiniens ne peuvent pas en dire autant. Espérons cependant que leur problème finira par trouver une solution convenable…
Pourquoi ou plutôt comment s’explique ou se justifie cette préférence israélienne ? Cette politique trouve son origine dans le constat de David Ben Gourion qui avait compris (comme Martin Buber, mais pas pour les mêmes raisons) qu’il n’y aurait jamais de paix digne de ce nom avec voisins arabes en raison d’une haine recuite aux racines religieuses. Difficile de s’en prendre à la foi ou aux croyances avec des arguments diplomatiques ou militaires. Il faut vivre avec, ce que fait l’Etat hébreu depuis sa renaissance.
Ben Gourion cherchait à prendre langue avec les minorités du Proche Orient : Chrétiens du Liban ou d’Irak, Kurdes de Syrie, d’Irak ou d’ailleurs qui, par certains aspects, partageaient le même sort qu’Israël vivant en milieu hostile et représentant des groupes infiniment plus petits que la majorité arabo-musulmane.
Rendez vous compte : si les Kurdes parvenaient à se hisser à une structure étatique, la face du Proche Orient en serait transformée : la Syrie, l’Iran, la Turquie (grands amis d’Israël !!) en seraient profondément affectés. La même chose pourrait se produire au Liban où il y aurait des cantons chrétiens et des cantons musulmans. Mais ce n’est pas pour demain.
Que peut il se passer ? En Catalogne, aucune inquiétude, c’est un peuple européen, judéo-chrétien, la police ne tirera pas dans le tas et cela ne finira pas en bain de sang. Il en va tout autrement en Orient où la démocratie connaît une panne générale depuis des siècles où aucun régime en place n’est sorti des urnes, hormis l’état hébreu. Or, le président Erdogan se rend en Iran pour se concerter avec son homologue iranien. Et de quoi vont-ils parler ? Des conséquences du référendum irakien : si ces velléités indépendantistes se confirmaient, pour ces deux puissances régionales, ce serait le démembrement puisque les Kurdes sont massivement présents dans certaines portions de leurs territoires. Et ces deux présidents ne reculeront devant rien. Je vous invite à voir leurs agissements en Syrie…
L’impulsif M. Erdogan pourrait bien envoyer ses chars à la frontière… Ce ne serait pas la bonne méthode, d’autant que les Kurdes ne brûlent pas les étapes et veulent discuter… Pour le moment. Mais, paradoxalement, ces deux puissances peuvent se rassurer : les Kurdes sont désunis, ceux d’Irbil et de Salamīyah ne sont pas d’accord avec le PKK, l’ennemi juré d’Ankara, et le responsable d’attentats sanglants en Turquie. Ce n’est pas la bonne méthode, mais ce conflit est très compliqué. En gros, ces frontières au Proche Orient sont des lignes dans des sables bien mouvants. Il y aura des reclassements, des changements et autres. Prions, en ces lendemains de Kippour, pour qu’ils se fassent sans effusion de sang.