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La question corse: de la dignité de Madame Erignac à la fermété d’Emmanuel Macron

La question corse: de la dignité de Madame Erignac à la fermété d’Emmanuel Macron

Ceux qui ont entendu le digne discours de la veuve du regretté préfet Claude Erignac ne pouvaient que saluer la noblesse d’une dame qui a évoqué la mémoire de son défunt mari, lâchement assassiné, alors qu’il se rendait sans protection spéciale à une représentation ou à un concert. Cette femme a parlé sans haine ni acrimonie alors qu’elle aurait légitimement pu le faire. Elle a d’ailleurs dit, fort calmement, que cette journée affreuse avait fait d’elle une veuve et de ses deux enfants des orphelins… Et j’ajouterai que de mémoire d’homme on n’avait jamais vu cela : l’assassinat de sang froid d’un préfet, d’une haut représentant de la République.

Pudeur et dignité, deux valeurs, en perte de vitesse et dont on fait peu de cas aujourd’hui, où la réussite individuelle, recherchée à tout prix, ne recule devant aucune bassesse ni aucun compromission. Une grande dame, l’autre jour, revenait en Corse pour la première fois depuis ce drame, et le président de la République a fait preuve d’une profonde solidarité en la laissant parler en premier pour évoquer la mémoire de son défunt mari, mort dans l’exercice de ses fonctions. Et quand on pense que cet homme a été tué de deux balles dans le dos et d’une dernière dans la tête, on se demande s’il existe encore dans cette région française des hommes d’honneur. Il faut dire qu’on entend si souvent parler d’honneur pour excuser, voire légitimer des actions qui en sont à des années-lumière …

La question corse: de la dignité de Madame Erignac à la fermété d’Emmanuel Macron

 

On ne peut pas ne pas rendre un vibrant hommage à une dame qui a maitrisé sans gros efforts ses émotions : émotion de revenir sur les lieux du drame, émotion à l’évocation d’un mari aimé et admiré, émotion de se retrouver, vingt ans après les faits, dans un environnement qui a coûté la vie au père de ses enfants. Encore un mot à ce sujet : on a rappelé que le défunt préfet, paix à son âme et gloire à sa mémoire, avait recopié une phrase qui reflète bien son éthique et l’idée qu’il se faisait de l’équité : oublier un crime est un crime…

Le président de la République a illustré ce dicton moral en fermant toutes les portes que certains nationalistes ou autonomistes ont cru pouvoir rouvrir à la faveur d’un petit succès électoral qui pourrait être de bien courte durée. Il a bien fait de paraître ferme face à une île dont on a renforcé le statut à maintes reprises. Mais sans jamais mettre les insulaires face à leurs responsabilités. D’ailleurs, le président a habilement retourné contre ses interlocuteurs leurs propres revendications, notamment les mesures fiscales. Il leur a rappelé que l’argent rendu aux Corses dépassait, et de loin, l’argent qu’on leur prenait. Il a aussi rappelé que la solidarité nationale faisait d’eux de grands bénéficiaires. Au plan de la politique du logement, des ventes immobilières et des achats de terrain, ce sont des Corses qui en bénéficiaient plus que les français du continent. Même les nouvelles prérogatives dont disposent les insulaires ne sont pas utilisées, tant ils font de leur départ de la République un véritable fétichisme.

Résumons nous de manière rationnelle, à l’abri d’une émotivité si méditerranéenne : nous avons affaire à une région pauvre de France, ce qui rappelait l’ancien ministre M. Claude Guéant sur CNews, où l’Etat fait figure de principal employeur ou presque, où le consentement à l’impôt connaît des fortunes diverses (c’est un euphémisme), où les mêmes familles politiques se sont succédé durant des décennies, où le clientélisme règne en maître absolu, etc… Les habitants permanents de l’île, car il existe une très importante diaspora corse, n’atteignent pas le demi million, et ces quelques personnes, face à 65 millions de Français de l’Hexagone et des départements d’Outre-mer entendent imposer à l’Etat républicain un statut spécial.

Là aussi le président de la République a bien fait de dire non. Je ferai cependant une respectueuse remarque concernant le discours du chef de l’Etat : plus de 90 minutes ! Ce fut pire que le grand oral de l’ENA ! Des listes à la Prévert ! On peut vraiment dire qu’il a traité le sujet de manière exhaustive, lassant quelque peu la patience et l’attention de ses auditeurs. Le président devrait changer son mode oratoire, jamais plus de 20 minutes, laissant aux ministres de détailler les points techniques. Il exerce le pouvoir, il ne passe pas un examen à l’ENA…

Mais revenons au fond : je n’ai rien à y redire. Je trouve qu’il a mis les nationalistes face à leurs responsabilités. Ce fut la douche froide, expression reprise par les grands quotidiens nationaux. Quand je pense que ces deux grands élus de l’île ont osé poser le problème de la présence de nos drapeaux (français et européen) mais surtout français, je me frotte les yeux et me pince les joues… Parfois, ils parlent du président français comme d’un chef d’Etat étranger. Mais où sommes nous donc ?

J’ai souvent fréquenté la Corse pour y passer des vacances, et notamment lorsque nos filles étaient petites, nous passions tout le mois d’août à Verghia , non loin de Porticcio. Ce fut très agréable mais on pouvait vivre à bout portant la spécificité insulaire. On assistait parfois, même dans des établissements choisis, à des scènes inimaginables sur le continent : des restaurateurs ou des serveurs refusant de prendre une commande parce que les clients (parisiens pour la plupart-) leur avaient mal parlé ou les avait mal regardés… En effet, il existe bien une âme corse et elle est très susceptible.

En commentant, dès hier soir, les maigres résultats, à leurs yeux, de la visite présidentielle, les deux élus nationalistes ont parlé de déception et d’humiliation : toujours cette attitude bien connue, propre à des populations jadis colonisées, ce qui n’est pas le cas de la Corse : si vous ne nous donnez pas ce qu’on demande, on dira que vous nous méprisez…

Le président ne s’est pas laissé impressionner : il a rejeté toutes ces demandes exorbitantes. Sera-t-il entendu par la population corse si attachée à la République française ? C’est ce qu’on souhaite tous, une Corse que l’on soigne, que l’on chérit et que l’on aide. Mais tout ceci n’implique nullement un statut spécial.

Si les Corses veulent partir, je suis barriste : qu’ils partent. Mais je ne pense pas que ce soit le vœu de la majorité de la population. La République doit adopter une attitude ferme à l’égard de tous.

L’Etat doit se faire respecter dans le respect de la démocratie. C’est la chose la plus importante.

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