Comment s’explique ce grave malentendu entre la France et l’islam ?
C’est, grosso modo, la tâche que s’est assigné un groupe de jeunes apprentis-journalistes, chapeautés par deux de leurs collègues plus âgés et plus connus. Ce groupe d’enquêteurs, non encore diplômés, sont allés enquêter sur le terrain, durant de longs mois, se gardant bien de substituer leurs propres idées sur la question aux résultats de ce sondage grandeur nature. Le livre porte un titre volontairement provocateur, non seulement en vue d’harponner le chaland mais aussi en raison des conclusions et des témoignages recueillis : Inch Allah : l’islamisation à visage découvert. Une enquête spotlight en Seine Saint-Denis (Fayard) Sous la direction de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme
Comment s’explique ce grave malentendu entre la France et l’islam ?
Le terme islamisation peut effectivement choquer, mais c’est surtout la lecture attentive de tous ces témoignages (vingt et un au total), qui suscite chez le lecteur un sentiment de profond malaise, car si tous ces développements étaient avérés, s’ils reflètent la situation sur le terrain, alors on peut craindre le pire. Toutes les théories, telles le grand remplacement ou l’infiltration salafiste dans les mairies de banlieues, font croire qu’un vaste plan est intentionnellement à l’œuvre, se réalise à l’insu de tous, y compris des autorités compétentes qui reconnaissent n’avoir pris conscience du problème que tardivement. On se souvient de la phrase alarmiste du président Gérard Larcher : les salafistes campent aux portes des mairies.. J’ai été stupéfait de lire sous la plume de certains hauts gradés de la police nationale, aujourd’hui à la retraite, que longtemps le mot d’ordre était le suivant : surtout pas de vagues, ne ciblez pas une communauté en particulier, même si chacun sait ou savait que le terme communautarisme visait un certain groupe et nul autre…
Une région focalise l’attention des jeunes enquêteurs, le département de Seine Saint-Denis dont le chef-lieu n’en est pas moins une célèbre basilique mais qui compte aujourd’hui plus de 50% de musulmans, qu’ils soient français ou étrangers. On doit à la vérité de dire que parmi les témoignages recueillis, certains émanent de bons Français de culture musulmane qui disent, eux-mêmes, (et il n y a pas lieu de douter de leur sincérité) qu’ils ne se reconnaissent plus dans cet islam politique, qui instrumentalise la religion à des fins autres que spirituelles, voire cet islamisme qui prospère sous leurs yeux. Des retraités de l’enseignement secondaire, d’anciens soldats, qui ont défendu la France avant de la servir sur d’autres plans, y compris des petites gens qui ont séjourné dans notre territoire depuis plus d’un demi siècle clament leur trouble, voire leur désarroi. Ils se sentent désarmés face à un processus qui les délégitime, leur commande de se sentir comme des étrangers dans leur pays d’adoption et dont ils ont la nationalité… Ce projet, essentiellement politique, donc non-religieux et tournant le dos à toute spiritualité, rejette, bille en tête, les valeurs de la République, et principalement tout ce qui relève de la laïcité. Ce livre nous démontre sans équivoque la marche suivie par ceux qui veulent que les concitoyens de culture islamique ne se reconnaissent que dans les limites de la tradition religieuse : tenue vestimentaire particulière, interdits alimentaires, scolarisation religieuse, etc…
Ce qui frappe de plus en plus, et ne peut que susciter notre grande inquiétude, c’est cette partition, cet isolément volontaire, ce véritable séparatisme culturel, qui se manifestent de plus en plus ouvertement notamment chez les adultes mais aussi chez les enfants dont la scolarisation dans des établissements publics pose problème. Il s’agit d’un véritable divorce d’avec les institutions : l’école, la justice, la culture, la cité (au sens platonicien du terme). On a tous entendu parler de ces élèves qui refusent d’observer une minute de silence en hommage aux victimes de Charlie Hebdo, ou d’assister à un cours d’histoire sur la Shoah, ou qui refusent d’ôter le voile islamique, etc…
Mais ce livre va nettement plus loin, car il montre comment quelques meneurs, quelques idéologues autoproclamés docteur es sciences islamiques, veulent régenter la vie de toute une partie de la population en se faisant passer pour les concessionnaires exclusifs de l’islam authentique. Ce ne serait pas si grave que cela si de telles menées ne retranchaient pas de plus en plus de gens, et notamment des enfants et des jeunes adultes, de la communauté nationale. On nous parle d’enfants, garçons ou filles de moins de dix ans, astreints au respect du jeûne du mois de ramadan ou qui exigent de la viande halal à la cantine, parlent de tables pures ou impures, refusent qu’on leur dise joyeux Noël pour les vacances d’hiver ou se complaisent dans l’acceptation de thèses «complotistes». Le livre cite le cas d’un jeune couple désireux d’acheter un fraisier dans une pâtisserie en précisant : sans gélatine de porc… D’autres gens s’abstiennent de consommer de la viande de porc, sans faire ce fait en trait d’une pertinence absolue ou d’une identité revendiquée…
On nous parle aussi de ces fermetures de boutiques qui ne répondent plus aux demandes des nouveaux arrivants : comme des fleuristes, des boucheries-charcuteries, bref toutes activités économiques qui ne correspondent plus à ce que demandent les salafistes. En revanche, les boucheries halal prolifèrent… En soi, ce n’est pas si grave et pourrait être rapproché du phénomène des boucheries cacher, à cette différence près que ces établissements juifs n’ont jamais fait fuir d’autres commerces pour se tailler sur place une positions hégémonique.
Comment socialiser des enfants issus de ces milieux dans de telles conditions ? Ceux qui propagent une telle conception de l’altérité musulmane ou islamique, altérité rituelle ou simplement sociale et pas du tout théologico-philosophique ne veulent pas d’une assimilation de leurs coreligionnaires à la socio-culture française, fondée sur la fraternité, la tolérance et la diversité. Bref l’idéal républicain.
Au plan philosophique ou simplement sociologique, cette situation pose la question suivante : l’identité arabo-musulmane est elle compatible avec la culture européenne en général ? Au fond, oui, si l’on s’en réfère aux pères spirituels de l’Europe parmi lesquels figure, aux côtés de Maimonide et de Thomas d’Aquin, un certain ibn Rushd, dit Averroès dont l’apport à notre culture est indiscutable. Mais il n’est pas le seul. Le précédèrent des hommes comme Al-Farabi, Ibn Tufayl, Ibn Sina et même le vieux Ibn Badja, l’Avempace des Latins.
Reste un aspect qui est loin d’être anodin, c’est l’antisémitisme qui fleurit dans ces banlieues qui se vident de leurs juifs. On se souvient des attentats sanglants en plein Paris mais aussi des agressions en banlieue… Avec les réactions set les appels du premier Ministre de l’poque, Manuel Valls…
Ce que les extrémistes n’ont pas compris car cela ne les intéresse pas, c’est que la France et / ou l’Europe peut être une chance pour l’islam. Pour en faire une des religions d’Europe vivant paisiblement aux côtés des autres.
Mais pour ce faire, il faut reprendre à son compte les valeurs de la culture européenne.