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Israël et son avenir

En quelques années, les toutes dernières, principalement,  l’Etat hébreu a vécu plus de changements qualitatifs qu’au cours des décennies précédentes. Comment s’explique ce changement, cette mutation qui n’est pas de degré mais de nature ? C’est toute la question. Et il semble que c’est cela que les observateurs tant indigènes qu’extérieurs  nomment, avec justesse, la start up nation. On ne parle plus d’industrialisation, de technologique mais de post technologie, voire plus d’une ère qui dépasse et de très loin, ce dernier niveau. Israël est parti à la conquête de nouvelles frontières et repousse toujours un peu plus loin le mur de son esprit…

Paradoxalement, j’ai longtemps pensé que le temps, la durée, pouvait nous réserver de mauvaises surprises. Il me semblait que le temps travaillait pour les ennemis de l’Etat juif, que l’arme démographique jointe à la course aux armements et au terrorisme finiraient par peser sur ses chances de survie et de la compromettre. Et ce n’est pas tout : les sempiternelles condamnations d’Israël à l’Onu, son isolement croissant sur la scène internationale, les tentatives de boycott plus ou moins déclaré, une situation économique difficile, et enfin des tensions de plus en plus fréquentes au plan politique, au sein même du pays, tous ces éléments  faisaient craindre le pire.

Car, ne nous y trompons pas : les généraux de Tsahal ont beau dire qu’ils sont à la tête de l’une des plus fortes armées du monde, la fortune des armes n’est jamais assurée de manière pérenne. Elle évolue parfois très vite, dans un sens comme dans l’autre.... Il suffit de se reporter à la meilleure illustration de ce principe au sein même de l’histoire biblique d’Israël : le géant Goliath qui se croyait face à un frêle gamin, a fini par y rester et c’est le petit homme à la fronde qui l’a emporté… Certes, le livre I de Samuel attribue cette victoire à l’intervention divine. Je veux bien, encore fallait-il que la fronde du jeune berger fût bien dirigée et très efficace. L’aide divine joue un rôle mais l’homme aussi exerce un certain pouvoir.

Ce qui nourrissait aussi de sombres prévisions n’était autre que la haine recuite, passionnelle, toujours en ébullition que les Arabo-musulmans vouaient à leur voisin israélien. Depuis plus de quarante ans, depuis les tristement célèbres quatre NON de Khartoum, le monde n’est plus le même. Il a profondément changé. Et les ennemis d’Israël ne se sont pas aperçus que leur logiciel n’était plus le bon, qu’ils auraient dû en changer depuis belle lurette. Ils ne l’ont pas fait, tant ils étaient aveuglés par une passion inextinguible. Les résultats de cet aveuglément sont là. Nul ne peut plus les contester sérieusement. La haine, tout comme l’amour, rend aveugle.

Depuis peu d’années, la dimension temporelle a changé de direction, la notion même de temps a changé de nature.Les observateurs les plus attentifs ont relevé l’entrée en vigueur de ce temps axial (Achsenzeit), dont parlent les philosophes allemands de notre temps, un temps où les critères et les instruments de mesure n’ont plus rien à voir avec ce qui existait précédemment. On serait tenté de parler de nouveau monde par opposition à l’ancien monde dont Israël a forcé la porte d’entrée alors que ses ennemis ont raté le coche et sont restés sur le bord de la route.

Jusqu’à une certaine époque, on pensait que le temps travaillait pour les ennemis d’Israël. Une démographie galopante, un état de belligérance perpétuelle, des condamnations rituelles dans toutes les arènes internationales, au premier rang desquelles l’ONU. Sans omettre le terrorisme et l’isolement diplomatique de l’Etat hébreu, notamment en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions du monde.  Israël ne pouvait plus compter que sur Dieu, sur ses propres et sur les USA…

Les forces vives de la nation, habituées à relever les défis les plus improbables, ne sont pas laissées impressionner par cet environnement hostile. Depuis sa naissance, l’Etat hébreu a dû composer avec ce rejet quasi général des autres nations. Elie Wiesel avait dit un jour qu’Israël est le Juif des nations. Petit à petit les élites israéliennes ont repris le dessus. Leurs implications victorieuses dans toute une série de domaines ont fait de leur petit pays une véritable start up nation. Une nation à la pointe de la technologie de demain et d’après-demain. Et du coup, cette avancée multiforme a changé fondamentalement la donne : le temps travaille contre les ennemis d’Israël. On a changé de monde, Israël ne vit plus à la même époque que ses voisins, lesquels ont, dur verdict de l’Histoire, vécu une inéluctable décadence qui semble devoir se poursuivre. Pourquoi ? Parce que, au lieu de s’occuper du développement de leur pays et du bien-être de leur population, les gouvernements de ces pays se sont mis en tête de détruire le petit Etat juif. Voyez le cas hautement instructif de l’Iran des Mollahs : même en butte à d’énormes sanctions dans tous les domaines, même en subissant une terrible dépréciation de leur monnaie nationale, ils préfèrent poursuivre des entreprises condamnées à l’échec. Peu importe, ils continuent.

Certes, derrière cet acharnement incompréhensible, il y  un dessein diabolique : en se faisant les champions de la lutte des musulmans contre ce qu’ils nomment l’ennemi sioniste, les Mollahs ambitionnent de dominer l’islam contemporain en accordant la suprématie au  chiisme au détriment du sunnisme. C’est bien pour cela que l’Iran veut disposer de l’arme nucléaire. Et si cela se produisait, l’Arabie saoudite ne pourrait plus conserver son rôle de gardienne des lieux saints… Ce qui explique le rapprochement plus ou moins marqué du wahabisme et d’Israël. Certains s’étonneront de ce rapprochement inédit mais, ne dit on que les ennemis de nos ennemis sont nos mais.

Depuis quelques années, dans ce nouvel environnement où le front arabe se dégarnit et se lézarde aussi, Israël écrit son histoire et prépare son avenir, comme il ne l’avait encore jamais fait auparavant. On porrait presque parler d’une préhistoire du sionisme, laissée loin derrière, et l’avènement d’un monde nouveau.

Le chékel israélien fait partie des monnaies les plus fortes ; la croissance économique est optimale. Malgré les lourdes dépenses militaires, garantie de sa survie, la population vit bien et jouit de toutes les commodités. Pas une semaine ne passe sans que les savants israéliens n’aient découvert ou inventé un nouveau procédé en médecine, en physique, en conquêtes scientifiques de toutes sortes. Ils jouent un rôle de pionnier dans le traitement des maladies cardiaques, les maladies chroniques etc… Jusques et y compris le cancer et la maladie d’Alzheimer.

Il y eut même une première tentative de conquête de l’espace ; l’essai s’est révélé prématuré  mais il y en aura d’autres… L’histoire juive ne ressemble à aucune autre. L’historiographie de ce peuple plonge ses racines dans des domaines presque supra humains. Et même les membres les plus laïcs de ce peuple, y compris les plus marxistes ou les plus incrédules (e.g. Karl Löwith) reconnaissent que des éléments incompréhensibles sont à l’œuvre dans le développement d’un peuple qui aurait dû disparaître, si l’on s’en tenait aux règles habituelles gouvernant l’histoire des peuples.

Toutes ces performances, notamment dans les domaines très prisés de la défense, de l’agriculture et de l’informatique ont fini par ouvrir à Israël les portes, restées fermées des années durant, de bien des pays d’Afrique noire. Et même les pays arabes leur emboîté le pas. Derrière des manifestations rituelles et largement convenues de leurs populations, des pays comme l’Egypte et la Jordanie oeuvrent aux côtés d’Israël, sans jamais le dire vraiment. Un exemple : Tsahal aide à neutraliser les bandes armées qui s’en prennent aux soldats égyptiens dans le Sinaï. Le sultanat d’Oman, le Bahreïn et les Emirats arabes unis multiplient les signaux. Il faut aussi ajouter que par un mouvement de balancier dont l’histoire du Proche Orient semble avoir le secret, les régimes autoritaires arabes ont subi de graves dommages ou ont été purement et simplement balayés par la révolte des populations : la Syrie, l’Irak, la Libye sont des champs de ruines. L’Egypte vit sous la menace constante des Frères musulmans. Le Liban, sympathique petit pays, ne jouit pas vraiment d’une souveraineté nationale : le Hezbollah risque de l’entraîner dans une désastreuse confrontation militaire avec Israël. Et le pays du Cèdre a plutôt besoin de paix et de concorde… La menace pesant jadis sérieusement sur Israël appartient donc au passé : même unies, les armées arabes ne sont sorties victorieuses de la confrontation. Aujourd’hui, cette menace est résiduelle et seul le cas iranien doit être pris en considération.

Restent les Palestiniens de Gaza. Là aussi, les choses changent, ce qui explique la retenue de Tsahal qui commence à préconiser un traitement humanitaire de cette question au lieu de lancer une vaste offensive militaire. Mais cela ne pourra se poursuivre que si le Hamas ne dépasse pas les limites du tolérable.

Pour conclure, parlons succinctement de la situation politique à l’intérieur des frontières de l’Etat juif. C’est la préoccupation majeure aujourd’hui ; je pense aux oppositions irréductibles entre laïcs et religieux. Au fond, c’est pour cette raison que le Premier Ministre n’a pas réussi à constituer son gouvernement. Et hélas, les prochaines élections risquent d’aboutir à la même impasse.

Après deux mille ans d’exil en terres étrangères où les chefs religieux ont façonné un judaïsme un peu particulier, la religion d’Israël ne peut pas du jour au lendemain régler tous les problèmes. C’est la seule réserve que j’émets quant à l’avenir immédiat et plus lointain de ce pays qui n’en finit pas d’étonner le reste du monde.

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