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L’Union Européenne, un corps sans âme ? Une nation européenne est-elle concevable ?

 

L’Union Européenne, un corps sans âme ? Une nation européenne est-elle concevable ?

Aucun observateur impartial ne pourra le contester : l’Union Européenne traverse une crise plus profonde que toutes celles qu’on a connues… Depuis des mois, le Brexit porte atteinte à l’image même de l’Union et la division en son propre sein, entre pays du nord et pays du sud, entre pays de l’est et pays de l’ouest, n’arrange pas les choses.

Comment en sommes nous arrivés là ? Depuis les dernières élections européennes qui ont vu la victoire incontestable de Marine Le Pen, l’Europe s’interroge et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, il y avait l’apparence d’un solide axe franco-allemand, qui, vaille que vaille, maintenait un faux semblant que les deux encourageaient de leur mieux, comme une sorte de wishfull thinking, une pensée optimiste qui a vécu, tant les deux gouvernements des deux côtés du Rhin ne s’en cachent plus.

 

 

L’Union Européenne, un corps sans âme ? Une nation européenne est-elle concevable ?

 

Par ailleurs, l’échec de la chancelière allemande aux dernières élections, qui est sur le départ a atteint sa crédibilité et donc son pouvoir : jadis, et pendant de longues années, ce couple franco-allemand a fait illusion et nos amis allemands pouvaient dicter à la Commission Européenne la marche à suivre. Depuis plus de dix-huit mois, ce n’est plus le cas car ce n’est plus possible. Lorsque la chancelière a annoncé son prochain départ, le président français a cru bien faire en tentant d’occuper la première place, ce qui n’a pas été une réussite non plus, en raison de la crise de l’autorité en France même. Les gilets jaunes sont passés par là et Emmanuel Macron eût été mieux inspiré de s’occuper de la situation intérieure plutôt de jouer un rôle qui n’est pas dimensionné pour lui ; en effet, la France, seule, ne pèse pas très lourd en Europe. Et, fait aggravant, la chancelière dit non à tous les projets que le président voudrait faire avancer. La présidence française est donc bloquée dans tous ses élans. Pire encore, le président français s’est vu infliger un cinglant camouflet lorsque sa candidate à la Commission Européenne a été sèchement écartée lors d’un vote de confirmation. Un tel fait est rarissime dans les annales, il est évident que certains, et ils sont nombreux, ont voulu faire payer au président français certaines de ses initiatives et son attitude lors du choix de la nouvelle Commission… En conséquence, la France n’a plus la main.

Pendant tout ce temps, alors que la paralysie des institutions européennes se poursuit, le monde, lui ,n’arrête pas d’avancer et l’actualité internationale découvre chaque jour un peu plus, l’absence, voire l’isolement de l’Europe : aussi bien en ce qui concerne la guerre commerciale entre la Chine et les USA que l’écologie, notamment la décision de la Chine de tourner le dos aux mesures pour sauver la planète et de se dérober à ses engagements. Il saute aux yeux que la faiblesse de l’U.E., voire son affaiblissement permanent, ne lui permettent pas de s’affirmer au niveau mondial. Et ceci pose une question cruciale : l’Europe a r elle une âme ? N’est elle pas une simple coque vide, d’où toute considération d’ordre spirituel ou culturel serait absente ? Mieux encore : l’Europe est elle une nation. Existe t il une nation européenne ?

Ne pas confondre avec cela l’Europe de la culture. Emmanuel Levinas disait ceci :; L’Europe c’est la Bible et les Grecs. Excellente définition qui réunit en une formule lapidaire tant de choses… De temps de Goethe et même bien avant, les érudits d’Europe se rencontraient, se voyaient, échangeaient et formaient une culture commune, grâce à la langue latine.

J’ai bien peur que cette époque soit révolue.

Depuis la signature du Traité de Rome, ce ciment unificateur de la construction européenne n’a jamais été une priorité. Certes, il existe les échanges Erasmus et une multitude d’accords bilatéraux ou multilatéraux entre les états, mais cele ne suffit toujours pas pour attester l’existence d’une vraie nation européenne…

Quelques exemples assez édifiants : la France se bat seule ou presque en Afrique subsaharienne avec la participation symbolique de quelques membres de l’UE. Les autres puissances, notamment nos amis allemands se montrent réticents, en raison, peut-être, de leur histoire récente : ce qui ne change rien au fait de cette triste solitude de la France qui enterre ses morts dans l’indifférence quasi générale. Lorsque le président français croit bien faire en critiquant l’OTAN, la chancelière prend aussitôt le contre pied de ses déclarations… Il est loin le temps où l’on parlait du MERKOZY tant les liens franco-allemands étaient forts. Plus de couple, plus d’axe franco-allemand.

Nos amis allemands qui ont connu dans leur histoire le romantisme politique ont eu des poètes et des philosophes qui ont parlé de l’âme allemande (deutsche Seele), sont ils insensibles à la euopäische Seele ? L’ont ils enterrée ou n’y ont ils jamais cru ? A toutes les étapes de la construction européenne, nos amis allemands ont eu des hésitations, illustrées par la politique à l’est (Ostpolitik) du chancelier Willy Brandt. La RFA voulait bien de la construction européenne pour sortir de son isolément mais elle n’a jamais perdu de vue son hinterland, les pays de l’est. Habilement et subtilement, elle a favorisé l’intégration de tous ces pays dans l’UE, ces mêmes pays qui font presque sécession et refusent de se fondre dans un ensemble que nous, Français, nommons, une nation. Et ainsi, la politique à l’est et l’intégration européenne, étaient mis en dénominateur commun…

On prête au général de Gaulle la métaphore suivante, lui qui était si attaché à l’Europe des nations : comment faire une omelette avec des œufs durs ? Les nations veulent rester ce qu’elles ont toujours été et revendiquent leur histoire vécue : prenons l’exemple des pays slaves, de la Hongrie, de la Bulgarie et de quelques autres pays de l’ancien glacis soviétique qui eurent maille à partir avec l’empire ottoman qui leur mena la vie dure. Comment voulez vous qu’ils acceptent chez eux des réfugiés jugés inassimilables mais qui, une fois, reçus chez soi, vont revendiquer des droits spécifiques… Les cas de la Hongrie et de la Pologne sont très éclairants, deux pays qui scrutent l’impasse française actuelle…

Jetons un regard sur le passé, même s’il est très douloureux : l’expulsion des juifs de la péninsule ibérique dès 1492 avait pour objectif majeur l’unité religieuse du royaume, l’église local regardant avec une extrême méfiance une inquiétante montée en puissance de l’élément juif dans la haute bourgeoisie… Tout ce, hier comme aujourd’hui, participe d’une condamnation plus ou moins explicite du multiculturalisme…

Comment faire nation ? Notre grand philosophe-historien Ernest Renan a écrit des pages très fortes après la défaite de Sedan et la faillite du régime de Napoléon III. Evoquant l’idée de nation, il a parlé d’un lien spirituel tissé entre des groupes humains qui veulent vivre ensemble et partager le même destin. Nos amis allemands ont une belle expression pour désigner cela : Schicksalgemeinschaft ! Est-ce qu’un Danois veut ou peut partager le destin d’un Français, d’un Allemand ou d’un Polonais ? Est ce que tous ces pays sont prêts à verser leur sang pour une même patrie européenne ? La question reste posée. Ce qui est bon pour un finlandais est il bon pour un Hongrois ? Pas nécessairement.

On aborde ici un point très sensible : les vieilles nations européennes refusent de commettre un suicide collectif en adhérant sans réserve à cette UE qui, petit à petit, la dépouille de tous leurs pouvoirs. Et ceci n’est pas la réitération de la sempiternelle complainte contre les technocrates de Bruxelles.

Un dernier exemple : au plan mathématique, les Européens ne sont pas loin du demi milliard d’hommes et pourtant l’Europe ne fait pas entendre sa voix sur l’Iran, le Hamas, la Syrie, l’Afrique du Nord (Algérie, notamment), le Yémen, etc…

Mais le pire serait une crise de l’Euro car sans nos amis allemands, cette monnaie ne tiendrait pas. Les Anglais l’avaient bien compris, eux qui n y ont jamais adhéré….

Le peu de participation aux élections européennes atteste encore plus de l’indifférence des Français. Non, décidément, l’âme de l’Europe n’est toujours pas au rendez-vous mais après tout on attend bien le Messie depuis plus de deux millénaires, sans jamais être sûrs qu’il finira par arriver.

Hegel n’avait pas tort de dire que l’espoir fait vivre.

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