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La bague magique du kabbaliste : Anna be-khoah…

La bague magique du kabbaliste : Anna be-khoah…

                                                                                                                                       Pour Danielle

Même les plus grands penseurs de l’humanité en conviennent : c’est des gens simples, menant une existence modeste et humble que nous apprenons le plus. Ce sont ces choses de la vie, vécues par des gens simples, sur lesquels nous bâtissons les théories les plus compliquées et les plus recherchées. C’est le cas pour cette merveilleuse prière kabbalistique qui provient sûrement d’un mystique vivant dans le sillage de la kabbale lourianique, la mystique juive dite de Safed ou selon le nom de son fondateur Isaac Louria (ha-Ari Zal). Cette brève prière fait penser à ce que les théologiens nomment une oraison jaculatoire, c’est-à-dire une prière brève et fervente. Du style, Rahamana litselan (Dieu nous préserve) ou El na refa na lo (Seigneur, guéris le !)…

La bague magique du kabbaliste : Anna be-khoah…

                                                                                                                                  Pour Danielle

 

Un samedi soir à Netanya, comme chaque samedi soir d’été, les vendeurs en tout genre investissent le kikkar et notamment des bijoutiers locaux viennent vendre leurs bijoux. Le regard de ma fille Laura fut attiré par une bague portant des inscriptions en lettres hébraïques. Aussitôt elle veut l’essayer et me demande ce que signifient les caractères hébraïques qui y étaient gravés. Je suis intrigué car je ne comprends pas le sens de ces lettres. Mais lorsque le vendeur me dit que c’est une bague kabbalistique, je comprends que c’est l’abrégé de la prière mystique Anna, be-khoah. Mais pour faire tenir toute cette prière sur une petite bague il fallait se contenter des initiales de chaque ligne. Connaissant cette prière par cœur puisqu’elle fait partie de la liturgie quotidienne, j’en fournis la traduction française à ma fille… Laquelle ne comprenait pas vraiment le symbolisme kabbalistique qui se trouvait derrière le sens littéral.

Disons un mot de l’arrière-plan culturel et historique de cette prière dont l’auteur est anonyme mais dont nous pouvons affirmer avec certitude qu’il était acquis aux principes de la kabbale lourianique. Il fonde toute son entreprise sur le Nom divin de 42 lettres dont nous parle la littérature talmudique. Cette prière compte sept lignes avec six mots par ligne. SI vous faites la multiplication, vous obtenez le chiffre 42 dont nous venons de parler.

Il ne faut pas perdre de vue que la kabbale a un double aspect : spéculatif et intellectualiste, d’une part, et pratique ou magique, d’autre part. L’effet de cette bague sur celui qui la porte au doigt est supposé absolument bénéfique. La bague ainsi incrustée est censée vous protéger de tout mal. Certains ont même placé ce texte de la prière magique dans des amulettes dont on munissait les enfants et les femmes enceintes, afin de les protéger du mauvais œil. Mais ici, il s’agit de maux bien plus graves puisque, comme on va le voir dans la traduction commentée, on implore l’assistance divine pour toute une communauté ou pour tout un peuple.

On va proposer une traduction commentée de ce joyau de la mystique juive populaire, et surtout dans le domaine de la mystique de la prière. Chacun sait que par l’intermédiaire des sefirot, espace de la divinité créatrice des cieux et de la terre, on peut pratiquer, exercer une certaine théurgie, c’est-à-dire que par nos prières et oraisons nous pouvons peser sur les décrets divins ; et s’ils sont menaçants, nous pouvons détourner de nous leurs effets nocifs . Tel est le but proclamé de cette brève prière, résultat de la ferveur d’un kabbaliste d’obédience lourianique. Tant d’aspects de la doctrine kabbalistique de Louria plongent leurs racines dans ces démarches quasi magiques. En invoquant la juste sefira qui correspond à telle demande ou à telle autre. La lurianisme a toujours affectionné cet aspect surnaturel, comme, par exemple, la transmigration des âmes sur laquelle nous reviendrons une autre fois.

Les liturgistes juifs ont une particularité : ils cherchent à disparaître derrière leurs créations. Ils se veulent les fils de la tradition et ses serviteurs.

La tradition veut attribuer cette belle prière à un tanna, maitre de la littérature talmudique, rabbi Nehunya ben ha-Kana, auquel d’aucuns attribuent aussi le Sefer ha-Bahir, le premier grand livre de la kabbale , avant même le Sefer ha-Zohar. J’opte pour un kabbaliste anonyme de l’époque du Ari (Zal) ou qui lui est postérieure. Il y a là une mystique des lettres qui est omniprésente et dont les kabbalistes se grisaient. Les adresses à Dieu correspondent à des fonctions séfirotiques précises. On sent aussi l’action de la kawwana, de l’intention profonde, laquelle est requise quand on prie. L’une des caractéristiques les plus marquantes de la kabbale du XVIe siècle n’est autre que la mystique de la prière qui hâtera la fin, la venue de l’ ère messianique c’est-à-dire la clôture de l’histoire afin de passer à l’ère messianique, à la métahistoire.

Une sorte de paradis sur terre, gan Eden alé adamot

 

Traduction :

De grâce, par la grande force de ta droite, libère nous de l’oppression

Exauce la prière de ton peuple, exalte le, purifie le, toi le redoutable

De grâce, toi qui es brave, préserve comme la pupille de l’œil ceux qui rendent culte à ton unicité

Bénis les, purifie les, récompense les de ta justice miséricordieuse

Toi le fort, le saint, , par ton souverain bien, conduis ta congrégation

Toi l’Unique, tourne toi vers ton peuple qui mentionne ta sainteté

Exauce notre prière, écoute notre imploration, toi qui sait élucider les mystères

(Béni soit le Nom de la dignité de sa royauté, à tout jamais)

 

Commentaire succinct :

La droite, c’est le côté droit de l’arbre kabbalistique ou de l’homme primordial (Adam kadmon), symbole du masculin, de la bonté et de la grâce dispensatrice des bienfaits, contrairement à la gauche, côté de la femme et de la rigueur implacable du jugement.

Pour libère nous de l’oppression, le champ est vaste : s’agit-il de racheter des âmes juives retenues prisonnières par des pirates ? S’agit il d’une expulsion d’une ville ou d’un village ? En tout état de cause, on est en présence d’un grand danger.

Préserve nous comme la pupille de l’œil. C’est-)-dire que le danger requiert une vive inquiétude et des moyens adaptés pour obvier ai mal.

Quand on parle d’unicité de Dieu on critique évidemment la doctrine trinitaire, lea divinité trine du christianisme

Bénis les, purifie les… Il s’agit peut-être de martyrs qui ont perdu la vie pour ne pas abjurer leur foi juive. On parle aussi de rahamim, les consolations, ce qui laisse présager des victimes passées de vie à trépas.

Par ton bien souverain : le salut ne peut provenir que de Dieu ont on implore la protection.

Qui sait élucider les mystères : cela fait penser à l’adage rabbinique selon lequel le salut divin ne prend guère plus de temps que le battement de cils.

 

 

 

 

 

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