Christiana Figueres et Tom Rivet-Carnac ; Inventons notre avenir (Albin Michel)
Ce livre ou plutôt ce catalogue se veut un grand cri d’alarme, lancé par deux personnalités qui prennent très à cœur le changement climatique et l’avenir, largement compromis, selon eux, de notre planète. Le lecteur gentil comme moi ne comprendra pas cette véhémence qui éloigne plus qu’elle n’attire. Mais quand on défend une cause, de manière intelligente, il faut prendre à cœur de ne pas exaspérer ou menacer des pires sanctions d’éventuels lecteurs qui préféreront attendre tranquillement chez eux l’apocalypse qui va s’abattre sur eux et condamner l’humanité à une mort quasi certaine. Puisqu’on ne peut plus rien faire ; alors que si on y va prudemment, on pourrait alors vraiment inventer avenir…
Christiana Figueres et Tom Rivet-Carnac ; Inventons notre avenir (Albin Michel)
On aura compris quels sentiments contradictoires la lecture de ce livre-brûlot a éveillé en moi. Trop, c’est trop. Je sais qu’il faut tirer au canon pour éveiller des congénères plongés dans un profond sommeil, je sais que la planète brûle tandis que nous regardons ailleurs, mais de grâce un peu de commisération pour une planète qui se meurt de sa propre faute.
Ce qui se présente fort bien dans ce livre, c’est l’introduction. La situation est exposée de manière sobre et presque scientifique ; les auteurs nous laissent le choix entre deux scenarii : l’un catastrophique si on ne fait rien, si on persiste dans ses erreurs d’un développement anarchique et peu regardant sur les moyens,, l’autre invite à emprunter le chemin de la retenue et de la raison. Ne pas se lancer dans une croissance qui détruit tout sur son passage, où plus rien ne repousse. Bref, la voix de la mesure, de la raison et en définitive de la vie.
C’est après que tout se gâte car le style devient excessif , comminatoire et presque caricatural. C’est triste, car avec de tels moyens les partisans de la protection de l’écosystème jouent contre leur camp. C’est particulièrement vrai quand on a fini de lire le premier chapitre.
J’ai souvent eu de bons sentiments pour l’écologie mais guère de sympathie pour ses représentant patentés. Je ne dis pas qu’il ne faut pas tenir compte de ce livre mais j’avoue avoir hésité à en achever la lecture intégralement. Il faut sonner l’alarme mais sans confondre vigilance et alarmisme. Tout ce qui est excessif est insignifiant, c’est bien connu. Je n’ai pas manqué de sourire en lisant les quelques lignes que le livre consacre à la situation à Paris et dans l’île de France… Or, j’y vis depuis plus d’un demi siècle et je ne sache pas que nous soyons menacés par la disette ou les inondations récurrentes. Certes, tout n’est pas faux mais ce livre relève plus de la militance que de l’observation objective des causes et des effets. Je reconnais qu’il y eut des canicules qui ont emporté des milliers de personnes âgées, mais tout de même la situation est gérable.
Certes, si on ne fait rien, on fonce vers la catastrophe ; il est aussi indéniable que les gaz à effet de serre doivent être surveillés comme le lait sur le feu et que les changements climatiques deviennent dangereusement répétitifs. Je pense aussi que les décisions prises en 2015 à Paris doivent être suivies pour la plupart. Mais encore une fois sans cette cascade de malheurs qui s’battront sur nous. J’ai eu l’impression de lire les interminables jérémiades bibliques où un prophète prêche dans le désert. On n’en est pas encore là, loin s’en faut.
Mais, grâce au Ciel, le ton change dans la suite de l’ouvrage. C’est pourquoi j’en achevé la lecture avec joie.
La réchauffement climatique est un danger réel qui renferme en lui une nuée d’autres menaces pour le genre humain. Les auteurs ont raison de souligner cela mais ils exagèrent nécessairement quand ils font une projection dans l’avenir. Or, nul ne sait comment notre plan !te évoluera vraiment. Ces projections qui toutes brillent par leur pessimisme foncier font froid dans le dos. Je ne nie pas qu’il faille réduire les émissions de CO2 pour parvenir à la neutralité carbone, mais tout est dans la façon de le dire sans agiter d’insupportables menaces. J’aurais aimé que tout le livre fût rédigé sur le modèle de cette phrase extraite de l’introduction : Autrement dit, l’homme est, pour la première fois, dans l’histoire, la cause principale d’un bouleversement sur la planète. Voilà qui est dit, et bien dit.
Une large partie du défunt vingtième siècle se caractérise par une course désordonnée vers l’industrialisation, voire le pillage des ressources de notre planète. C’est un peu comme la surpêche ou la surexploitation des richesses du sous sol. Un grand sociologue du milieu des années cinquante, Georges Friedman, opposait justement dans un ouvrage qui fit date, l’opposition entre le pouvoir et la sagesse. En temps normal et en présence d’une humanité civilisée et équilibrée, l’un aurait dû mitiger l’autre.
Il nous faut donc recréer un monde qui corresponde mieux à nos projets de développement. Il faut changer de cap car si on laisse faire, des millions d’hommes et de femmes seront obligées de quitter le littoral qui va passer sous les eaux, en raison de la fonte des glaciers. On crédite ici la ville de Madrid d’un bon comportement vis-à-vis de l’environnement ; et une telle attitude semble aussi avoir une influence positive sur les gens qui apprennent à mieux se connaître et à favoriser les bonnes relations entre voisins. Nos moyens de transport, gros consommateurs en énergie fossile, ont été revus dans un sens plus responsable. Enfin, quelques perspectives optimistes.
Le marché de la voiture électrique est survolté, pour reprendre le jeu de mot très apprécié d’un journaliste de C-News. Mais par delà les effets de la communication, on enregistre, même aux USA, un réel élan vers des voitures propres. Le diesel jadis paré de toutes les voitures, est en nette régression et sa disparition est programmée, à moins que tout ne trompe. Il est juste de dire que l’urgence climatique nous a révélés à nous-mêmes…
Face à une tel travail, à une œuvre quasi pharaonique, l’être humain subit une phase de découragement ; les auteurs nous donnent la recette pour venir à bout de ce travail et chasser victorieusement le défaitisme; il faut un optimisme indestructible, de l’abondance et de la régénération. A ces trois notions sont consacrés trois chapitres où les auteurs expliquent sereinement que changer l’environnement n’est possible que si, parallèlement, on subit soi-même un changement intérieur. Il est inconcevable que le monde change sans que l’humanité ne change à son tour pour accompagner cette évolution. Autrement dit l’écologie est un humanisme. Pourquoi pas ?
Ou une philosophie de l’écologie. Il faut des valeurs qui se confondent avec celles qui sont fondées en raison. L’humanité ainsi régénérée ne peut pas foncer tête baissée, vers sa destruction inéluctable. Consciente des dangers qu’elle court, elle s’oriente différemment et prône un autre type de progrès. Ce que nous lissons ici sur l’absurdité des compétitions duales, où l’un des deux compétiteurs doit rester sur le carreau pour que l’autre puisse savourer sa victoire. Ne pouvons nous pas sortir de douloureux tête-à-tête ? Jeter les fondements d’une saine émulation où les deux sont déclarés gagnants ? C’est très séduisant mais je ne vois pas on pourrait y avoir.
Sur la régénération, les auteurs font des observations intéressantes : Le jardin d’Eden n’est plus… C’est pourquoi il faut créer un jardin d’Intention, un anthropogène délibérément régénérateur. En somme, réparer ce que l’homme par son activité insensée, est si gravement endommagé.
Le livre développe dix actions déterminantes, censées tout changer ou tout remettre en bonne place : Ce que nous vous demandons n’est pas rien. Il ne s’agit pas d’apporter des corrections mineures à votre mode de vie, même si c’est important. Il s’agit de revoir complètement vos priorités, en développant les qualités déjà évoquées et en s’en servant comme tremplin pour créer un nouveau monde, dans lequel on pourra tous réussir…
Dix actions que les auteurs appellent de leur vœux et de leur feu vont de l’adieu à l’ancien monde jusqu’à l’engagement politique, en passant par le culte de la vérité, la plantation d’arbres, l’égalité hommes / femmes, la recherche d’un nouveau sens de l’existence, etc…
En somme, changer l’homme. Mais comment faire ? Rappelons nous de la métaphore présente dans le Midrash mais aussi dans les Evangiles : le mal est enraciné dans l’âme de l’homme comme la levure dans la pâte à pain.
En chacun d’entre nous sommeille le triste désir de dépasser les autres, de les subjuguer, de les asservir parfois même… En fait, il faudrait plus d’amour, amour de l’autre, amour de son environnement et amour de soi, là où domine hélas, la haine de soi.