François de Rugy, Du pouvoir, des homards… mais surtout de l’écologie (Plon)
Je ne me sentais pas tenu de parler de ce livre-confession, écrit par un ancien ministre et président déchu de l’Assemblée nationale ; il s’agit donc du troisième personnage de l’État, victime d’une incroyable cabale. Mais en dépit d’un sentiment de sympathie, je ne comprends pas que cet homme, qui n’en est pas à son baptême du feu politique, se dise étonné de ce qui lui arrive. Certes, la classe politique édicte ses propres lois dont la toute première exclut l’amitié, la fidélité et la sincérité. Ce que je dis est assez sévère mais juste. Dans les partis politiques, dans les gouvernements, dans toute créature disposant d’une parcelle d’autorité ou de pouvoir, c’est la même logique qui a cours : le vizir veut devenir calife par quelque façon que ce soit... Et pour y arriver, on n’est pas regardant sur les moyens. Il est vrai que le spectacle de la chute de ce militant écologiste de la première heure fut assez navrant. Et le rôle d’une certaine presse dans cette affaire n’est pas à l’abri de toute critique. A l’aide de quelques photographies prises à la dérobée, on a provoqué un changement à la présidence de l’Assemblée… Ce n’est pas glorieux.
François de Rugy, Du pouvoir, des homards… mais surtout de l’écologie (Plon)
Mais cette méthode renseigne aussi sur les écologistes et leur façon de faire de la politique. Parmi ceux qui se sont réjouis de la chute du dirigeant écologiste, il n’y avait pas que des adversaires de l’écologie mais bien quelques fervents partisans de ce mouvement qui s’accusent les uns les autres de ne pas servir convenablement la bonne cause…
Ce livre a un caractère confessant, suite au traumatisme subi par un ancien ministre qui veut se justifier et qui en a le droit. Il est indéniable qu’une certaine presse a bafoué la plus élémentaire des règles déontologiques en s’en prenant à lui et en le présentant comme un privilégié et un profiteur alors qu’il vient d’une milieu modeste, que ses parents font partie de la classe moyenne et qu’ils durent consentir un grand sacrifice financier afin de permettre à leur rejeton d’aller étudier à la Fondation des sciences politiques à Paris… Le lecteur ne restera pas indifférent à tout ce narratif.
Ensuite, il y a la lente promotion sociale, la fidélité sans équivoque à l’écologie, une prédilection dans laquelle ses parents avaient prouvé leur attachement inconditionnel, avant même que cette branche politique ne soit à la mode… Arrive enfin le coup de fil le moins attendu mais le plus souhaité : on lui propose de devenir secrétaire général du groupe des élus écologistes à l’Assemblée. C’est le grand départ, et dix ans plus tard, il siégera à son tour sur le banc des députés de la nation.
Quand il passe en revue tout ce qu’il a fait durant ces longues années, l’auteur dénonce à raison le sectarisme et la grand versatilité de ses collègues écologistes. Il suffit de recenser le nombre de nouvelles formations se réclamant de l’écologie pour s’en convaincre… En fait, il faudrait que chaque parti politique reprenne à don compte un certain programme dans ce secteur si sensible pour se passer d’un parti purement écologiste. Ainsi, on palliera aux défauts congénitaux de ces militants qui ne savent pas faire de la politique, étant entendu que cet art est l’art du possible et non des concurrences idéologiques. Celles-ci paralysent l’action au motif que celui qui veut tout prendre finit par tout laisser… D’ù ces démissions soudaines du gouvernement, ces départs du parti et ces fondations de structures nouvelles privées de toute représentativité, etc…
Mais il faut bien reconnaître que l’exercice du pouvoir, surtout en France, est nettement plus difficile et plus périlleux que la conquête de ce même pouvoir. Et sur ce plan, les écologistes méritent, eux aussi, une certaine indulgence dont malheureusement ils n’ont jamais su profiter…
Au fur et à mesure qu’il avance dans son déroulé des événements qui ont jalonné sa vie ministérielle François de Rugy expose le quotidien d’un ministre de l’écologie au sein d’un gouvernement qui considère cet aspect de la vie nationale comme négligeable, à vrai dire. Ce que je retire de ce long plaidoyer, c’est que l’écologie n’a pas encore trouvé les meilleurs défenseurs de sa cause. L’ancien ministre, auteur de ce livre-confession l’admet sans peine.
En revanche, ce qui frappe le lecteur naïf ou non averti, c’est l’individualisme qui caractérise chaque élu et chaque membre du gouvernement. Chacun ou chacune sauve d’abord sa tête avant de penser à la collectivité et à la France. Peu de gens tiennent parole, jusques et y compris au plus haut sommet de l’État… Ce qui n’est pas peu dire.
La toute dernière partie de l’ouvrage se nomme : proposer. C’est bien et c’est utile, mais le problème est que les partisans de l’écologie ne veulent pas se soumettre aux pratiques politiques courantes. J’ai été sidéré de lire que les intendants du ministère, interrogé sur la durée requise pour des réparations sérieuses et urgentes répondent : environ deux années Monsieur le ministre !! La France, ce pays volontiers frondeur ( les Gilets jaunes) se montre rétif aux réformes , il les souhaite chez le voisin, pas chez lui
Ce livre est intéressant à plus d’une titre car il expose une vérité humaine, celle d’un homme victime d’une cabale incroyable, fomentée par un petit groupe de jaloux et d’envieux ; ce livre montre aussi que presse a encore et toujours un problème avec l’éthique de vérité dans l’information. La direction politique d’une cité est un mal nécessaire, mais ceux qui prennent cela en charge ont aussi droit à quelque estime et considération. Sinon qui se sacrifiera ?