Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Richard Wagner, Le cornet brun. Journal intime (1865)1882). Gallimard

Richard Wagner, Le carnet brun. Journal intime (1865)1882). Gallimard

Richard Wagner, Le cornet brun. Journal intime (1865)1882). Gallimard

 

On l’oublie parfois mais l’ascension des plus grands artistes mondiaux,  écrivains, champions de toutes disciplines, ne se fait pas sans accrocs ni peines à surmonter de manière diverse. Tous n’y réussissant pas de manière globale ou informe. Et ce que raconte ce fameux Carnet brun offert à Wagner par Cosima, épouse von Bülow et fille de Liszt, ne fait pas exception à cette règle. Wagner se plaint de ses tentatives manquées, de sa malchance et pense même qu’une adversité fataliste pèse sur lui et expliquerait ses projets inaboutis en matière musicale. Par contre, on découvre un homme très sensible à l’amour puisqu’il  ne pourra pas résister longtemps à Cosima, l’épouse légitime d’un célèbre chef d’orchestre, devenue sa maîtresse.

 

De quoi s’agit-il et comment s’explique ce titre un peu énigmatique ? Cosima était l’épouse d’un chef d ‘orchestre Hans von Bülow qu’elle trompait depuis au moins deux ans avec le célèbre compositeur Richard Wagner. Comme cette relation allait en s’aggravant, Liszt, le père de Cosima décida  d’emmener avec lui en Hongrie, sa fille et son gendre Hans von Bülow. Désireuse de ne pas se faire oublier par son amant, Cosima lui offrit ce fameux carnet relié de cuir brun, et muni d’une petite serrure. Ce cadeau devait permettre à l’amoureux transi qu’était Wagner d’y consigner par écrit toutes ses réflexions et faire vivre sa passion amoureuse... L’histoire de ce carnet est assez curieuse car ce texte ne fut rendu public qu’près la mort de son auteur et Cosima en confia la garde à sa fille Eva qu’elle eut avec Wagner. Sans trop entrer dans les détails, le carnet ne fut rendu public qu’en 1975, Eva Wagner l’ayant remis à la fondation Wagner de Bayreuth. Dès  lors, il connut quelques traductions en langue européennes mais c’est la première fois qu’il a une traduction française intégrale.

 

Que contient ce précieux  journal intime ? Toutes sortes de choses et notamment des textes évoquant les chefs-d’œuvre du célèbre compositeur, des poèmes et selon moi d’interminables plaintes évoquant  la femme aimée, devenue lointaine et inaccessible. L’auteur se plaint sana arrêt de son mauvais état de santé, de ses échecs artistiques et du mauvais sort qui s’abat  sur lui avec prédilection. Quand il se décide par exemple à confier tel ou tel rôle pour l’un de ses opéras, le chanteur retenu meurt soudainement alors que rien ne le laissait prévoir. IL y eut aussi des soucis d’argent, des difficultés de fins de mois et des déconvenues professionnelles, notamment à Zurich.  Après quelques années de détresse, Wagner reprend le dessus, même s’il écrivit , au plus fort de la tempête, Je suis au bord du gouffre... Le salut et la reconnaissance qui avaient tant tardé finissent par arriver ; le roi Lois II de Bavière le prend sous son aile protectrice, lui commande deux opéras et en fait son proche  conseiller artistique. Mais cela ne suffit pas à lui rendre sa bonne humeur ou un peu de joie de vivre : il ne peut pas vivre sans Cosima et suggère dans le secret de son journal à son marie Hans von Bülow de lui céder la femme qu’il aime...

 

Voici une brève mais torride citation :

 

Dans l’amour ? Oui mon âme par amour, pour moi, ma femme, Bien sûr que c’est possible, je le sens déjà, c’est toi qui fait  jaillir l’œuvre de mon âme, mas pour cela, accorde)moi la paix ! Reste auprès de moi, ne pars plus... Dis seulement à ce pauvre Hans que je ne peux plus continuer comme cela.. O Ciel, si tu pouvais être ma femme dans le monde.   (...) La âix ! La paix !

 

De telles déclarations se passent de commentaires, tant elles sont univoques : le compositeur ne peut plus se passer de son égérie ; son génie créatif a besoin de Cosima laquelle finira par divorcer et épousera l’auteur de L’or du Rhin...

 

Même s’il n’en parle pas beaucoup dans ce carnet brun, Wagner a développé des idées politiques très claires. Il a vécu les révolutions de 1848 qui ont toutes échoué. Cela a déclenché chez lui de tristes  considérations sur la destinée de l’espèce humaine, l’avenir de l’Allemagne, les relations avec la France, etc... Mais dans ce carnet, on est confronté à l’homme et à l’artiste, sa conception du monde, sa place dans la société... C’est un journal intime, on y trouve, certes, quelques considérations d’ordre  politique, mais c’est surtout la dimension humaine qui est ici privilégiée.

 

On ne parlera pas ici de l’antisémitisme de Wagner qui fit fuir le jeune Nietzsche  qui dénonçait une telle présence dans l’entourage du grand compositeur. Mais Wagner était pragmatique : tout en dénonçant la présence juive dans la musique de son temps, il n’hésita pas à confier l’une de ses œuvres à des chanteurs juifs. Une autre chose a très gravement desservi l’auteur de Tannhïsuer,  je pense à l’admiration que lui portait Hitler. Mais là je rejoins l’ancien président de la RFA Walter Scheel qui disait ceci : que pouvait faire Wagner si Hitler l’aimait bien...

 

 

Les commentaires sont fermés.