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Bénédicte Bonzi, La France qui a faim.  Le don à l’épreuve des violences alimentaires. Le Seuil, 2023

Bénédicte Bonzi, La France qui a faim.  Le don à l’épreuve des violences alimentaires. Le Seuil, 2023

Bénédicte Bonzi, La France qui a faim.  Le don à l’épreuve des violences alimentaires. Le Seuil, 2023

 

A simplement feuilleter ce livre de plus de 400 pages, on a la chair de poule, on frissonne ; un Français sur dix ne mange pas à sa faim, dans un pays classé cinquième ou sixième puissance mondiale. On se souvient de la chanson de Coluche sur les restos du cœur, en 1985. Près de quatre décennies après ce geste fondateur, le mal s’est aggravé. Les files d’attente sont interminables et les secteurs les plus fragiles de la société française ont recours à l’aide alimentaire. On pense notamment aux étudiants confrontés à cette difficulté de se nourrir correctement. Par-delà ce livre très complet et très bien documenté, les jeunes gens reconnaissent à la télévision qu’après avoir payé leurs factures, il leur reste très peu pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Mais il n y a pas que les étudiants qui ont des difficultés économiques, il y a le cas des agriculteurs qui, dans certaines situations, ne peuvent vivre de leur labeur, même quand ils se donnent le plus grand mal pour s’en sortir.

Comment obvier à cette insuffisance ?

 

Il y a le don, l’appel à la générosité et les grandes manifestations télévisuelles ou radiophoniques qui sensibilisent les gens avec un certain succès. Mais cela ne suffit toujours pas. Car l’instabilité politique mondiale, i.e. la guerre en Ukraine, a fouetté l’inflation qui bat des records, notamment pour ce qui est des denrées alimentaires  de base (farine, sucre, huile, lait, et...). Mais les bénévoles qui se dévouent à la cause des pauvres et des nécessiteux ne sont pas toujours satisfaits des réactions des institutions étatiques. Exemple : les bénévoles demandent à qui de droit un lit pour un sans domicile fixe par une nuit de très grand froid et qui se voit répondre par la négative. Or, sans lit, c’est la vie du demandeur d’aide qui est en jeu. Cas de conscience, si vous acceptez ce refus sans insister vous condamnez cet être humain à mort. Mais pouvez vous le faire plusieurs fois la même nuit ou le même soir ?

 

Les bénévoles et les grandes associations ne cherchent pas seulement à secourir, il faudrait traiter le mal à la racine, prendre le taureau par les cornes. Faire en sorte que de telles situations d’urgence ne se présentent plus. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on serait condamné à subir les mêmes tragédies.

L’auteure montre que ce type de famine, puisqu’il s’agit d’une insuffisance d’ordre alimentaire, s’invite dans notre société non pas une seule fois, occasionnellement, mais sur la durée. Les salariés qui ne vivent plus de leur travail ne sont plus les seuls à recourir à l’aide publique ou à faire la queue devant les centres de distribution de la Croix-Rouge ou d’autres institutions caritatives...

 

Toute cette affaire aurait pu ne jamais exister ni surtout survivre à la mort de son fondateur, sans ce dernier, je veux dire l’humoriste Coluche. C’est cet homme avec son charisme mais aussi ses points faibles, qui a lancé le mouvement. Un mouvement qui a failli tournebouler le système politique de ce pays. on pense évidemment à son intention de se présenter à l’élection présidentielle. Son intention n’était pas si extravagante que cela puisqu’il s’agissait de rénover l’action politique, la rapprocher des citoyens, en somme de fonder un nouveau mode citoyenneté. Faire de l’humour ne prépare pas nécessairement à faire de la politique, même quand il s’agit de s’en moquer. Même s’il ne s’agit que de participer de manière symbolique, cela implique toute une structure avec des gens qui savent faire et qui ont la formation qui convient afin de gérer une grande campagne électorale. Coluche a manifesté maintes fois des velléités de ne pas se laisser récupérer par les «sachants»s, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser des scores encourageants. Malheureusement, la Providence ou un malencontreux hasard en a décidé autrement ; Coluche fut victime d’un accident mortel de la route qui scella sa vie terrestre. Mais comme je le notais plus haut, la graine qu’il a semée a continué de germer et chaque année une grande chaine de télévision nationale organise une soirée au cours de laquelle des fonds importants sont recueillis pour maintenir en vie l’idée de Coluche.

 

Il faut s’adapter aux circonstances historiques puisque tout ce qui existe sous la lune est soumis aux lois de l’évolution. Les modes de recrutement des bénévoles, les incitations fiscales n’ont plus rien à voir avec ce qui avait cours du vivant de Coluche.  Il faut donc mieux organiser la levée de fonds au service de cette cause sacrée qui est de nourrir les affamés. Cette injonction revêt aussi un caractère religieux puisqu’un prophète comme Isaïe (VIIIe siècle avant notre ère) recommande de tendre sa nourriture à celui qui a faim (halo paros la ra’év lahmékha). La Bible nous a conservé toute une législation sociale qui reflète l’état de la société de son temps : ne pas glaner les épis qui jonchent le champ afin que les pauvres puissent les ramasser et ne pas mourir de faim. Par ailleurs, même le livre du Deutéronome (24,2) veut bien admettre que la pauvreté ne disparaitra pas de la terre. C’est donc une lutte de longue haleine que nous devons mener et Coluche, dans le même esprit, a reconduit année après années cette bataille contre la précarité, l’indigence et le sous-développement. C’est la notion judéo-chrétienne de partage qui a diffus ses effets bienfaisants dan toute notre civilisation.

Ce livre traite el sujet en profondeur et il m’est  impossible d’entrer dans le détail ; mais il convient de dire que la lutte contre la pauvreté, et notamment les carences alimentaires, se déploie désormais à un niveau européen et se trouve régie par des défiscalisations au niveau européen. Il convient de s’en féliciter. Quand on parle de ces sujets, on s’imagine mal comment il faut préserver la bonne qualité des stocks d’aliments, notamment de fruits et légumes. Il faut respecter la chaîne du froid, trier les fruits et les légumes et ne retenir que ce qui en vaut la peine. On n’évolue plus au niveau local mais national, voire européen.

Le livre souligne aussi la nécessité de mettre progressivement un terme aux sociétés inégalitaires où les pays du Sud ne sont plus livrés à eux-mêmes. Il faut aussi mieux gérer les surplus, les excédents, et transformer en produits finis ce dont on n’a plus besoin. La nécessité s’est faite sentir de transporter toutes cette aide aux quatre coins de la planète, s’il le faut. Enfin, on commence à réguler la collaboration avec les supermarchés qui sont invités à ne plus rien jeter alors qu’au coin de la rue des nécessiteux pourraient en bénéficier et soulager leur misère. J’ai été profondément choqué par l’absence de papier toilette dans certains cas alors que cela participe de mesures d’hygiène les plus élémentaires.

C’est une tâche titanesque qui nous attend mais ce que cherche ce livre c’est de lancer un vaste programme pour que cette pénurie alimentaire ne devienne pas un paysage familier dans nos sociétés du Nord et de l’Ouest.

J’ai conscience de pas avoir entièrement  rendu justice à cet ouvrage, faute de place. Mais je lui ai consacré une certaine place. La notion de don qui le parcourt de part en part est une notion complexe, ce terme est un mot-valise qui présuppose tant de choses. Je dirais, pour finir (mais sans conclure) qu’un minimum d’éthique est nécessaire dans l’édification d’une société humaine ; sans un minimum de solidarité éthique avec l’Autre, la société n’est plus humaine...

 

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