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Tolstoï,  La matinée d’un gentilhomme rural. Gallimard

Tolstoï,  La matinée d’un gentilhomme rural. Gallimard

Tolstoï,  La matinée d’un gentilhomme rural. Gallimard

 

Cette belle nouvelle s’ouvre sur un échange épistolaire entre un jeune aristocrate, bien né et bien noyé qui décide de se confier  à sa tante qui est aussi sa confidente , et la réponse de cette dernière qui lui exprime son es réticences concernant le nouveau projet de vie de  son  neveu : alors qu’il envisage très sérieusement de quitter ses études universitaires et de se consacrer à la terre, aux côtés des paysans qui sont à son service dans son vaste domaine, ce qu’il croit être sa vocation propre, sa tante lui répond immédiatement en le mettant en garde contre ce qu’elle qualifie d’enfantillages. On sent ici une nouvelle opposition entre un être jeune, innocent, idéaliste, d’une part, et une femme d’âge mûr, une quinquagénaire qui a vécu tant de choses et n’a plus aucune illusion sur la nature humaine. Grosso modo, sa critique se porte sur une idée majeure : il est illusoire de vouloir faire la bonheur d’autrui.   On a affaire à deux écoles de la vie : l’une, incarnée par un être jeune, désireux de fonder un peu de justice et d’équité sur cette terre, et une autre personne, une adulte qui en a vu d’autres et qui sait, comme le dit le livre du Deutéronome que l’indigent  le pauvre, ne disparaitra jamais du centre de la terre. (Ki lo yhdal ha éviyon mi-qérév ha aréts)

 

Une image a retenu toutes mon attention, c’est l’allusion au jour où chacun d’entre nous devra rendre compte de ses actions sur terre devant le tribunal céleste. C’est la foi en une justice outre-tombe, le passage sur cette terre n’st pas suivi par rien, selon le jeune homme qui n’a pas encore vingt ans, il existe quelque chose après la mort du corps et qui lui servit. Il dit expressément qu’il est comptable de la vie de ces centaines de paysans qui sont à son service et dont il devra rendre compte au pied du trône divin.

 

La tante, destinataire de la lettre, développe longuement son propre point de vue qui est aux antipodes de celui de son neveu. Elle ne saisit pas du tout l’élan qui anime le geste de ce dernier. Femme d’expérience, elle se méfie de ce genre d’émotion, de changer notre monde, de réparer les injustices car pour elle, le monde est comme il est : il y a des gens qui sont pauvres et malheureux, et d’autres qui ont eu plus de chance. Les idées de réforme sociale lui sont parfaitement étrangères. Et c’est sur cette phrase qu’elle clôture sa réponse : Fais comme tu l’entends, mais je l’avoue, mais je ne peux pas être d’accord avec toi...

 

La tante dit bien qu’elle ne peut pas être d’accord, elle ne dit pas qu’elle ne veut pas, c’est donc un refus bien argumenté et reposant sur des bases solides.

 

Les toutes premières descriptions des paysans sont d’une tristesse absolue. Même endimanchés, même au sortir de l’église où ils ont assisté à la messe, le spectacle offert par les paysans est lamentable. Même pour un dimanche, la pauvreté occupe tout l’espace et les descriptions des objets, du mobilier, de l’environnement sont désespérantes. Et je ne parle même pas des deux enfants qui font semblant de jouer dans la cour de leur taudis avec les odeurs de fumier et d’autres substances malodorantes qui embaument l’air..

 

 On sent que l’on a affaire à deux univers différents, même si le jeune aristocrate est muni d’un carnet de notes où il fixe certains principes et des demandes bien précises. Mais ce qui frappe, ce sont de nouveau les descriptions de ces êtres usé par un dur labeur qui a déformé leurs corps. Ce sont des taches épuisantes qui vous font paraitre le double de votre âge réel. Et ces descriptions prennent des pages et des pages pour bien signifier au lecteur que différents mondes cohabitent sans jamais se rencontrer tout en se croisant, malgré tout.

 

 L’auteur décrit les demandes contradictoires des paysans  qu’il aimerait tant satisfaire. N’entrons pas dans les détails, mais le gentilhomme se faisait une idée irénique de la vie en société et pensait réellement que ses ouailles  feraient preuve d’un peu de sagesse, en se faisant une image globale de la situation. Or, il n’en était rien puisque chacun voulait tout obtenir sans bouger de chez soi, sans le moindre effort. L e meilleur exemple de ces demandes inconciliables les unes avec les autres est lé déclaration du maître selon lequel s’il donnait du bois à tous ceux qui en réclamaient il n’s resterait plus pour lui-même...

 

Les autres échanges entre le jeune patron et ses paysans portent sur le même registre : la vie qui est faite à ces moujiks est insupportable. Ce qui semble aller de soi pour l’aristocrate n’existe tout simplement pas dans l’univers des paysans.

 

La philosophie de cette nouvelle est claire : avec de bons sentiments, on ne peut pas aller très loin. La vertu n’a pas élu domicile chez les moins privilégiés  et pour améliorer son existence, il faut d’abord compter sur ses propres forces

 

Un détail qui peut aider à comprendre le jeune Tolstoï ; il a eu treize enfants...

 

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