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Romain  Slocombe, Une sale Française. (roman) Le Seuil, 2023

Romain  Slocombe, Une sale Française. (roman) Le Seuil, 2023

Romain  Slocombe, Une sale Française. (roman) Le Seuil, 2023

 

Les années d’Occupation continueront encore longtemps à occuper notre esprit et notre vie, en général. C’est un passé qui ne passe pas vraiment. Ici, on a affaire à un cas d’espèce qui est assez original : au lendemain de la guerre, une jeune femme d’origine alsacienne est interrogée sur ces années là par un commissaire de police qui se montre intrigué par ce qu’elle a bien pu faire pendant la guerre. Mais que peut bien chercher ce policier qui abreuve ses supérieurs de procès verbaux des interrogatoires. ?Les autorités destinataires de ces documents ne sont pas de simples fonctionnaires ; il s’agit de la direction générale de la sécurité nationale

 

Issue d’un milieu modeste, mariée et puis divorcée, mère d’un jeune homme dont elle a confié la garde à ses parents, elle est engagée comme femme de chambre dans un petit hôtel dont elle espionne certains clients au point de visiter leurs chambres et  de fouiller leurs bagages durant leur absence. Comme elle est d’origine alsacienne, elle peut se déplacer dans tout le territoire du Reich  et atterrit à Stuttgart où `elle est embauchée  sans difficulté dans un petit hôtel. Ayant gagné la confiance de ses employeurs et même celle de certains clients habituels, elle devient la maîtresse de l’un d’entre  eux, aux côtés duquel elle va voyager, dans l’espoir de franchir la ligne de démarcation en direction de Marseille. Mais son projet est de se rendre en Algérie grâce à l’entregent de son amant qui semble bénéficier d’importants laissez-passer octroyés par les autorités d’Occupation...

 

Je note que la voyageuse remarque le comportement singulier des juifs parmi les réfugiés., autour d’elle. Ce sont toujours des mentions brèves et rapides , en passant. On e se demande comment elle les reconnait et les identifie comme tels. Probablement, les juifs issus d’Europe centrale et orientale, reconnaissables à leur accent... Mais il semble, en avançant dans la lecture de ce roman, que le statut des juifs, leur présence dans les trains, les files d’attente, les associations de bienfaisance, soient un aspect fondamental  du livre... Je retiens le passage où une rafle a lieu dans un quartier de la vielle que la narratrice visite justement : un inspecteur de police en civil demande à voir les papiers et la soupçonne d’être juive. Elle nie avec véhémence mais sans convaincre l’agent qui la laisse partir. Suit un dialogue surréaliste entre un émigré allemand qui se dit artiste et sollicite son aide. Évidemment, lui aussi est juif...

 

Il y a des passages de grâce, surtout lorsque la narratrice souligne que son vœu le plus cher eût été de vivre heureuse auprès d’un homme dont elle ne savait pas grand’ chose. Mais certains indices lui ont montré que cet homme pêchait en eau  trouble, la présence dans sa valise d’un revolver et d’un poignard, et aussi les liasses de billets de banque qui se trouvaient dans ses poches... Sans même parler de ses absences longues et répétées... Elle le dit, elle aurait tant aimé mener une petite vie bien tranquille, à l’abri des grands mouvements nationaux ou internationaux : je n’ai rien demandé...   Mais la guerre et la défaite de le France en ont décidé autrement. Cela symbolise ls fragilité des destins individuels face aux grands bouleversements qui vous arrachent à votre bonheur quotidien que vous ne retrouverez plus jamais. Et dans le cas de cette jeune femme, tous ces malentendus ont tenu à peu de choses : une malencontreuse  homonyme, des erreurs d’archives administratives et surtout un destin aveugle qui finit par vous broyer...

 

La présence de files d’attente inépuisables souligne la difficulté qu’avaient les gens à se déplacer, à obtenir des papiers et à se ravitailler. Mais ce qui frappe le plus, c’est la situation des gens, comme les juifs, doublement punis car pourchassés par la police française au service des Allemands et confrontés aux pénuries, notamment alimentaires.  La survie était un acte d’héroïsme quotidien.

 

Il n’est pas recommandé dire la fin ni le dénouement de l’intrigue, laquelle est assez sophistiquée. Un roman à lire avec patience et attention.

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