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Félicien Faury,  Des éjecteurs ordinaires . Enquête sur la normalisation de l’extrême droite.. Le Seuil, 2024

Félicien Faury,  Des éjecteurs ordinaires . Enquête sur la normalisation de l’extrême droite.. Le Seuil, 2024

Félicien Faury,  Des éjecteurs ordinaires . Enquête sur la normalisation de l’extrême droite.. Le Seuil, 2024.

 

Voici un ouvrage  de qualité  qui traite de manière objective un sujet qui généralement attire et attise les passions, l’extrême droite. Certes, d’autres spécialistes peuvent  critiquer telle approche ou telle autre, mais quand on lit le tout premier chapitre de ce livre, on est étonné de voir ce que représente l’arrière-plan de frustrations vécues ou subies par une certaine fraction de l’électorat français,  et notamment dans le Sud-Est,  Je ne veux  pas réduire cette fracture  politique à un simple jeu de désirs non assouvis. Il s’agit ici de motiver ou d’expliquer le vote RN par des déceptions sociales et politiques, deux catégories dont l’auteur fait abondamment usage. Cela va bien plus loin et s’explique aussi par des relents de caractère raciste, même si je pense, en tant que non-sociologue   que l’auteur a  peut-être un peu  surévalué cet aspect. Certes, et le résultat des élections le prouve régulièrement, les dissensions culturelles (pour utiliser un terme bien inoffensif)  sont majeures et les exigences de pouvoir vivre une vie à la française sont très récurrentes. Et, par la même occasion, les natifs se plaignent de ces apports étrangers que les immigrés cherchent parfois à imposer à la collectivité...

 

J’ai été surpris de lire dans tous les entretiens de l’auteur avec ces électeurs du RN la nature de leurs doléances : tout d’abord les injustices  fiscales, les redistribuions sociales mal orientées, l’attribution de logements sociaux aux immigrés au détriment des citoyens français. Et je ne parle même pas de l‘insécurité, du pouvoir d’achat et du chômage. Mais ce cocktail n’explique pas tout. Ce qui est en cause ici, c’est un ensemble, toute une politique qui a méprisé ces électeurs en raison de leur extrémisme réel ou supposé... Sans jamais parvenir à inverser la tendance.

 

Sans amoindrir les mérites du présent ouvrage, il faut bien reconnaître que depuis au moins quatre décennies, les différents gouvernements se sont très peu souciés du bien-être de cette frange de la population :  On estimait que l’extrémisme devait être combattu, sans répondre aux demandes  précises de cette population spécifique.

 

Par-delà la recherche des causes, proches ou lointaines, il faut évoquer un aspect démenti depuis, par les faits : les partis de droite comme de gauche,s e contentaient de dire que le RN ou le FN n’est pas un parti comme les autres. Et c’est là que le bât  blesse car cette analyse rapide et superficielle a toujours été démentie par les faits : le parti de Marine Le Pen n’a cessé d’avancer et de se renforcer. Pour un parti pas comme les autres, le RN se porte plutôt bien et on prédit un grand avenir à sa présidente, dès 2027.

 

Loin de moi l’idée de tresser des couronnes à Marine le Pen mais j’attends toujours une explication d’un point précis : que faire de ces millions de citoyens français qui accordent leur suffrage au parti dit d’extrême droite ? Sont-ils de mauvais Français ? Sont ils envoûtés par des puissances maléfiques ? Devons nous les rééduquer comme le font d’autres pays «illibéraux» , sous d’autres latitudes ? Cela parait difficilement concevable. La voie la plus saine, la plus logique et la plus juste serait de répondre aux demandes du corps électoral... Certes, les masses ou les peuples n’ont pas toujours raison ais il est déraisonnable de gouverner contre la majorité des citoyens.

 

Jusqu’à présent, les pouvoirs publiques n’ont pas réussi à freiner cette progression continue du RN et aucun sondage ne donne Marine le Pen en baisse ; son parti renforce constamment  son influence pour les élections européennes... Face à cela, l’actuel président de la République feint de s’occuper surtout de problèmes sociétaux (fin de vie, procréation assistée, etc...) C’est méritoire mais le pays attend autre chose. Le pouvoir cherche à combattre la morosité ambiante en parlant des Jeux Olympiques ; et rien n’y fait puisque les sondages contribuent de refléter l’avance du RN.

 

Alors, que faire ? Je l’ignore mais les initiatives prises par le chef de l’État suscitent de plus  en plus l’incompréhension des partenaires européens de la France. Notamment au sujet d’envoi de troupes en Ukraine... Toujours cette conviction d’avoir raison contre tous, d’être plus intelligent contre tous... Samedi dernier, chez Darius Rochebain , Dominique de Villepin a dressé un sévère réquisitoire de la politique du chef de l’État.

 

Il faut tenir compte des desiderata des Français soit en dissolvant l’Assemblée Nationale soit en s’accommodant d’une nouvelle cohabitation car si le président agissait dans ce sens, son parti fondrait comme neige au soleil. Lors des dernières élections présidentielles, n’était la levée de boucliers en masse, le parti de Marine le Pen l’aurait emporté, certes de justesse mais cela ne change rien aux résultats.

 

Pour poursuivre la lecture si instructive de cette enquête sociologique d’une exceptionnelle richesse. Je lis avec sidération les considérations désabusées ou plutôt attristées de ces Français qui assistent impuissants à l’évolution de leurs  résidences où le centre-ville est désert, où la clientèle a changé et ses besoins aussi. Il ne reste plus rien, disent ces électeurs de la «France oubliée», ajoutant que tout est désormais pour eux... Et con devine de qui on parle. Certains enquêtés livrent leur déconvenue, en disant qu’ile n’ont pas les moyens d’aller ailleurs, dans leur propre pays. Et cette hantise du déclassement dont je parle plus haut :  sombrer dans un environnement entièrement nouveau, où règnent d’autres valeurs. Ne plus pouvoir manger certaines viandes parce qu’interdites par la religion.

 

Mais ce livre n’oublie pas de parler aussi de l’islamophobie dont sont victimes les immigrés. L’auteur analyse les composantes  de ce rejet pour savoir si un  élément religieux est à l’œuvre. L’analyse est assez subtile et l’on comprend que le consensus n’existe pas encore quant à l’utilisation de ce terme, l’islamophobie.

 

Il est difficile de conclure mais on peut au moins dire que le vote RH n’est plus un voté honteux. On assiste à une libération de la parole. Il y a peu de temps, un jeune chauffeur de taxi me disait (sans que je  le lui  demande) qu’il allait voter pour le RN, en tout état de cause. La normalisation est en route. Ce qui veut dire concrètement que les alliances avec le RN ne sont plus un tabou. Le cordon sanitaire n’est  plus, qu’on s’en félicite ou qu’on s’en lancette.

 

 

 

    

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