Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien. La première histoire naturelle du lien. Fayard, 2024.
Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien. La première histoire naturelle du lien. Fayard, 2024.
Dès les premières pages de ce livre, le lecteur est fasciné par des développements dont il n’avait aucune idée, précédemment. Distinguer chez les animaux l’existence avérée de tels liens vous laisse bouche bée... Ces goélands, ces chimpanzés, et tant d’autres animaux qui manifestent de l’attachement ou de la considération pour un lien, quel qu’il soit, était parfaitement inattendu. Cela a requis de très longues heures d’observation, donc beaucoup de patience. Mais ce qui est encore plus instructif, c’est la remarque qui montre que l’œil de l’observateur n’est pas innocent mais contribue aussi à finaliser ce qu’on en retire. L’être humain ne se contente pas d’observer ce qui se passe dans le monde anima, il donne à ce qu’il voit des mots qui véhiculent chez nous des valeurs propres à l’homme. Un bébé chimpanzé qui s’accouple à sa mère ou qui s’interdit de le faire, sous certaines conditions, nous oblige à définir cet acte selon nos propres représentations... Et parler dans ce cas précis, d’inceste, ce qui est hors de propos.
Cette remarque me rappelle quelque chose qui n’a, en apparence, rien à voir avec notre sujet. Dans l’univers des humains, il existe des êtres qui se distinguent des autres et auxquels on vient souvent demander conseil. C’est le cas des hassidim tels que les décrit Martin Buber (mort en 1965) qui définit cette humanité d’exception ainsi : des êtres qui sont conscients des rapports que les choses entretiennent entre elles... Ce qui leur permet d’envisager l’avenir, de prévoir ce qui va se passer et cet effet sur le monde et sur leur monde. Le lien des choses entre elles... N’est ce pas là notre sujet, mais transposé au monde animal ?
Le point qui explique la nature de ce lien, c’est la présence de l’animal considéré, comme un individu dans son lieu naturel. Pour l’être humain, on réalise une nouvelle fois que la vie humaine commence dès la première gestation intra utérine. Et ces conséquences, aux dires de l’auteur, durent toute la vie. Curieux déterminisme et l’on doit lutter de manière considérable pour passer de la nature à la culture.
C’est le plus grand défi auquel l’homme doit se mesurer, qu’il le veuille ou non. Le patrimoine de l’homme est fait d’acquis et d’innée ; et c’est cette seconde dimension que l’être maîtrise le moins bien.
La vie ne commence pas, elle ne s’arrête pas, non plus,, elle continue tout simplement, avec ou sans nous. J’ai noté des développements intéressants sur l’imaginaire qui s’est emparé du ventre des femmes. Et pas seulement, aussi sur les bébés qui meurent prématurément. Le ventre de la femme peut être un jardin, mais aussi, hélas, un tombeau. Cette mortalité enfantine a aussi posé un problème religieux : pouvait-on laisser ces âmes mortes, quitter notre monde, sans baptême ? Fallait il les baptiser alors qu’ils n’avaient pas encore quitté le giron maternel ?
B.C. nous dit aussi qu’il y a de nombreuses façons de naître... Le jour de notre naissance n’est pas le premier jour de notre vie... écrit l’auteur. Bien des choses qui entourent cette naissance se sont déjà produites, bien avant cette mise au monde. Proprement dite... On sent ici l’empreinte de la psychanalyse qui nous enseigne que nous avons plusieurs vies ou types de vie. La place du sexe à présent. On ne s’en rend pas toujours compte mais chaque présentation entre deux êtres commence par une indication portant sur l’idée sexuelle : Voici Monsieur, voici Madame ou Mademoiselle.
On ne peut pas reprendre tous les développements de l’auteur qui aborde toutes sortes de sujets en relation avec les liens. Il passe d’un thème à l’autre, sans continuité évidente. Cela n’amoindrit en rien la pertinence de ses propos mais constitue une difficulté réelle pour qui veut rédiger une recension digne de ce nom... En outre, le lecteur non spécialiste mais qui veut s’informer et s’instruire ne réussit pas à établir clairement le lien entre le sujet principal et toutes ces digressions.
Mais en tout état de cause, ce n’est pas l’auteur qui est en cause mais le misérable recenseur qui s’est attaqué à un sujet qui le dépasse nettement. J’ai tout de même beaucoup appris et en sas t gré à l’auteur.