Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Stefan Zweig, Montaigne, PUF.

Stefan Zweig, Montaigne, PUF.

Stefan Zweig, Montaigne, PUF.

 

Les lecteurs connaissent ma prédilection pour cet auteur judéo-autrichien qui aurait sûrement reçu le Prix Nobel de littérature, à la suite de deux autres confrères lauréats due ce grand prix, Thomas Mann et Hermann Hesse-- s’il n’avait pris la funeste décision de mettre fin à ses jours en février 1942 à Petrópolis...

 

Certes, il existe des différences entre Zweig et ses deux illustres confères : ces derniers aimaient les grands romans (Doktor Faustus) pour Mann et( Das Glasperlenspiel) Le jeu des perles de verre ) pour Hesse alors que Zweig excellait dans la nouvelle. C’est ce dernier genre littéraire qui a fait sa réputation... Mais on ne peut rien changer au destin. Tout le monde connait au moins Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme...

 

Dans le présent texte sur Montaigne, Zweig procède à une sorte de roman historique, même si sa recherche des origines du futur maire de Bordeaux  est plus que sérieuse, en atteste ce qu’il dit de la mère de Montaigne et de ses origines juives ; on y déroule les différentes générations de sa famille qui va s’élever graduellement au sein de la noblesse de province (Eyquem), oubliant les ventes de poisson fumé et l’exportation de toutes sortes de grands vins...

 

Mais c’est  sur un tout  autre plan que Zweig poursuit sa réflexion sur un homme dont l’humanisme l’a séduit. Il tient par-dessus tout à son soi-même. Il considère que c’est là la tâche la plus exaltante que l’homme se doit de poursuivre sa vie durant. Comment faire pour aboutir à un tel résultat qui relève de la dignité de l’homme ? Lorsque le lecteur tient dans sa main un livre, un écrit ou tout autre support matériel, il a entre les mains un homme, une vérité humaine. C’est tout ce qui compte. Et Les essais de Montaigne sont là pour nous aider.

 

Être soi-même, découvrir son moi profond, voila la clef du bonheur. Comment échapper, se demande Zweig, aux exigences tyranniques que  sont  l’église, la politique et l’état ? Comment préserver l’incorruptible clarté de son esprit ?

 

Car une des lois mystérieuses de la vie veut que nous n’apercevions toujours que trop tard  des valeurs authentiques et essentielles : la jeunesse quand elle s’enfuit, la santé dès qu’elle nous abandonne, la liberté, cette essence... à l’instant seulement où elle nous est retirée.

 

Zweig  fouille aussi soigneusement la généalogie de Montaigne du côté paternel que du côté maternel. Il évoque les origines juives d’un parent, un riche juif espagnol de Saragosse un certain Michel Capagon qui finit par se convertir au christianisme afin d’occulter ses origines et s’élever sans trop de peine dans la société ambiante... Après son baptême, l’homme se fait appeler Garcia Lopez de Villanova et lorsqu’il quitta ses lieux de naissance et d’habitation, il francisa son nom qui devint de Villeneuve... Cette opération de camouflage de l’origine juive de la mère était dictée à la fois pour sauvegarder une ascendance noble mais aussi pour échapper  à l’Inquisition redoutablement efficace en ce temps là. Ne pas oublier le drame des guerres de religion dont Montaigne fut le témoin proche. Zweig explique ainsi l’absence de la mère dans l’œuvre, mais il ajoute dans le même souffle qu’il ne parle pas, non plus , de sa sœur... L’auteur juge que cette origine a poussé Montaigne à opter pour la mesure, la tolérance et l’amour du prochain.

 

Montaigne a reçu une certaine éducation lorsqu’il ouvrit les yeux pour voir ce que le monde lui apporterait et ce que lui-même apporterait au monde... A l’âge de quatre ans il fut confié à un miséreux paysan afin de l’endurcir... Pour ce qui est de la culture, il fut contraint de parler et de répondre en latin, avec l’interdiction formelle de parler une autre langue, pas même sa langue maternelle, le français. C’est seulement quelques années plus tard qu’il fut rapatrié au château familial où il sera soumis à d’autres régimes tout aussi sévères.

 

Je n’ai pas assez de place pour consacrer  des développements substantiels à l’horreur  des guerres de religion. Et pourtant, cette instabilité politique, ces risques sécuritaires permanents ont profondément déterminé sa façon de voir les choses. Et pesé sur l’importance à accorder aux événements qui jalonnent notre existence.

 

Les fonctions qu’il a exercées l’ont aidé à se rapprocher des autres, et cela compte beaucoup dans l’évolution d’un caractère. C’est ce qu’il vivra au plus profond de lui-même lors de sa trente-huitième année qui marque un tournant : il décide de ne plus servir personne mais de se servir lui-même désormais. Il se débarrasse de ses mandats électifs, pour ainsi dire, et regarde autour de lui. Il y a des gens dans son château, sa mère, son épouse et tant d’autres gens qui font son quotidien. Or, il veut être seul et se trouve très, trop entouré. Que faire ? Approfondir l’introspection, redevenir le centre de son propre monde... Mais ce n’est pas de l’égoïsme, mais la  volonté d’être soi-même. Comme on le notait au début de cette analyse. Un homme qui se cherche et finit par se trouver après s’être débarrassé des oripeaux du pouvoir et des gloires de ce monde. A ce sujet, il fait graver quelques fortes paroles exprimant son objectif ultime.

 

Montaigne adore lire mais n’est l’esclave d’aucune directive dans ce domaine ; ici comme dans d’autres, il ne fait que ce qui lui plait. Dans le petit espace qu’il s’est fait construire, la fameuse tour,  il a aménagé une bibliothèque pour  abriter celle de son ami La Boétie dont il a hérité. Mais on objectif n’est pas de devenir un scolastique latin, et il reconnait aussi que lire aiguise fortement en nous l’esprit critique. Et cela correspond  bien à notre homme qui veut penser par lui-même.

 

Nous tenons ici un homme qui a vraiment résisté aux honneurs, comprenant que le passage sur cette terre obéit à d’autres idéaux. On pourrait penser que sa quête de vérité et d’authenticité est un peu excessive. Mais cet homme a fait d’un roi de France son propre obligé. Il a même eu le courage de refuser l’invitation royale de venir à la cour... Montaigne a eu aussi quelques réactions étonnantes ; ainsi, sa décision de partie pour long voyage, laissant tout derrière lui, femme, enfants etc... Il quitta ce monde en septembre 1592

 

Montaigne se résume-t-il dans la formule, mon métier et mon art, c’est vivre...  Et s’il en est ainsi, pouvons nous l’imiter ? Ce n’est pas sûr.

 

Stefan Zweig a mis tout son cœur dans cette brillante reconstitution de la vie et de l’œuvre de l’auteur des Essais, un monument dans la littérature mondiale.

 

 

 

 

 

 

Stefan Zweig, Montaigne, PUF.

 

Les lecteurs connaissent ma prédilection pour cet auteur judéo-autrichien qui aurait sûrement reçu le Prix Nobel de littérature, à la suite de deux autres confrères lauréats due ce grand prix, Thomas Mann et Hermann Hesse-- s’il n’avait pris la funeste décision de mettre fin à ses jours en février 1942 à Petrópolis...

 

Certes, il existe des différences entre Zweig et ses deux illustres confères : ces derniers aimaient les grands romans (Doktor Faustus) pour Mann et( Das Glasperlenspiel) Le jeu des perles de verre ) pour Hesse alors que Zweig excellait dans la nouvelle. C’est ce dernier genre littéraire qui a fait sa réputation... Mais on ne peut rien changer au destin. Tout le monde connait au moins Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme...

 

Dans le présent texte sur Montaigne, Zweig procède à une sorte de roman historique, même si sa recherche des origines du futur maire de Bordeaux  est plus que sérieuse, en atteste ce qu’il dit de la mère de Montaigne et de ses origines juives ; on y déroule les différentes générations de sa famille qui va s’élever graduellement au sein de la noblesse de province (Eyquem), oubliant les ventes de poisson fumé et l’exportation de toutes sortes de grands vins...

 

Mais c’est  sur un tout  autre plan que Zweig poursuit sa réflexion sur un homme dont l’humanisme l’a séduit. Il tient par-dessus tout à son soi-même. Il considère que c’est là la tâche la plus exaltante que l’homme se doit de poursuivre sa vie durant. Comment faire pour aboutir à un tel résultat qui relève de la dignité de l’homme ? Lorsque le lecteur tient dans sa main un livre, un écrit ou tout autre support matériel, il a entre les mains un homme, une vérité humaine. C’est tout ce qui compte. Et Les essais de Montaigne sont là pour nous aider.

 

Être soi-même, découvrir son moi profond, voila la clef du bonheur. Comment échapper, se demande Zweig, aux exigences tyranniques que  sont  l’église, la politique et l’état ? Comment préserver l’incorruptible clarté de son esprit ?

 

Car une des lois mystérieuses de la vie veut que nous n’apercevions toujours que trop tard  des valeurs authentiques et essentielles : la jeunesse quand elle s’enfuit, la santé dès qu’elle nous abandonne, la liberté, cette essence... à l’instant seulement où elle nous est retirée.

 

Zweig  fouille aussi soigneusement la généalogie de Montaigne du côté paternel que du côté maternel. Il évoque les origines juives d’un parent, un riche juif espagnol de Saragosse un certain Michel Capagon qui finit par se convertir au christianisme afin d’occulter ses origines et s’élever sans trop de peine dans la société ambiante... Après son baptême, l’homme se fait appeler Garcia Lopez de Villanova et lorsqu’il quitta ses lieux de naissance et d’habitation, il francisa son nom qui devint de Villeneuve... Cette opération de camouflage de l’origine juive de la mère était dictée à la fois pour sauvegarder une ascendance noble mais aussi pour échapper  à l’Inquisition redoutablement efficace en ce temps là. Ne pas oublier le drame des guerres de religion dont Montaigne fut le témoin proche. Zweig explique ainsi l’absence de la mère dans l’œuvre, mais il ajoute dans le même souffle qu’il ne parle pas, non plus , de sa sœur... L’auteur juge que cette origine a poussé Montaigne à opter pour la mesure, la tolérance et l’amour du prochain.

 

Montaigne a reçu une certaine éducation lorsqu’il ouvrit les yeux pour voir ce que le monde lui apporterait et ce que lui-même apporterait au monde... A l’âge de quatre ans il fut confié à un miséreux paysan afin de l’endurcir... Pour ce qui est de la culture, il fut contraint de parler et de répondre en latin, avec l’interdiction formelle de parler une autre langue, pas même sa langue maternelle, le français. C’est seulement quelques années plus tard qu’il fut rapatrié au château familial où il sera soumis à d’autres régimes tout aussi sévères.

 

Je n’ai pas assez de place pour consacrer  des développements substantiels à l’horreur  des guerres de religion. Et pourtant, cette instabilité politique, ces risques sécuritaires permanents ont profondément déterminé sa façon de voir les choses. Et pesé sur l’importance à accorder aux événements qui jalonnent notre existence.

 

Les fonctions qu’il a exercées l’ont aidé à se rapprocher des autres, et cela compte beaucoup dans l’évolution d’un caractère. C’est ce qu’il vivra au plus profond de lui-même lors de sa trente-huitième année qui marque un tournant : il décide de ne plus servir personne mais de se servir lui-même désormais. Il se débarrasse de ses mandats électifs, pour ainsi dire, et regarde autour de lui. Il y a des gens dans son château, sa mère, son épouse et tant d’autres gens qui font son quotidien. Or, il veut être seul et se trouve très, trop entouré. Que faire ? Approfondir l’introspection, redevenir le centre de son propre monde... Mais ce n’est pas de l’égoïsme, mais la  volonté d’être soi-même. Comme on le notait au début de cette analyse. Un homme qui se cherche et finit par se trouver après s’être débarrassé des oripeaux du pouvoir et des gloires de ce monde. A ce sujet, il fait graver quelques fortes paroles exprimant son objectif ultime.

 

Montaigne adore lire mais n’est l’esclave d’aucune directive dans ce domaine ; ici comme dans d’autres, il ne fait que ce qui lui plait. Dans le petit espace qu’il s’est fait construire, la fameuse tour,  il a aménagé une bibliothèque pour  abriter celle de son ami La Boétie dont il a hérité. Mais on objectif n’est pas de devenir un scolastique latin, et il reconnait aussi que lire aiguise fortement en nous l’esprit critique. Et cela correspond  bien à notre homme qui veut penser par lui-même.

 

Nous tenons ici un homme qui a vraiment résisté aux honneurs, comprenant que le passage sur cette terre obéit à d’autres idéaux. On pourrait penser que sa quête de vérité et d’authenticité est un peu excessive. Mais cet homme a fait d’un roi de France son propre obligé. Il a même eu le courage de refuser l’invitation royale de venir à la cour... Montaigne a eu aussi quelques réactions étonnantes ; ainsi, sa décision de partie pour long voyage, laissant tout derrière lui, femme, enfants etc... Il quitta ce monde en septembre 1592

 

Montaigne se résume-t-il dans la formule, mon métier et mon art, c’est vivre...  Et s’il en est ainsi, pouvons nous l’imiter ? Ce n’est pas sûr.

 

Stefan Zweig a mis tout son cœur dans cette brillante reconstitution de la vie et de l’œuvre de l’auteur des Essais, un monument dans la littérature mondiale.

 

 

 

 

 

 

Écrire un commentaire

Optionnel