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Abdelwahab Meddeb,  L’islam au croisement des cultures. Albin Michel

Abdelwahab Meddeb,  L’islam au croisement des cultures. Albin Michel

Abdelwahab Meddeb,  L’islam au croisement des cultures. Albin Michel

 

Ce modèle  de l’universalisation  de la culture, de la tolérance et du dialogue entre les hommes d’origines diverses, artyiculé autour de la personne et de la doctrine d’ibn Arabi  (1165-1250) nous a quittés le 6 novembre 2014. Toute une décennie s’est écoulée mais sa pensée, les idéaux qu’il a si   fortement incarnés n’ont pas pris une seule ride. C’est un érudit et un humaniste que nous avons perdu,   j’ai eu le privilège de le  rencontrer, vers la d fin de e sa vie, à e Genève, où nous étions des enseignants à l’université Jean Calvin. J’ai gardé le souvenir d’un homme exquis, partisan du dialogue des cultures et soucieux de dispenser un enseignement proche des gens et de la vie.

 

C’est dire combien je suis heureux de rendre compte de ce nouveau livre qui est à la fois, un bel exemple de l’érudition de ce brillant collègue et une forte sensibilité au monde apaisé dans lequel nous aimerions  vivre.

 

Le premier texte montre le croisement des cultures où l’islam a joué un certain rôle.. Mais dans les premières pages, l’auteur nous livre les difficultés qui assaillent un écrivain qui doit s’exprimer dans une langue qui n’est pas vraiment la sienne, lui qui naquit en Tunisie, donc dans le berceau d’une certaine langue arabe, et qui a constitué une œuvre dans une langue autre, en l’occurrence, le français. Ce n’est pas un faux problème car se pose ici la question de l’authenticité du témoignage  de l’écrivain, contraint de faire  passer son inspiration dans un autre filtre.,  émané d’une civilisation  autre que la sienne, celle dans laquelle il est né et aussi la religion dont il a dû, sous la férule d’un père attentif, apprendre les sourates du Coran. C’est le problème du bilinguisme : la langue d’une peuple est le résultat de toute sa culture parfois multiséculaire. Les concepts qu’il en extrait lui apparaissent sous une certaine forme, nécessairement différents de la culture de cette autre ethnie auprès de laquelle il a contracté des emprunts spirituels. S’ajoutent à cela les conceptions que l’on se fait de la société, de la religion, de la femme et de la vie en général. Le plus souvent on parvient à traduire des mots mais rarement des conceptions, des pensées et des sentiments. Ce serait alors un véritable transfert culturel. Un exemple emprunté à la langue allemande : comment voulez vous traduire en français le terme Gesinnungg ? Certains traduisent par une disposition d’esprit... Ce n’est pas faux mais ce n’est pas parfait... Meddeb a connu ces difficultés, mais cela ne l’a pas empêché d’écrire et de penser en français, même si le premier filtre est arabo-musulman et seulement ensuite, européen.

 

En outre, la France et, partant, son sentir et son penser (Denken und Fühlen) n’coupaient pas une position neutre, ils exerçaient le pouvoir dans un pays occupé, en s’appuyant sur une sorte  d’impérialisme culturel. Mais j’aurai dû m’en référer à une autre culture, celle de l’Arabie et de l’islam dont l’auteur cite les principales têtes d’affiche comme al-Kindi, Avicenne, al-Farabi et Ibn  Rochd. Et principalement ibn Arabi (1165-1250). Auprès duquel il opère des rapprochements et des influences sur les plus belles œuvres de l’Occident judéo-chrétien. A commencer par Dante, Don Quichotte, Thérèse d’Avila, Ramon Lull et quelques autres.

 

Meddeb écrit cette phrase que je décide de  mentionner rà mon tour, parlant de Dante : La carence à l’égard de la référence islamique est, dans cet exemple, patente...  Mais on peut aller encore plus loin et rappeler la phrase de Kurt Flasch concernant le lien entre Maître Eckart  et Averroès. Grâce à ce dernier on comprend mieux le célèbre  mystique rhénan.

 

Parlant de la langue arabe et de sa concentration majeure dans le Coran, l’auteur signale qu’elle n’est pas à  l’abri de toute évolution et il ajoute : l’état d’une langue dépend ce  qu’en font ses usagers.

 

Après avoir traité de l’influence d’ibn Arabi sur Dante, Meddeb passe anaux traces de l’islam dans Don Quichotte qu’il relit en «qualité d’écrivain de généalogie islamique». Dès les premières pages, il assume d’éventuelles contradictions dans son attitude, son bilinguisme et tout ce qui peut étonner de sa part et de son approche... Malheureusement , eu égard à la longueur du premier thème traité, je serai cotraint d’être bien plus cursif  dans les études suivantes..

 

Meddeb confronte le Don Quichotte de Cervantès à des sources arabes. C’est un vieux débat qui fait rage depuis des siècles autour des origines de la population espagnole : est-elle d’origine wisigothique ou arabo-musulmane ? Il ne faut pas oublier que les forces arabes ont  occupé l’Espagne huit siècles durant. Cela laisse des traces que l’auteur exploite.  Au plan des relations humaines proprement dites, les relations amoureuses, les mariages, les alliances entre princes  chrétiens  et femmes musulmanes (ou juives)   ont toujours existé : les yeux de la Belle de Cadix en témoignent amplement...  Enfin, sans vouloir être exhaustif, il y a les emprunts  lexicaux, les expressions arabes adoptées par la langue espagnole. Aujourd’hui, peu de gens en connaissent l’origine véritable.

 

Revenons au titre qui souhaite combler une lacune (volontaire ?) enjambant une part non négligeable revenant à la référence arabo-musulmane occultée. Au croisement n’est pas utilisé ici innocemment, c’est comme un passage obligé, une référence incontournable . Évidemment, cela se discute et pourrait passer pour une instrumentalisation de la culture. D’un autre côté, il est indéniable que certaines dépendances ou influences ont été passées sous silence pour des raisons idéologiques.

 

L’étude portant sur les affinités exégétiques et   culturelles d’ibn Arabi et de Jean de la Croix (1542-1591) m’a impressionné. On y lit de longues pages d’une grande finesse mystique. Au fond, les trois monothéismes partagent tant de choses en commun, dès qu’ils s’élèvent à un certain niveau. Les digressions sur les icones dans le christianisme et je judaïsme offrent la possibilité de dépasser les interdits pris dans un sens littéral. Je reprends cette idée simple et révolutionnaire à la fois : l’image de Dieu n’est pas Dieu...

 

La révélation telle qu’elle se présente à nous dans les textes sacrés revêt parfois des formes surprenantes dont l’approfondissement laisse songeur... Les mystiques juiffs du Moyen Âge se sont interrogée pour savoir ce qui révèle vraiment de Dieu lors de la théophanie du Sinaï. La nature humaine nous indique que cette communication divine ne peut être que partielle, étant donné les limites de l’intellect humain. De même les rapprochements entre la pensée philosophique et les dicta de la révélation sont fréquents, notamment quand il s’agit de la conformité avec les lois, des Noms divins et la destinée de l’homme, en général.  Les relations dialectiques entre deux notions souvent considérées comme opposés  Tanzih/RJ/Tashbih  sont hautement fécondes.  Je ne peux pas tout citer et dois me limiter à quelques lignes seulement : J’ai pu ( ...) éclairer un texte chrétien à partir d’une problématique islamique. Cette problématique n’est certainement pas propre à l’idlam ni inaugurale, ce qui l’est,, c’est la manière avec laquelle elle est coordonnée selon des principes logiques, qui jouent sur le paradoxe, fils de la dualité.

 

Ibn Arabi et Jean de la Croix sont l’un et l’autre des spirituels qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes dans la voie de l’expérience, mais ils ne cherchent pas  non plus à défier la loi, ni à être des rebelles, hérétiques.

 

Avec tout ce qui précède, nous ne sommes pas parvenus à épuiser la très riche matière de ce recueil de l’auteur. Aller chercher la vérité religieuse ou philosophique de sa spiritualité chez l’autre, est très rare et mérite d’être souligné... Les falsifa musulmans l’ont fait et avaient nom al-Kindi, Avicenne et Averroès,, sans oublier ibn Badja, ibn Tufail et quelques autres.  Et dans un autre registre, Abuhamid al-Ghazali ( ob  1111). Et je n’oublie pas Maimonide (1138-1204) dont les sources arabes ont nourri con Guide des égarés. C’était alors l’Europe des Lumières médiévales, celles de Cordoue annonciatrices de celles de Berlin...

Il faut mentionner même succinctement le passage sur Ramon Lull car on y lit les prémisses de la symbiose religieuse. L’humanité croyante n’a jamais fait son deuil de la recherche d’une certitude religieuse ou d’une science de même nature... Existe-t-il une vérité religieuse ?

 

On le constate aisément : cet auteur, Abdelwahab Meddeb, nous a légué un trésor d’ingéniosité exégétique dont nous n’avons pas fini de faire notre miel. Grâce lui en soit rendue dans l’au-delà.

 

 

 

 

 

 

Abdelwahab Meddeb,  L’islam au croisement des cultures. Albin Michel

 

Ce modèle  de l’universalisation  de la culture, de la tolérance et du dialogue entre les hommes d’origines diverses, artyiculé autour de la personne et de la doctrine d’ibn Arabi  (1165-1250) nous a quittés le 6 novembre 2014. Toute une décennie s’est écoulée mais sa pensée, les idéaux qu’il a si   fortement incarnés n’ont pas pris une seule ride. C’est un érudit et un humaniste que nous avons perdu,   j’ai eu le privilège de le  rencontrer, vers la d fin de e sa vie, à e Genève, où nous étions des enseignants à l’université Jean Calvin. J’ai gardé le souvenir d’un homme exquis, partisan du dialogue des cultures et soucieux de dispenser un enseignement proche des gens et de la vie.

 

C’est dire combien je suis heureux de rendre compte de ce nouveau livre qui est à la fois, un bel exemple de l’érudition de ce brillant collègue et une forte sensibilité au monde apaisé dans lequel nous aimerions  vivre.

 

Le premier texte montre le croisement des cultures où l’islam a joué un certain rôle.. Mais dans les premières pages, l’auteur nous livre les difficultés qui assaillent un écrivain qui doit s’exprimer dans une langue qui n’est pas vraiment la sienne, lui qui naquit en Tunisie, donc dans le berceau d’une certaine langue arabe, et qui a constitué une œuvre dans une langue autre, en l’occurrence, le français. Ce n’est pas un faux problème car se pose ici la question de l’authenticité du témoignage  de l’écrivain, contraint de faire  passer son inspiration dans un autre filtre.,  émané d’une civilisation  autre que la sienne, celle dans laquelle il est né et aussi la religion dont il a dû, sous la férule d’un père attentif, apprendre les sourates du Coran. C’est le problème du bilinguisme : la langue d’une peuple est le résultat de toute sa culture parfois multiséculaire. Les concepts qu’il en extrait lui apparaissent sous une certaine forme, nécessairement différents de la culture de cette autre ethnie auprès de laquelle il a contracté des emprunts spirituels. S’ajoutent à cela les conceptions que l’on se fait de la société, de la religion, de la femme et de la vie en général. Le plus souvent on parvient à traduire des mots mais rarement des conceptions, des pensées et des sentiments. Ce serait alors un véritable transfert culturel. Un exemple emprunté à la langue allemande : comment voulez vous traduire en français le terme Gesinnungg ? Certains traduisent par une disposition d’esprit... Ce n’est pas faux mais ce n’est pas parfait... Meddeb a connu ces difficultés, mais cela ne l’a pas empêché d’écrire et de penser en français, même si le premier filtre est arabo-musulman et seulement ensuite, européen.

 

En outre, la France et, partant, son sentir et son penser (Denken und Fühlen) n’coupaient pas une position neutre, ils exerçaient le pouvoir dans un pays occupé, en s’appuyant sur une sorte  d’impérialisme culturel. Mais j’aurai dû m’en référer à une autre culture, celle de l’Arabie et de l’islam dont l’auteur cite les principales têtes d’affiche comme al-Kindi, Avicenne, al-Farabi et Ibn  Rochd. Et principalement ibn Arabi (1165-1250). Auprès duquel il opère des rapprochements et des influences sur les plus belles œuvres de l’Occident judéo-chrétien. A commencer par Dante, Don Quichotte, Thérèse d’Avila, Ramon Lull et quelques autres.

 

Meddeb écrit cette phrase que je décide de  mentionner rà mon tour, parlant de Dante : La carence à l’égard de la référence islamique est, dans cet exemple, patente...  Mais on peut aller encore plus loin et rappeler la phrase de Kurt Flasch concernant le lien entre Maître Eckart  et Averroès. Grâce à ce dernier on comprend mieux le célèbre  mystique rhénan.

 

Parlant de la langue arabe et de sa concentration majeure dans le Coran, l’auteur signale qu’elle n’est pas à  l’abri de toute évolution et il ajoute : l’état d’une langue dépend ce  qu’en font ses usagers.

 

Après avoir traité de l’influence d’ibn Arabi sur Dante, Meddeb passe anaux traces de l’islam dans Don Quichotte qu’il relit en «qualité d’écrivain de généalogie islamique». Dès les premières pages, il assume d’éventuelles contradictions dans son attitude, son bilinguisme et tout ce qui peut étonner de sa part et de son approche... Malheureusement , eu égard à la longueur du premier thème traité, je serai contraint d’être bien plus cursif  dans les études suivantes..

 

Meddeb confronte le Don Quichotte de Cervantès à des sources arabes. C’est un vieux débat qui fait rage depuis des siècles autour des origines de la population espagnole : est-elle d’origine wisigothique ou arabo-musulmane ? Il ne faut pas oublier que les forces arabes ont  occupé l’Espagne huit siècles durant. Cela laisse des traces que l’auteur exploite.  Au plan des relations humaines proprement dites, les relations amoureuses, les mariages, les alliances entre princes  chrétiens  et femmes musulmanes (ou juives)   ont toujours existé : les yeux de la Belle de Cadix en témoignent amplement...  Enfin, sans vouloir être exhaustif, il y a les emprunts  lexicaux, les expressions arabes adoptées par la langue espagnole. Aujourd’hui, peu de gens en connaissent l’origine véritable.

 

Revenons au titre qui souhaite combler une lacune (volontaire ?) enjambant une part non négligeable revenant à la référence arabo-musulmane occultée. Au croisement n’est pas utilisé ici innocemment, c’est comme un passage obligé, une référence incontournable . Évidemment, cela se discute et pourrait passer pour une instrumentalisation de la culture. D’un autre côté, il est indéniable que certaines dépendances ou influences ont été passées sous silence pour des raisons idéologiques.

 

L’étude portant sur les affinités exégétiques et   culturelles d’ibn Arabi et de Jean de la Croix (1542-1591) m’a impressionné. On y lit de longues pages d’une grande finesse mystique. Au fond, les trois monothéismes partagent tant de choses en commun, dès qu’ils s’élèvent à un certain niveau. Les digressions sur les icones dans le christianisme et je judaïsme offrent la possibilité de dépasser les interdits pris dans un sens littéral. Je reprends cette idée simple et révolutionnaire à la fois : l’image de Dieu n’est pas Dieu...

 

La révélation telle qu’elle se présente à nous dans les textes sacrés revêt parfois des formes surprenantes dont l’approfondissement laisse songeur... Les mystiques juifs du Moyen Âge se sont interrogée pour savoir ce qui révèle vraiment de Dieu lors de la théophanie du Sinaï. La nature humaine nous indique que cette communication divine ne peut être que partielle, étant donné les limites de l’intellect humain. De même les rapprochements entre la pensée philosophique et les dicta de la révélation sont fréquents, notamment quand il s’agit de la conformité avec les lois, des Noms divins et la destinée de l’homme, en général.  Les relations dialectiques entre deux notions souvent considérées comme opposés  Tanzih/RJ/Tashbih  sont hautement fécondes.  Je ne peux pas tout citer et dois me limiter à quelques lignes seulement : J’ai pu ( ...) éclairer un texte chrétien à partir d’une problématique islamique. Cette problématique n’est certainement pas propre à l'islam  ni inaugurale, ce qui l’est,, c’est la manière avec laquelle elle est coordonnée selon des principes logiques, qui jouent sur le paradoxe, fils de la dualité.

 

Ibn Arabi et Jean de la Croix sont l’un et l’autre des spirituels qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes dans la voie de l’expérience, mais ils ne cherchent pas  non plus à défier la loi, ni à être des rebelles, hérétiques.

 

Avec tout ce qui précède, nous ne sommes pas parvenus à épuiser la très riche matière de ce recueil de l’auteur. Aller chercher la vérité religieuse ou philosophique de sa spiritualité chez l’autre, est très rare et mérite d’être souligné... Les falsifa musulmans l’ont fait et avaient nom al-Kindi, Avicenne et Averroès,, sans oublier ibn Badja, ibn Tufail et quelques autres.  Et dans un autre registre, Abuhamid al-Ghazali ( ob  1111). Et je n’oublie pas Maimonide (1138-1204) dont les sources arabes ont nourri con Guide des égarés. C’était alors l’Europe des Lumières médiévales, celles de Cordoue annonciatrices de celles de Berlin...

Il faut mentionner même succinctement le passage sur Ramon Lull car on y lit les prémisses de la symbiose religieuse. L’humanité croyante n’a jamais fait son deuil de la recherche d’une certitude religieuse ou d’une science de même nature... Existe-t-il une vérité religieuse ?

 

On le constate aisément : cet auteur, Abdelwahab Meddeb, nous a légué un trésor d’ingéniosité exégétique dont nous n’avons pas fini de faire notre miel. Grâce lui en soit rendue dans l’au-delà.

 

 

 

 

 

 

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