Louis Massignon et les trois prières d’Abraham, Cerf, 1997
Illustre professeur d’islamologie au Collège de France – il occupa cette prestigieuse chaire près de trente ans- Massignon (1883-1962) semble avoir eu un rendez-vous des plus intimes avec la spiritualité islamique qui lui révéla les richesses de sa propre religion, le christianisme, dont il s’était détourné durant quelques années. Le 3 mai 1908, alors qu’on le ramenait prisonnier à Bagdad, il eut une vision qu’il nomma «la visitation de l’Etranger ». Il éprouva alors, au contact de l’islam, ce que Goethe nomma ein Erlebnis, eine Seinsbegegnung : un événement d’une importance psychologique majeure qui vous découvre à vous même. L’islam lui servit de révélateur de sa propre sensibilité religieuse. Ce qui explique peut-être qu’il se soit tant passionné pour ce théologien mystique de l’islam, Al-Hallaj , exécuté à Bagdad en 922. Le rapprochement, dans l’âme de Massignon, entre la mort tragique du mystique arabo-musulman et la Passion du Christ saute aux yeux. Ce rapprochement figure même dans le titre de son livre (La Passion d’Al-Hallaj).