Les routes de l’esclavage : Histoire des traites africaines XVe-XXe siècle
par Catherine Coquery-Vidrovitch
Ce livre est écrit selon les normes du commentaire historique. En d’autres termes, c’est un livre sérieux, qui relate et analyse des faits historiques. Et pourtant, il ne se lit pas sans une émotion intense. Les questions qu’il pose et auxquelles il apporte des réponses satisfaisantes ne peuvent pas nous laisser indifférents. On se demande comment des hommes ont pu réduire d’autres hommes, leurs semblables en tout point, sauf dans certains cas la couleur de la peau, au rang de chose ou de bien meuble, de force de travail, et moins bien traités que des animaux ou des bêtes de somme. Il ne s’agit pas ici de mièvrerie mais de sentiments de honte. D’ailleurs, le livre s’ouvre sur une belle citation de Condorcet (Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781) : en résumé : l’esclavage est le plus odieux des crimes, quelle qu’en soient les motivations. Aujourd’hui, on parle d’une crime contre l’humanité.
Comment ce phénomène de traite ou de commerce d’êtres humains a-t-il été possible ? Comment devenait on esclave ? Et comment se fait il que les révoltes des opprimés n’ont pas été plus massives ni plus fréquentes ? Ce sujet est bien plus complexe qu’on ne le croit habituellement. D’abord, il faut rappeler que la réduction d’hommes et de femmes, sans oublier les enfants, à l’esclavage s’est fait dans des contextes civilisationnels différents. A l’origine, les esclaves étaient pour la plupart de race blanche. Il suffit de s’en référer à ce que dit Aristote des esclaves, souvent des captifs de populations vaincues, taillables et corvéables à merci parce que leurs pays avaient perdu la guerre. Voyez aussi dans le vaste empire romain où les premiers esclaves noirs firent sensation en raison de leur couleur de peau… Ce n’est qu’après, lorsque les commerçants européens se sont intéressés à l’Afrique et au Nouveau Monde que les escalvisés (sic) devinrent majoritairement des hommes de race noire. Souvenons nous du rire de cette esclave thrace qui se moque de Narcisse lorsqu’il tombe, par inattention dans un puits…
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