Crainte et tremblement de Sören Kierkegaard :
Abraham ou le paradoxe de la foi
Généralités
C’est un regain d’intérêt assez inattendu que connurent la ligature d’Isaac et la personnalité du patriarche Abraham au beau milieu du XIXe siècle européen. En effet, le penseur danois Sören Kierkegaard (1813-1855) publiait alors, douze ans avant sa disparition, un ouvrage qui allait faire date, même s’il était passé presque inaperçu en son temps : Crainte et tremblement. L’auteur ne se faisait aucune illusion sur le sort que la critique, jadis dominée exclusivement par l’école hégélienne, réserverait à son ouvrage qui allait à contre-courant de l’idéologie dominante: l’auteur de ces lignes sur Abraham prévoit son sort : il sera complètement ignoré. Il a l’horrible pressentiment que la critique jalouse lui fera plus d’une fois tâter du fouet.
Comme la pensée de Hegel dominait entièrement le débat philosophique de l’époque avec, entre autres choses, sa rigoureuse équivalence du réel et du rationnel, on crut bon de présenter Kierkegaard comme l’homme qui ne cherchait qu’apporter la contradiction au philosophe berlinois dont les postulats et les conclusions étaient diamétralement opposés aux siens. L’enjeu du débat était la découverte de la vérité, son essence et les moyens d’y accéder. Alors que l’idéalisme allemand tentait de se remettre des contestations kantiennes et de redonner une certaine légitimité au champ cognitif de l’intellect humain, tout en reconnaissant que la vérité ne nous était pas accessible dans l’absolu, la pensée du philosophe danois s’oriente dans la direction opposée : la vérité n’est pas une notion objective, désincarnée, répondant à des critères généraux, mais bien une certitude propre et personnelle, une intimité située au cœur même de l’individu qui entretient avec elle une relation unique, à nulle autre pareille. Or, existe-t-il plus grande vérité que Dieu ? Alors que Hegel enseignait que l’individu devait accéder à l’universel s’il voulait participer de l’esprit absolu.
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