Jean-Paul Sartre, Plaidoyer pour les intellectuels (Folio, Gallimard, 2020)
Ce fut une excellente idée de rééditer ce livre qui traite d’une question presque éminemment française, touchant à l’essence, à la place et au rôle de l’intellectuel dans la société. Ce livre est donc le recueil de trois conférences prononcées par Sartre au Japon en 1966. La date n’est pas anodine puisque deux ans plus tard, c’était mai 68 et à ce moment-là, le philosophe le plus célèbre au monde changea lui-même de perspective et d’action puisque de philosophe, d’intellectuel, il devint simple militant maoïste de la Cause du peuple . Mais il faut d’abord lire très soigneusement la lumineuse préface de Gérard Noiriel qui contextualise l’enjeu du débat. Ce n’est pas le fuit du hasard si Sartre a publié ce petit recueil à ce moment précisément. Une série d’événements nouveaux étaient intervenus, modifiant la situation intellectuelle de pays. D’autres voix s’étaient fait entendre, n’épargnant pas au vieux philosophe les plus acerbes critiques. Deleuze, Derrida, Foucault, Lacan, etc…
Il est inutile de rappeler que ce terme d’intellectuel réfère une situation historique spécifique avec pour arrière-plan le procès d’Alfred Dreyfus, sa condamnation pour le tribunal des forces armées et l’exigence d’une révision de son procès. La France entière était alors divisée en dreyfusards et antidreyfusards, jetant dans la mêlée ceux qu’on pourra justement qualifier d’intellectuels. Des professeurs, des étudiants, des médecins, des étudiants, des avocats, des journalistes et tant d’autres gens en profitèrent dans se jeter indistinctement dans l’arène médiatique. Ce fut l’époque des grandes causes qui trouvèrent des défenseurs et des accusateurs dans les couches les plus éduquées de la nation.