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  • Matthias Fekl, Le dernier cortège de Fidel CAstro

    ias Fekl, Le dernier cortège de Fidel Castro.  Passés / Composés.

     

    On lira ce livre d’histoire avec une grande attention car, en plus des événements relatés à partir d’une vie hors du commun, celle de Fidel Castro, on prend aussi connaissance d’une profonde réflexion sur la vie, la mort, l’activité humaine sur terre, et dans le cas précédent, sur la fugacité de l’acte politique. L’exemple traité ici, est unique en son genre : un jeune guérillero et quelques têtes brûlées ou simplement des idéalistes, se lancent à l’assaut de l’une des dictatures  les plus corrompues  d’Amérique latine, à Cuba, celle de Batista.

     

    Le premier chapitre relate l’annonce en 2016 de la mort de Fidel Castro, par son frère  cadet Raoul, au peuple cubain mais aussi au reste du monde où le défunt n’avait pas de que de amis... J’ai été abasourdi d’apprendre que les tentatives d’assassinat de Castro se comptaient par centaines, si l’on en croit la somme des officines d’espionnage et d’agences de renseignements qui se sont attelés à cette tâche. Et chaque fois, c’était l’échec, c’est à croire que la divine Providence refusait de confier à d’humaines mains le soin de trancher cette vie qui en coûta tant d’autres... L’homme qui a écarté brutalement tant de rivaux et tant d’ennemis, mourut tranquillement dans son lit, à l’âge de plus de quatre-vingt-dix ans. Il n’est pas question de porter  ici des jugements moraux, mais il faut bien reconnaître que cette longévité choque. Un seul exemple : ce diabolique duo fraternel  composé de Fidel et de son frère Raoul, a systématiquement éliminé quiconque représentait un danger pour leur propre   pouvoir. Voyez le cas du général Ochoa, injustement condamné et exécuté alors qu’il s’était illustré par de hauts faits d’armes en Afrique... Devenu très populaire dans son pays, il fut éliminé sans pitié. Et les deux frères ont conservé le pouvoir jusqu’au bout. Fidel avait pris soin de préparer sa succession, une succession sans risque : son frère Raoul, son cadet de cinq ans, devait lui succéder. Il le devait au titre du Premier Vice-Président du Conseil d’État... Il avait été prévu qu’il serait le seul titulaire de ce poste...

     

    Et le cas de Che Guevara que Fidel repoussa clairement tout en le couvrant de fleurs et de compliments. Au motif qu’il fallait séduire politiquement toute l’Amérique latine, il lui imposa une sorte d’exil qui ne disait pas son nom

     

    Le premier chapitre de ce livre parle du dernier cortège du dictateur car cela marque le dernier mouvement qui a dominé sa vie : de Santiago de Cuba  à La Havane, les restes du dictateur  cubain mettent une bonne semaine à parcourir  les 900 kilomètres qui les séparent de la capitale, retraçant l’épopée du révolutionnaire et de ses partisans. Cette démarche est symbolique : que reste-t-il  du passage de l’homme sur cette terre ? Toute vie humaine est nécessairement inachevée et Castro  ne fait pas exception à cette règle. Mais force est de constater que cet homme avait la baraka  et n’a jamais cessé d’avoir rendez-vous avec une mort violente. Et pourtant, tous furent déjoués. C’est à se demander s’il ne bénéficiait pas d’une protection spéciale. On apprend dans ce livre qu’il a même échappé à un accident d’avion et que sa mort avait été annoncé au moins deux fois...

     

    Dans les chapitres de ce livre, on lit le détail des négociations plus ou moins secrètes  entre les autorités américaines et les castristes. Le président J/F. Kennedy profite du passage du grand journaliste français Jean Daniel pour faire passer un message au lider maximo qu’il prévoit d’interviewer. On connait la suite : les négociateurs apprennent l’assassinat du président US. Mais on parle aussi beaucoup du charisme naturel de Castro auquel l’opinion américaine est très sensible. On parle même d’une Fidel-mania, c’est dire, alors que l’homme et son régime font courir un risque grave aux États Unis et à leurs citoyens.

     

    Mais les choses auraient pu évoluer différemment n’étaient toutes ces maladresses et ces incompréhensions. Cuba aurait peut-être pu devenir le 51e état des USA... La visite de Castro aux USA aurait pu se conclure différemment. Dans con livre sur les questions  diplomatiques des USA, Henry Kissinger note que le vice président Nixon  détestait Castro cordialement... Les choses auraient pu prendre une tournure autre que celle que nous connaissons.

     

    Ce fut une véritable règle de trois entre Cuba, les USA et l’URSS. Les négociations auraient pu aboutir ; et on mesure les tourments qui auraient été épargnés à la population cubaine. Et je ne parle pas de la paix mondiale qui a failli être compromise suite à tous ces sinistres développements.

     

    Il m’est impossible de revenir sur toutes les dates importantes dans la vie de Fidel Castro, relatés dans ce très intéressant ouvrage dont je recommande la lecture . Ce qui m’a le plus retenu, c’est l’aspect périssable de tout action politique. L’œuvre philosophique me semble plus pérenne et plus significative. Mais enfin, nous sommes tous mortels.

  • Du Tikkun à la Takkana

    Du tikkun à la Takkanah : variations sur la correction par l’homme de quelques décrets divis...

     

    Dans mon précédent papier paru hier soir dans HForum, je n’ai pas eu le temps de parler de ce rapprochement à la fois lexical et théologique : la main de l’homme peur compléter, voire corriger ce qui a été prescrit par la loi divine. C’est-à-dire la Tora écrite. Et la proximité des solennités juives d’automne me pousse à la faire car  elles offrent la meilleure illustration possible de mon propos : alors que les décrets divins ont presque force de loi, il existe encore un espace pour l’intervention humaine afin de sauver la situation dans la mesure où elle peut encore l’être.

     

    Cette forme de théurgie repose principalement sur la prière, l’oraison, le devenir de l’homme qui peut mettre ce temps à profit pour revenir dans le droit chemin. Le message est ici très clair : le fatalisme n’est pas pris en compte dans cette religion juive qui a banni les châtiments éternels dans l’au de-là et suscite pour nous un Dieu sensible à la prière de l’homme, désireux de le maintenir en vie et le préserver de tout mal. Mais cela heurte les philosophes qui, comme Maimonide, répugnent à envisager l’existence d’une divinité qui n’est pas immuable  puisqu’elle se montre sensible aux mutations de la nature humaine. C’est l’une des clés expliquant que ce sont les kabbalistes qui ont gagné contre les philosophes la bataille autour du livre de prière. C’est aussi ce qui sépare le Dieu d’Abraham du Dieu d’Aristote lequel ne croyait qu’au Premier Moteur du livre VIII de la Physique... Cette dichotomie a traversé toute la philosophie occidentale et connut une résurgence inattendue chez un penseur danois, anti-hégélien en diable, le fameux Sören Kierkegaard. Il a laissé un monument de la pitié de l’époque dans son fameux Crainte et tremblement où il examine, comme dans un midrash protestant,  la ligature d’Isaac. En ce  sens, il rejoint la liturgie du Nouvel An et du jour des propitiations, où l’on porte au paroxysme cette foi aveugle du patriarche Abraham, prêt à tout pour complaire à la volonté divine laquelle n’a jamais vraiment demandé un tel sacrifice humain. Les passages talmudiques le prouvent parfaitement.  Leur traitement de l’épisode tragique de Gédéon et de sa fille en est un bon exemple ...

     

    On se trompe quand on affirme que la divinité exige de telles pratiques alors qu’elle garantit à l’homme bonheur, longue vie et prospérité. Les liturgistes judéo-hébrasques  ont insisté sur la nature évolutive de la divinité qui passe de la rigueur à la bonté, de la  dureté implacable du jugement à la grâce dispensatrice de bienfaits. Chacune de ses prières fondamentales met l’accent sur la vie et sur la volonté divine de la préserver. Je renvoie à l’a prière mélékh hafets ba-hayyim (un roi qui désire et recherche la vie).

     

     Noua savons donc affaire à un Dieu qui abat la barrière  du fatum, qui écoute les louanges qui lui sont adressées dans et par les prières. Et contrairement à l’opinion des philosophes-théologiens qui tiennent à son éternelle décision, change, transforme la faute en pardon et le verdict en acte d’amour pour sa créature. C’est ainsi que nous passons du tikkoun olam à  la takkana  rabbinique. C’est-à-dire qu’on change de dimensions et de proportions. L’homme est un microcosme qui abrite en lui, en format réduit, la grande mécanique de l’univers. Et son action peut se mesurer à celle de Dieu. Il peut obtenir le pardon des fautes commises et suspendre les calamités qui menacent de fondre sur  les pécheurs.

     

    Je trouve qu’on n’approfondit pas assez la portée de la prière  durant ces redoutables journées de Tichri. Notamment leur valeur universaliste. Quand le peuple d’Israël prie le Dieu de ses ancêtres, il ne prie pas que pour lui mais joint dans ses prières le genre humain dans sa totalité. Mer reviennent en mémoire au moins deux exemples qui vont dans ce sens, mais, en réalité, il y ‘en a tant d’autres : on s’adresse à Dieu pour qu’aucune femme ne perde le fruit de ses entrailles ( shélo tappil isha et péri bitnah) ou encore : donne Ô Seigneur  du grrain au semeur et du pain au mangeur (ten zéra’ la-zor éah we-léhém la ockhel

     

     Dans ces deux prières universalistes, pas une fois le nom d’Israël n’est mentionné. Ce qui réduit à néant l’accusation d’un soi-disant égoïsme juif. La même chose vaut en ce qui concerne les prières pour la tombée de la pluie : la famine peut sévir partout, partant, prier pour la pluie touche toutes les régions, tous les pays ; quant la famine, quand elle s’abat sur  la terre, elle peut être une bénédiction mais  aussi une malédiction.

     

    Et dans les deux cas, la main de l’homme intervient. En gros, ceci signifie que le destin peut changer et que  l’avenir n’est inscrit  nulle part, une fois pour toutes ; il dépend aussi de l’homme qui a le pouvoir de promulguer  des changements bénéfiques. C’est cette dialectique qui fait que les prières de ces journées de Tichri est indémodable, est toujours d’actualité. C’est le prix que le peuple d’Israël doit acquitter pour justifier sa nature de peuple messianique.

     

     

     

     

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