David Lisnard, La droite en France : État des lieux et avenir/ Les cahiers de l’Institut Diderot, 2024
Voici un redoutable sujet, si difficile à traiter, surtout dans un pays comme la France, où, contrairement à son puissant voisin allemand, la culture du compromis politique ou de l’alliance supra partisane, est honnie, abhorrée. Les frontières entre les tendances politiques ne souffrent pratiquement aucun changement, le moindre déplacement des hommes politiques d’un point à l’autre de l’échiquier politique est taxé de trahison...
Dans ce livret qui se lit aisément, la parole est donnée à l’actuel maire de Cannes, David Lisnard, qui explique sa conception de la droite, ses choix fondamentaux, ses idéaux et le sens qu’on donne à droite au combat politique. La liberté (à la fois de penser et d’entreprendre), la responsabilité, l’individu ou l’individualisme économique, en gros compter sur ses propres forces pour réussir et non plus sur les prudentes étatiques. La liberté donc, parfois opposée au commandement de la solidarité. Il faut réformer l’état, ne pas le laisser occuper trop de place et se débarrasser de sa tutelle chaque fois que l’initiative privée est possible, voire encouragée. Sur ce dernier point, il existe une différence majeure avec la gauche qui pratique le plus souvent l’assistanat allant de pair avec le populisme. On privilégie la responsabilité alors que la gauche met en avant l’aide sociale. Laquelle peut aussi trouver la place qui lui convient. Mais en évidant le moindre dirigisme économique...
On doit à l’actuel président de la République le mérite ou le défaut d’avoir brisé l’opposition droite / gauche et d’avoir mis à l’honneur le « en même temps». Assurément, la droite n’y trouve pas son compte et met à profit la moindre occasion pour rappeler au pouvoir en place que la lutte partisane continuera de structurer le combat politique puisque l’existence de partis politiques est incontournable...
David Lisnard commence par poser ce qu’est l’essence de la droite qui demeure un moyen et non une fin en soi. Il p pose comme préalable la foi en des principes, ce qui équivaut à ses yeux à des valeurs guidant l’homme dans son action et dans sa vie en société. Or, nulle vie en société n’est possible sans politique. Et cette dernière présuppose l’attachement à la démocratie et à la république. C’est aussi le cas de la France qui réunit les deux.
Or, nul ne peut nier l’existence d’une crise justement au sein même de la démocratie : les deux mots qui composent ce terme (demos, le peuple, et crator, l’autorité). La faible participation aux dernières élections, notamment présidentielles, atteste une crise réelle de la démocratie dans le pays... Les gens ne se sentent pas vraiment représentés ni suivis dans leurs requêtes. Comment réagit la droite dans ce cas de figure, car elle n’est pas épargnée par cette désaffection ? Selon l’auteur, elle doit proposer des solutions de son cru, s’assumer et préconiser des solutions permettant de sortir de la crise.
L’auteur écrit que la droite doit proposer sa propre réponse aux décis de ce siècle. Et il souligne surtout l’iconologie et l’intelligence artificielle. Deux thèmes qui occupent de plus en plus l’espace médiatique. Il y a aussi des bribes d’anthropologie politique, l’auteur écrit justement qu’un individu ne se limite pas à son identité. Il convient alors de définir ce qu’on entend par ce terme. Je crois que l’auteur récuse les définitions essentialistes et promeut, ce qui me plaît bien, l’universalisme. Chacun d’entre nous porte en lui cette part d’humanité qu’il partage avec autrui. Par les temps que nous vivons, une telle approche est la seule à pouvoir éviter la désunion des sociétés et la menace de guerres entre les nations.
Bien entendu, l’auteur revient sur le cas spécifique de la France et note que si la France est en crise, c’est parce que la démocratie se trouve dans la même situation. Comment y remédier ? Comment sortir de ce que certains qualifient de déclassement, d’autres de déclin et d’autres, enfin, de décadence ? C’est là toute la question.
Depuis la survenue de toutes ces conquêtes numériques, la France est confrontée à des défis mondiaux ; la question est de savoir si notre pays a les capacités d’y faire face. Un doute de plus en plus persistant s’est glissé dans le cœur ou l’esprit de nos compatriotes :sommes nous encore une grande puissance ? Je rappelle sans malice la définition donnée par l’ancien Secrétaire d’état Henry Kissinger : la France est une grande puissance... de taille moyenne.
Certains signaux de l’économie française sont plus qu’inquiétants, notamment le taux d’endettement. Mais ce qui est nettement plus grave, c’est la division de la société et les violences que cela provoque : un dernier exemple, la crise des agriculteurs qui menaçaient de paralyser le pays si leurs demandes n’étaient pas satisfaites... Or, ces débordements surviennent de plus en plus fréquemment. La mentalité latine du pays ne favorise pas l’art de la négociation.
Lisnard cite deux auteurs qui l’ont bien influencé, Raymond Aron et Jean-François Revel. Il leur doit l’idée qu’il ne faut pas imposer ses principes à la réalité mais scruter la société, le réel, tout en s’adaptant, sans jamais se renier. Mais c’est la quadrature du cercle ! Lisnard rejette aussi l’opinion selon laquelle la droite devrait avoir une idéologie. Il préfère le pragmatisme.
En dépit de sa brièveté, ce livret est très suggestif, si attachant car il traite autant de l’anthropologie que de l’économie ; après tout, l’homme ne vit pas que de pain... J’ai apprécié le passage sur la dignité de l’homme (Pic de la Mirandole : de hominis dignitate). La citation de Paul Ricoeur est, elle aussi, bienvenue.
Le gouvernement des hommes est la chose la plus difficile qui soit. On le sait depuis au moins l’antiquité grecque et l’antiquité hébraïque.