SOLJENITSYNE ET LES JUIFS…
Un article paru dans Le monde du 16 août en page 2 et qui s’intitule «Soljenitsyne, un ‘héros inquiétant’» mérite que l’on s’y arrête. Après avoir rendu hommage au grand écrivain disparu, on y sent une certaine gêne dont le motif, chemin faisant, finit par apparaître…
Pour mieux enrober son propos, l’auteur parle des critiques essuyées par l’auteur lors de la publication en français : Août 14, L’archipel du Goulag et Une journée d’Ivan Denissovitch. Evidemment, les critiques émanaient de communistes en rupture de ban ou simplement repentis mais qui n’admettaient toujours pas l’énormité de leur erreur, une erreur qui coûta la vie à des millions et des millions de personne, au motif qu’elles représentaient un obstacle pour la bonne marche de la Révolution… Mais personne parmi les thuriféraires de l’ancien régime communiste ne s’était demandé comment une Révolution mettait plus de 70 ans à défendre ses acquis et pourquoi les portes du paradis socialiste tardaient à s’ouvrir… Et quand les bévues communistes étaient trop énormes, on imputait l’échec de la Révolution aux manigances des classes bourgeoises et à l’impérialisme capitaliste des USA.
Soljenitsyne a mis fin à tout cela. Même si –et c’est vrai- il s’est laissé aller à une pente nationaliste regrettable, incriminant les juifs et leur imputant des fautes qu’ils n’avaient jamais commises, il n’est pas juste de dire qu’il appartient au passé ou à l’histoire de la littérature. L’écrivain russe a contribué à détruire l’URSS comme le pape polonais Jean-Paul II, à des degrés divers mais aussi efficacement.
Soljenitsyne a cru devoir imputer à la première génération juive communiste une partie au moins égale que celle prise par les autres peuples, russe notamment. Il a cru devoir mettre en avant l’habileté, le savoir-faire, l’instruction, bref toutes ces capacités que les juifs, membres de l’intelligenzia soviétique a mis au service de la Révolution…
Il est difficile de porter sur les juifs des jugements objectifs et mesurés. Aucun grand auteur vivant le XXe siècle n’est à absoudre de ce point de vue là. Et il est vrai qu’il s’agit là de l’une des plus grandes injustices au monde.
Lorsque j’étais jeune germaniste, je désespérais de trouver enfin un philosophe ou un penseur, un poète ou un écrivain allemand qui n’ait jamais rien écrit contre les juifs ! Mais Goethe a osé écrire à F.H. Jacobi des mots désagréables sur Moïse Mendelssohn.
Et je laisse de côté des centaines d’autres. Faut-il pour autant les oublier ainsi que nous le recommande le journaliste du Monde un peu inconsidérément ? A demander de manière si déplacée d’oublier les grands hommes c’est soi-même que l’on risque fort de faire oublier…