VERS UNE LEGALISATION DU SUICIDE ASSISTE ?
Voici une nouvelle interpellation qui nous concerne tous : le dernier drame de ce jeune malade qui a choisi de mettre fin à ses jours afin de ne pas connaître, jusqu’au bout, la souffrance et l’humiliation d’un corps qui sombre dans la dégénérescence, sans aucun espoir thérapeutique… Dans un tel cas, devons nous attendre la délivrance de la mort au lieu de se la donner pour préserver un peu de sa dignité et s’épargner d’indicibles souffrances ? C’est tout le débat qui occupe l’humanité depuis que celle-ci a pris conscience d’elle-même, a réalisé des avancées scientifiques considérables, en médecine notamment, et a pris en main sa vie et son avenir. Mais son droit au suicide ?
Depuis que l’humanité est digne de ce nom, s’est posée à elle la question, demeurée irrésolue parce qu’insoluble, de savoir si, dans certaines conditions, on pouvait se tuer, pire, si la médecine, appelée à soigner et à guérir, pouvait changer de rôle et aider à mourir. Toutes les commissions d’éthique en France ont répondu par la négative, mais certains pays européens, notamment de tendance réformée ( c’est-à-dire non catholique) ont permis de mettre fin aux jours d’un malade qui souffre pour rien et qui gît là, à attendre, sans autre horizon que la mort qui, le plus souvent, tarde à venir.
Nous ne pouvons pas, pour des raisons de décence et de dignité, porter un jugement sur la décision de ce jeune homme qui a préféré partir alors qu’il avait écrit aux plus hautes autorités de l’Etat dans l’espoir qu’on l’aide à mettre fin à ses souffrances. En somme, une légalisation du suicide assisté.
Il faut bien comprendre ce qu’une telle démarche implique : tout d’abord, notre civilisation judéo-chrétienne a placé la vie, la naissance, le maintien en vie, le retour à la vie, au centre même de ses préoccupations morales. Un philosophie, un sage comme Aristote a bien écrit que l’être était préférable au non-être et l’existence à la privation. Ce principe s’accordait parfaitement avec les doctrines cardinales des trois grands monothéismes qui poursuivent dans cette voie, aujourd’hui encore.
Aider quelqu’un à mourir reviendrait à enfreindre plusieurs millénaires de pensée et d’éthique judéo-chrétiennes. Pire, ce serait, en cas d’assistance médicale, subvertir la vocation même du médecin qui est de préserver la vie. Enfin, qui peut nous assurer que le malade a décidé en toute connaissance de cause et qu’il ne viendrait pas, lui ou son entourage, à se raviser… Et qu’en serait-il s’il était trop tard ?
Et pourtant, tout porte à croire que les mentalités ont changé sur ce sujet grave et que la législation devra, elle aussi, suivre le même chemin d’évolution. Si un malade est en fin de vie, s’il souffre gravement, si même des doses massives de morphine ne parviennent pas à calmer le mal qui le ronge, au nom de quoi devrait-il souffrir et attendre la survenue de la mort ? Quel serait le sens de cette souffrance ?
Nul n’a la solution de ces problèmes. Il faut avancer prudemment et lentement, sans promulguer de loi générale mais privilégier, pour le moment, les cas particuliers. Peut-être aussi éviter la médiatisation excessive. Il se pourrait même que dans certains hôpitaux, là où se trouvent nos congénères en fin de vie, des mains aussi charitables que discrètes font, à l’abri de tout tintamarre publicitaire, les gestes requis pour abréger la souffrance des mourants.