LE PAPE BENOÎT XVI ET LE PRÉSERVATIF
L’église catholique est-elle de son temps ? Le pouvoir spirituel peut-il se comparer avec le pouvoir purement temporel ? La société peut-elle évoluer sans contrôle aucun ? Toutes ces questions se posent avec une acuité toute particulière depuis que le pape, dans avion en partance vers Yaoundé, a fait cette déclaration à l’emporte-pièce sur le moyen de contraception le plus utilisé en Afrique (et ailleurs) : le préservatif.
Il n’est guère question ici d’accabler encore un peu plus un homme sur lequel le sort médiatique semble s’acharner avec une ardeur redoublée. Il n’est pas question, non plus, de le défendre ni même de critiquer le comportement d’une certaine frange de l’église catholique qui semble nier, avec un certain entêtement, les évolutions, bonnes ou mauvaises, de nos sociétés occidentales : mon propos ici est, dans le respect de toutes les opinions, d’analyser en philosophe, les devoirs, les dires et les idéaux de chacun.
Qu’est donc aujourd’hui l’église catholique, quelle est sa doctrine en matière de mœurs et de quelle mission l’investit sa position prédominante dans l’Occident judéo-chrétien ? C’est la première question.
LE PAPE BENOÎT XVI ET LE PRÉSERVATIF
L’église catholique est-elle de son temps ? Le pouvoir spirituel peut-il se comparer avec le pouvoir purement temporel ? La société peut-elle évoluer sans contrôle aucun ? Toutes ces questions se posent avec une acuité toute particulière depuis que le pape, dans avion en partance vers Yaoundé, a fait cette déclaration à l’emporte-pièce sur le moyen de contraception le plus utilisé en Afrique (et ailleurs) : le préservatif.
Il n’est guère question ici d’accabler encore un peu plus un homme sur lequel le sort médiatique semble s’acharner avec une ardeur redoublée. Il n’est pas question, non plus, de le défendre ni même de critiquer le comportement d’une certaine frange de l’église catholique qui semble nier, avec un certain entêtement, les évolutions, bonnes ou mauvaises, de nos sociétés occidentales : mon propos ici est, dans le respect de toutes les opinions, d’analyser en philosophe, les devoirs, les dires et les idéaux de chacun.
Qu’est donc aujourd’hui l’église catholique, quelle est sa doctrine en matière de mœurs et de quelle mission l’investit sa position prédominante dans l’Occident judéo-chrétien ? C’est la première question.
Se voulant l’héritière de la révélation du Sinaï et de la venue au monde de Jésus, l’Eglise incarne, à sa façon, des valeurs à la fois spirituelles et religieuses de la Bible. Elle occupe un terrain que ni le politique ni l’économique ne peuvent investir. Elle tente, de son mieux, de perméabiliser ces secteurs par des valeurs afin de porter en leur sein la parole de Dieu et les valeurs défendues par celui qu’elle considère comme le Christ et dont le message est, avant tout, amour, amour des hommes et amour de Dieu. L’église catholique et/ ou chrétienne est donc un groupe de la foi, une congrégation où la parole de Dieu s’oppose, en principe, à l’oppression et à l’exploitation, de toutes sortes et de toutes natures. C’est la mission des prêtres et leur vocation. Ils doivent peser sur l’évolution de nos sociétés et se sentent contraints, eu égard à leur mission pastorale, de crier gare si le danger menace.
C’est un truisme de dire que nul ne sait aujourd’hui à quoi ressembleront nos sociétés dans dix ans, pas plus qu’on ne prévoyait, il y a une décennie, ce que nous serions aujourd’hui. Doit-on, sans réagir, accepter toutes les évolutions ? En d’autres termes, pour parler comme nous, les philosophes, avons nous le droit de conclure de l’être à la valeur ? Pouvons nous dire de ce qui existe qu’il a absolument le droit d’exister ? Ce n’est guère envisageable. Mais le problème qui se pose avec une insistance redoublée, voire comme une vague déferlante qui submerge tout sur son passage, c’est que les mœurs sociales ne suivent plus aucun principe, que les sociétés sont de plus en plus déshumanisées et obéissent à un développement anarchique, bref que plus aucune valeur vétéro testamentaire ou néo testamentaire n’est restée debout…
Autre question : comme l’Eglise catholique et chrétienne est la seule à pouvoir parler haut et fort, à avoir un véritable Etat (qui dépasse tous les autres, non point par sa puissance militaire mais par le pouvoir de sa parole, censée être celle de Dieu), peut-elle se taire et emboîter le pas à ce qui se fait, en une phrase abdiquer son rôle de puissance spirituelle prescriptive, édictant les valeurs et montrant aux hommes le chemin à suivre. Non, l’église (dont je ne suis pas) ne doit ni se taire ni se coucher.
Elle doit réagir, mais réagir intelligemment. Certes, toutes les modes finissent par passer et disparaître, toutes les gloires et les succès mondains s’évanouissent… On connaît les versets de ce célèbre Psaume qui exalte la parole divine dressée, impérissable et inaltérable au firmament… Mais aujourd’hui, qui l’écoute, qui la lit, qui sait même qu’elle existe ? Vous vous souvenez bien de cette parole d’un membre de l’Institut qui parlai de la diffusion de la Bible en France : les Français, disait-il, n’ont guère lu la Bible, et quand ils l’ont fait, ils en ont lu des extraits (bien choisis) chez… Voltaire !
Et c’est le décalage, le violent déphasage qui présente l’imprudente parole du pape Benoît XVI comme une véritable faute au plan politique et médiatique. Ne dispose-t-il donc d’aucun conseiller pour lui dire comment PRESENTER, comment FORMULER ses idées ? Est-il instrumentalisé par une frange ultra conservatrice de la curie romaine ?
Mais pour cet homme, arc-bouté sur des certitudes théologiques et qui continue de réagir comme du temps où il veillait sur l’orthodoxie de la foi catholique, que valent les medias et les moyens modernes de communication ? Est-ce que Saint Paul (que j’apprécie modérément tout en rendant hommage à sa puissance de foi) avait une habile et aguichante attachée de presse ? Est-ce que Jésus a pris les conseils d’une bonne agence de relations publiques qui lui aurait permis, à partir de douze apôtres de recruter près d’un milliard et de mi de croyants ? Encore mieux : est-ce que Socrate avait un bon éditeur ? Et Platon avait-il une chaire au collège de France ou un fauteuil à l’Académie Française ?
Le temps spirituel n’es pas le temps médiatique. Certes, les déclarations sur le préservatif n’étaient pas justes, elles n’étaient pas très indiquées mais le pape a pensé que l’Afrique étant le continent le plus touché par cette terrible maladie, il fallait en parler. C’est incontestable, mais pas de cette façon.
Pourquoi le pape a-t-il dit que l’usage du préservatif aggrave la pandémie ? Alors là, je l’ignore, mais ce que je n’ignore pas ce sont les légitimes protestations des ONG et des gouvernements d’Europe.
Avant de considérer la question en profondeur, il faut bien relever que toutes les religions monothéistes et notamment judéo-chrétiennes accordent une attention très vigilante au sexe. C’est la puissance vitale par laquelle l’espèce humaine se reproduit et mais c’est aussi le secteur des passions humaines, apparemment indomptables et que toutes les religions, toutes les spiritualités tentent d’assagir et, disons le honnêtement, de contrôler.
La position de l’église est-elle justifiée, sur ce point, est-elle simplement tenable ? N’étant pas catholique, je ne saurais me prononcer, mais cela me paraît difficile. Déjà le célibat est de plus en plus contesté et même un éminent savant comme le professeur Hans Küng en doute et propose un changement.
Dans la Bible, on sent une méfiance récurrente et tenace à l’égard des excès sexuels et les relations entre les hommes et les femmes sont sévèrement réglées. Ces règles sont elles encore de notre temps, sont-elles encore valides ? Pour répondre correctement, il suffit d’observer la sortie des lycées, la fréquentation des pharmacies pour se rendre compte d’une évolution incroyable des mœurs de notre jeunesse…
Mais pourquoi avoir dit (si légèrement) que le préservatif aggravait la pandémie, au lieu de la freiner ? J’ai interrogé quelques amis haut placés dans la hiérarchie catholique du pays qui m’ont dit que le pape faisait allusion à une pratique incroyable : le même préservatif est généralement utilisé par plusieurs personnes différentes. Cette explication, peu convaincante, n’en est pas moins incroyable ! Mais dans ce cas, pourquoi avoir été si lapidaire ? Je croyais, pour ma part, que le pape faisait pudiquement allusion à la mauvaise qualité de ces préservatifs dont on inonde l’Afrique au lieu de lui en fournir de bien meilleure qualité…
Enfin, l’église doit-elle se taire et assister, muette et inerte, à une évolution qu’elle juge néfaste ? Non point. Mais elle doit étayer son discours. Un tel fait tragique (la pandémie, surtout en Afrique) n’aurait jamais dû être traité à bâtons rompus dans l’avion devant un groupe de journalistes avides de nouvelles fraîches et d’émotions rares. Je ne m’en prends guère aux journalistes car c’est le pape qui est responsable, au premier chef.
Et puis il y a l’absence de chance. On rapporte que Napoléon, avant de confier une importante mission à un général ne posait des questions sur son génie militaire mais demandait s’il avait de la chance…
Le pape n’en a pas vraiment. Et des esprits peu charitables, quoique très catholiques, se sont complus, ce matin même, à faire la somme de ses infortunes médiatiques : les évêques négationnistes, l’avortement de la jeune brésilienne et aujourd’hui le préservatif… Oui, c’est vrai, cela fait un peu trop..
La question du début reste entière : l’église chrétienne est-elle de son temps ? Mais la question de la question est ben celle-ci : quand on se sent investi d’une mission supra-temporelle, éternelle, doit-on être de son temps ?
Toutefois, cela ne change rien au fait que c’est au médecin de juger de la qualité des mesures prophylactiques en matière de sida.