OUR OU CONTRE L’ÉMISSION DE LAURENT RUQUIER : ON N’EST PAS COUCHÉ…
Même les intellectuels et les penseurs ont le devoir de se distraire et de rire en famille. Cela fait partie du lien qui nous unit à l’épouse et aux enfants, étant entendu que la pire des choses pour un philosophe est de se prendre au sérieux.
Hier soir, donc, après un excellent concert de musique classique (entre autres, La jeune fille et la mort) au CID de Deauville, nous sommes revenus juste à temps pour regarder l’émission de Ruquier qui fêtait sa centième diffusion. Difficile de risquer une analyse complète du phénomène lui-même car on pourrait, non sans motif, s’interroger sur la prolifération de telles émissions et sur leur succès… Mais c’est ainsi : le stress, le travail de plus en plus en prenant, des conditions qui vont en se durcissant, expliquent, peut-être, que nous soyons tous enclins à suivre ce genre de choses qui nous font penser à rien.
POUR OU CONTRE L’ÉMISSION DE LAURENT RUQUIER : ON N’EST PAS COUCHÉ…
Même les intellectuels et les penseurs ont le devoir de se distraire et de rire en famille. Cela fait partie du lien qui nous unit à l’épouse et aux enfants, étant entendu que la pire des choses pour un philosophe est de se prendre au sérieux.
Hier soir, donc, après un excellent concert de musique classique (entre autres, La jeune fille et la mort) au CID de Deauville, nous sommes revenus juste à temps pour regarder l’émission de Ruquier qui fêtait sa centième diffusion. Difficile de risquer une analyse complète du phénomène lui-même car on pourrait, non sans motif, s’interroger sur la prolifération de telles émissions et sur leur succès… Mais c’est ainsi : le stress, le travail de plus en plus en prenant, des conditions qui vont en se durcissant, expliquent, peut-être, que nous soyons tous enclins à suivre ce genre de choses qui nous font penser à rien.
L’animateur a donc voulu fêter comme il convient cette occasion car son émission est désormais bien installée et très suivie, encore que la faveur du public et la bienveillances des autorités télévisuelles soient deux valeurs assez peu sûres… On nous a montré les passages les plus scabreux des émissions ; je ne nommerai personne, mais tout y est passé : des ministres en exercice qui s’emportent, recourent à des noms d’oiseaux, des actrices ou des acteurs qui quittent soudainement l’émission, des hommes politiques, voire même des membres de l’Académie française, prêts à tout subir, juste pour se donner l’impression qu’ils existent, et le couronnement de tout, nos deux Eric nationaux, Nollo et Zemmour, dont la férocité et la dureté du trait expliquent, en fait, le succès de l’émission.
Je pense que c’es sur ce dernier point que doit porter la réflexion ; ce sont deux personnes qui, à mes yeux, ne sont pas intrinsèquement malveillantes mais qui jouent un rôle très parisianiste. On ne leur demande pas de délivrer un oracle constamment onctueux sur ce qu’ils lisent ou écoutent. C’est plutôt le contraire. On voit émerger sous nos yeux le règne de l’insolence plus que de l’impertinence car, très souvent, nos deux compères (aux idées politiques radicalement opposées) édifient leurs auditeurs qui n’ont aucun autre accès à la culture que celui-ci. Je vois déjà les hauts cris de certains, scandalisés de lire que je qualifie de culturelle l’émission de Ruquier le samedi soir, et pourtant… Cette complicité entre deux hommes que leurs idées politiques séparent me rassure et me plaît ; même beaucoup.
Nos deux compères critiquent des livres le plus souvent et ils ont la dent dure, en raison, probablement, de l’insondable médiocrité de certains ouvrages qu’on leur présente. Et c’est là que je ne suis pas toujours d’accord : qu’ils brocardent impitoyablement telle ou telle autre pièce rapportée du système politique d’hier ou d’aujourd’hui, qu’ils s’en prennent sans ménagement aucun (mais vraiment aucun) à telle ou telle relique médiatique, passe encore. Mais quand ils apostrophent durement des dames (oui, en particulier) qui pourraient largement être leurs mères, cela me gêne. Et cela me gêne, tout d’abord, pour eux.
Mais voilà, le public est très friand de cette agressivité choisie mais pas toujours pleine de discernement. D’un autre côté, si l’émission était plus policée et se passait plus tranquillement, elle perdrait d’un seul coup, une bonne moitié de sa clients.
L’image n’est pas très réjouissante mais ce miroir nous renvoie à une partie de nous-mêmes que nous feignons d’ignorer tout le reste de la semaine.
La communication qui fait rage chez nous depuis peu d’années alors qu’elle trône aux USA depuis au moins la fin de la seconde guerre mondiale, a tout changé. Quand je pense à Socrate, Platon et Aristote qui n’avaient pas d’attachée de presse et dont les œuvres subsistent malgré tout… Même Moïse, en admettant la mosaïcité du Pentateuque, ce qui est loin d’être le cas, n’avait pas besoin de Dir-Com, et pourtant les récits (dits étiologiques qu’il relate) sont encore présents dans la mémoire de tout homme cultivé
Longue vie à nos deux comparses et longue vie à l’émission qui s’affinera sûrement avec le temps.