EXISTE-T-IL UN DIALOGUE INTERRELIGIEUX ?
La visite de Benoît XVI en Terre sainte nous oblige à poser question quelque peu troublante : existe-il un dialogue interreligieux ? Quelles en sont les conditions d’existence ? On a dit, avant les multiples bévues de la diplomatie vaticane, que le saint Père ne voulait pas vraiment faire de dialogue interreligieux, mais qu’il y fût contraint par les habits pontificaux. Tant qu’il était cardinal, il n’en était pas vraiment un farouche partisan, mais les nécessités de la fonction papale l’y auraient contraint.
EXISTE-T-IL UN DIALOGUE INTERRELIGIEUX ?
La visite de Benoît XVI en Terre sainte nous oblige à poser question quelque peu troublante : existe-il un dialogue interreligieux ? Quelles en sont les conditions d’existence ? On a dit, avant les multiples bévues de la diplomatie vaticane, que le saint Père ne voulait pas vraiment faire de dialogue interreligieux, mais qu’il y fût contraint par les habits pontificaux. Tant qu’il était cardinal, il n’en était pas vraiment un farouche partisan, mais les nécessités de la fonction papale l’y auraient contraint.
La visite du pape ne crée pas ce problème, elle offre simplement l’opportunité de s’interroger sur l’existence de ce dialogue entre les religions. Je souligne d’emblée que les religions ne sont pas les cultures, certes, elles en font partie, mais elles occupent dans l’âme humaine le secteur le plus secret, le plus intime et contiennent des convictions les plus inexpugnables.
Au cours du Moyen Age, les théologiens de toutes confessions réagissaient aux tentatives de colonisation de leurs secteurs par des philosophes qui tentaient de donner des explications allégoriques ou métaphoriques des dogmes religieux. Et l’un de leurs arguments les plus forts, celui qui m’avait le plus impressionné dans ma jeunesse, était l’exemple du martyre. Pour les théologiens, il n y avait de martyre que religieux, on ne se déclarait prêt à mourir que pour ses seules convictions religieuses. Et pour rien d’autre. Et d’indiquer aux philosophes qu’ils ne faisaient guère preuve de la même abnégation, ni du même esprit de sacrifice.
C’était, assurément, oublier l’exemple de Socrate, mort pour ses idées, donc assumant le martyre philosophique et acceptant de boire la ciguë alors que ses disciples lui proposaient d’organiser son évasion en corrompant les gardiens…
Lorsque l’ancien numéro 2 du Vatican disait, il y a quelques années, qu’il ne pouvait y avoir de dialogue interreligieux qu’entre les juifs et les chrétiens, car les uns étaient issus des autres, il indiquait qu’avec une autre grande religion monothéiste il ne pouvait y avoir qu’un dialogue culturel poli et courtois…
Que l’on soit ou non d’accord avec cette opinion, elle a au moins le mérite de poser le problème sans faux fuyants. Ernest Renan posait quelques préalables pour être en mesure de parler de sa religion et de dialoguer avec ceux qui pensent et croient autrement que nous : il faut croire en sa religion, mais un peu moins que précédemment, sinon on est aveuglé par elle. Mais prétendre qu’on puisse poser les bases d’un dialogue lorsque les uns posent comme théorème insubstituable la foi en une divinité trine tandis que les autres affirment que l’Eternel est un et «qu’Abraham ne faisait pas partie des associateurs» ? Comment discuter avec ceux qui croient mordicus que Dieu a promulgué des lois qu’il faut appliquer alors que d’autres partent du principe que la mort de Jésus sur la croix a affranchi l’humanité du joug de la loi ?
Et si l’on met cela de côté, que reste-t-il à discuter ? C’est difficile. Les hommes doivent trouver une manière de vivre ensemble, de vivre pleinement leur foi sans gêner ni haïr l’autre. Est-ce possible ? Je l’espère mais n’en connais pas encore la recette.
Et la froideur de la visite pontificale m’incite à penser que ce n’est pas demain qu’on la retrouvera.