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Israël et le Maroc

Israël et le Maroc
Dans la presse israélienne francophone est récemment paru un article intéressant relatant les dessous des relations israélo-marocaines depuis 1948 et la fin de l’année 1954, date à laquelle la France dut mettre fin à son protectorat sur le pays chérifien. On savait la plupart des choses contenues dans cette publication, mais certains points restaient obscurs et des dates devaient être précisées.
L’idée fondamentale dans le cours de ces relations qui n’ont jamais été entièrement interrompues, même pas aujourd’hui, à la suite de la campagne à Gaza, est que, sans l’entremise du Maroc et de son défunt monarque, le roi Hassan II . la visite de Anouar El Sadate à Jérusalem en 1977, n’aurait jamais eu lieu. C’est tout de même quelque chose puisque, comme chacun sait, cette visite a ouvert la voie à la paix (même s’il s’agit d’une paix glaciale) et a privé le camp arabe d’une puissante armée, même si les experts (dont nous ne sommes pas) ne confondent pas effectifs pléthoriques et efficacité.
Dès 1948, le jeune Etat d’Israël a compris qu’il fallait stimuler l’émigration vers la terre d’Israël (condition sine qua non de a survie) et la communauté juive marocaine comptait alors plus de 350. 000 âmes, réparties dans quelques grades villes mais aussi des villages et des lieux reculés difficiles d’accès. Le Mossad fut chargé de tirer les choses au clair et d’exfiltrer tout ce petit monde. Cela ne se fit pas aisément et il y eut bien des vicissitudes que certains ouvrages hébraïques, récemment parus en Israël, retracent par le menu. Le roi Mohammed V, grand père du monarque actuel, a toujours été plein d’attention envers les juifs, même s’il dut, sous la pression menaçante de nationalistes arabes comme le colonel Nasser, prendre parfois des positions plus fermes. Mais déjà Israël, à l’époque, aida le jeune Etat à protéger ses frontières et à combattre l’infiltration d’éléments égyptiens, désireux de faire du Maroc une sorte de tête de pont pour l’influence soviétique en Afrique du Nord. Et surtout d’enrôler l’armée chérifienne naissante dans son combat contre l’Etat juif.
A la faveur de rencontres discrètes à Paris et ailleurs en Europe, les Marocains acceptèrent de fermer les yeux sur l’émigration des juifs vers la Terre promise. Moyennant, assurément, quelques centaines de dollars US par personne. Près d’un demi milliard de dollars changea ainsi de main.
Malgré des hauts et des bas, Israël continua d’aider le Maroc aux plans militaire et diplomatique, intervenant en sous main auprès des Américains pour aider au décollage d’une économie marocaine qui en avait besoin.
Les contacts secrets entre les deux pays ont poussé le Mossad à avertir le roi Hassan II des menaces de coups d’Etat, tramés par le fameux général Oufkir qui avait beaucoup d’amis dans la communauté juive de son pays. On dit que Hassan II n’oublia jamais cette dette et la reconnaissance qu’elle impliquait de sa part. Même aux heures les plus sombres, même lorsque la guerre faisait rage entre Israéliens et Arabes, même lorsqu’il dut envoyer sur le Golan quelques brigades (qu’il confectionna à partir d’officiers les moins sûrs de son armée) il ne sombra jamais dans une horrible rhétorique anti-juive dont les autres dirigeants de la région étaient devenus coutumiers.
On oublie parfois que, jeune prince héritier, il avait, par naïveté et ou par inexpérience, exprimé le souhait de voir Israël rejoindre la Ligue Arabe, lors d’un mémorable passage à Beyrouth. Plus aguerri, il comprendra qu’il faut donner du temps au temps et son entremise aboutira, comme on l’a dit, à la visite de Sadate à Jérusalem. Ce dernier eut la sagesse de comprendre que le gouvernement Rabbin des années 1970 était trop faible. Lorsque Menahem Béguin devint Premier Ministre, le dirigeant égyptien que seule la droite dure pouvait imposer de tels déchirements à l’opinion publique.
Qu’en est-il de son fils ? Il semble qu’il ait médité les leçons de la conduite de son père, se contentant de suivre avec modération la position des Etats arabes, mais sans jamais verser de l’huile sur le feu. Solidement ancré dans le camp occidental, le roi Mohammed VI suit avec intelligence la politique on père et ne fait aucune difficulté à reconnaître la Shoah qu’il qualifie, en substance, de crime parmi les plus horribles de l’histoire humaine. Ainsi, il tranche avantageusement par rapport à certains sinistres personnages…
Bien vu à Paris, soutenu par Washington, respecté en Europe pour sa modération et ses idées modernistes, le roi Mohammed VI marchera-t-il dans les brisées de son défunt père et ira-t-il jusqu’à se rendre un jour à Jérusalem ? Je ne sais. Mais je suis sûr d’une chose : s’il franchissait le pas, des centaines de milliers d’Israéliens, attachés à leur pays d’origine, lui feront un triomphe et sauront témoigner à leur ancien monarque les marques de respect qu’il est en droit d’attendre de ses anciens sujets.

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