Peut-on renvoyer des réfugiés afghans chez eux ?
C’est le débat qui menace d’occupe la plume et le microphone des gens de presse : peut-on renvoyer chez eux, dans un pays en guerre, des gens qui ont justement quitté cette zone dangereuse pour chercher refuge ailleurs ? Il est difficile de répondre de manière nette et tranchée à cette question car elle implique le respect de principes presque contradictoires :
1)Si l’on accueille chez soi des réfugiés qui n’ont pas de titre de séjour valable et qui n’ont aucun lien avec le pays où ils cherchent un asile et un refuge, on risque de signaler une ouverture aux passeurs sans scrupules qui vont submerger ces pays d’un afflux insupportable et continuer d’exploiter de pauvres hères qui seront prêts à tout pour échapper à l’enfer qu’ils vivent chez eux.
2)Si l’on refuse l’accès à ces gens en danger, on heurte de front les convictions internationales qui ont formalisé l’aide nécessaire aux réfugiés, c’est-à-dire à nos frères humaines qui ont droit, eux aussi, à la dignité et à la sécurité pour eux-mêmes et leurs enfants. C’est un principe intangible qui est d’ailleurs mis à mal, ces derniers temps, en raison de la crise économique mondiale et aussi, suite aux crispations identitaires qui se font jour partout dans le monde. Et pas uniquement en Europe qui, elle, retient plus l’attention, en raison de la prospérité et de la paix qui y règnent.
En fait, il convient, après le rappel des principes, de faire preuve de réalisme. On ne peut pas accueillir tout le monde, même s’il n’y avait ni crise, ni pénurie, ni chômage. On peut déplorer qu’une partie non négligeable de la population mondiale vive sous le seuil de pauvreté ou dans des conditions contraires aux règles démocratiques… Le vrai problème, c’est de changer la situation catastrophique qui pousse les gens à quitter ces pays là. La solution, hors de notre portée, hélas !- est d’agir en amont, de conduire des organisations internationales comme l’ONU à isoler ces régimes totalitaires et corrompus et à tenter de les remettre sur les rails de la démocratie : si les gens se sentent bien chez eux, pourquoi iraient-ils ailleurs ?
On oublie aussi, très souvent, les affres de la transplantation, les écarts entre les cultures et les traditions. Ce n’est pas tout de quitter son Afrique ou son Asie natale pour vivre et étudier en Europe ou aux USA. Il faut aussi s’adapter au sentir et au penser (Denken und Fühlen) de ces civilisations. Il suffit d’interviewer de vieux africains ou de vieux maghrébins qui font le bilan de leur vie après des décennies de travail hors de chez eux : tous veulent rentrer au pays, tous se languissent de leur existence dans leurs villages ou leurs contrées.
Mais est-ce que cela résout notre problème éthique de donner asile à une humanité menacée ? Je crains que non. Le problème reste entier. Souvenez vous de cette fameuse interrogation du premier assassin de l’Histoire : Suis-je le gardien de mon frère ?