LA CHUTE DU MUR DE BERLIN… vingt ans après !
Les plus jeunes (dont j’étais) ne s’en souviennent probablement pas, s’ils ne l’ont lu dans les livres, mais lorsque la RDA a érigé le mur séparant les deux parties de l’ancienne capitale du Reich, le maire de l’époque, un certain Willy Brandt, s’est écrié : un mur a divisé ma ville… Ceux qui n’ont jamais résidé à Berlin, en ce temps là, ne peuvent réaliser ce que cela représentait.
Je me souviens : entre 1982 et 1983, je fus nommé professeur associé à la Freie Universität de Berlin et résidais alors à Dahlem Dorf, logé dans les villas de l’Université. J’avais une voiture et aimais me promener dans cette ville si vaste et si étendue. Mais comme j’étais encore nouveau dans ces lieux, il m’est souvent arrivé de me retrouver dans un cul de sac ou une impasse, nez à nez avec le mur… Il fallait donc faire marche arrière pour retrouver une voie carrossable. Mais ce qui me frappait le plus, notamment au petit déjeuner, c’était la une de tous les journaux, relatant qu’un fugitif de l’est avait été, durant la nuit, haché menu par les mitrailleuses automatiques qui se déclenchaient dès qu’un passage du mur était repéré. Les Allemands appelaient ces mitrailleuses automatiques automatische Schießanlagen. Il arrivait aussi, mais c’était rarissime, que des fugitifs puissent passer à l’ouest, sains et saufs.
Je me souviens aussi que ma curiosité me poussait à franchir la frontière le dimanche pour passer quelques heures dans la partie orientale de la ville : ces immenses avenues absolument désertes avec de très rares voitures de marque soviétique ou d’autres pays de l’est, ces hommes et ces femmes, dignes mais habillés de vêtements qui rappelaient les années cinquante, ces cigarettes est allemandes qui avaient un goût de foin tranchant fâcheusement par rapport à l’arôme envoûtant des cigarettes américaines, mais la seule compensation était cette bonne bière, d’excellente qualité, offerte à des prix dérisoires… Mais le pire était le passage à Check point Charlie lorsque les Vopos, les gardes frontières est allemands vous scrutaient d’un œil volontairement soupçonneux, ouvrant même le capot, auscultant les sièges du véhicule, faisant passer un miroir roulant sous le véhicule (en allemand Rollglas)… bref, quand vous sortiez de là, vous rendiez grâce au Seigneur et vous vous disiez que c’était la dernière fois que vous franchissiez la frontière.
Et comme par enchantement, par la foi et le courage d’hommes et de femmes armés de leur seul bon droit, ce mur de l’iniquité est tombé, grâce à ces cortèges nocturnes que l’église protestante organisait inlassablement. Cela fait penser aux multiples processions circulaires des Hébreux qui firent tomber les murailles (imaginaires) de la ville de Jéricho dont parle le livre de Josué.
La liberté eut raison de la tyrannie et fit fondre ce que le livre de Job nomme les mâchoires de l’iniquité (malté’ot awel). Formons le vœu que l’unité allemande désormais réalisée reprenne toute sa place dans le concerts des nations européennes et que revive l’Allemagne des poètes et des philosophes, das geistige Deutschland.